Ils avaient pour noms Ordre du Temple solaire, Ecoovie, Moon ou… Église de scientologie. Ils faisaient l’actualité, au début des années 90, «et ils ont suscité de nombreuses plaintes» se souvient Nathalie de’t Serclaes. De quoi justifier la mise sur pied, en 1995-1996, d’une commission parlementaire d’enquête, dont la conseillère communale MR uccloise, alors députée PSC, était la vice-présidente.
«Elle a procédé à de nombreuses auditions», se souvient-elle. Et suscité la création, en 1998, d’un Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles.
Ce Centre fonctionne toujours aujourd’hui. «Car les sectes restent actives en Belgique, même si elles n’attirent plus l’attention des médias», pose Éric Brasseur.
«Le Centre reçoit toujours autant de demandes du public qu’il y a quinze ans» , explique son directeur. Des «centaines de demandes par an» adressées «par des parents, inquiets devant la dérive d’un enfant, par des gens préoccupés par l’évolution d’un proche».
Diasporas sous influence
La base de la définition légale d’une secte, «c’était l’impossibilité pour ses membres de la quitter», se rappelle Nathalie de’t Serclaes. Et souvent une «dépendance financière».
«Ce sont des critères, mais il en est d’autres», complète Éric Brasseur.
Il y a «l’abus de situation de faiblesse, le plus souvent évoqué, aujourd’hui, à propos des personnes âgées dans les maisons de retraite. Il y a le racisme, et l’abus, moral ou physique des personnes. Il peut aussi y avoir la publicité mensongère, ou la mise en danger de la vie d’autrui».
Visés, les deux principaux types de groupes sectaires détectés de nos jours: des groupes occupés de thérapie ou de bien-être, et des groupes pentecôtistes «essentiellement présents dans les diasporas sud-américaine et africaine: ils sont adeptes de la guérison par la prière, ce qui n’a rien de répréhensible, mais le devient par exemple quand on retire des gosses de traitement en trithérapie, et qu’on les laisse sans soins médicaux . Car alors, leur vie est en danger».
Loin d’être en perte de vitesse, le phénomène sectaire reste donc bien actif, «et pas de manière souterraine. Car dès qu’une secte gagne en influence, elle devient visible. Et c’est alors qu’on nous interpelle, soit directement, soit par le truchement de la police, ou d’une association d’aide aux victimes», détaille Éric Brasseur.
L’avis du Centre n’est pas toujours négatif, «simplement parce que l’association visée ne relève pas du schéma sectaire». Sa fonction n’est pas uniquement préventive; il est aussi là pour rassurer des personnes inquiètes…
La scientologie en correctionnelle
La Cour de cassation a rejeté les derniers pourvois des inculpés. Treize hauts cadres de l’Église de scientologie sont poursuivis.
Jean-Pierre DE STAERCKE
Cette fois, plus d’échappatoire possible. Tous les appels et tous les pourvois en cassation sont épuisés depuis mercredi soir. Treize prévenus, ainsi que l’ASBL Église de scientologie de Belgique et le Bureau européen pour les affaires publiques et les droits de l’homme de l’Église de scientologie internationale, devront comparaître l’an prochain devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Mais ils sont toujours présumés innocents.
1. Association de malfaiteurs et organisation criminelle Les principaux protagonistes de ce dossier devront en répondre. Cette double accusation est la plus lourde. Elle signifie que les autres délits qui leur sont reprochés ont été perpétrés sciemment dans le cadre des activités d’une organisation bien structurée. Et l’objectif de celle-ci aurait toujours été de nuire aux personnes pour s’emparer de leurs biens. C’est la thèse du parquet fédéral qui porte ce dossier à bout de bras depuis une quinzaine d’années. La période infractionnelle visée s’étend de 1997 à 2007.
2. Escroqueries Selon l’accusation, les premiers indices de celles-ci remontent à 1977. Les arnaques présumées sont liées notamment, mais pas seulement, aux coûts exorbitants de sessions de cours, à l’estime de certains plaignants. Elles s’apparenteraient à des extorsions. Cette enquête fleuve a vraiment commencé en 1997, avec les dépositions de plusieurs anciens adeptes recueillies par le juge d’instruction Jean-Claude Van Espen et elle a été relancée à plusieurs reprises pour s’étoffer encore, avec des suspicions d’exercice illégal de la médecine et d’offres – jugées trompeuses – d’emploi. C’est Actiris, l’Office régional bruxellois de l’emploi, qui a dénoncé ces derniers faits au parquet.
3. Exercice illégal de la médecine Il est, entre autres, reproché à l’Église de scientologie et à plusieurs prévenus d’avoir organisé des cures de désintoxication, très onéreuses elles aussi et sans contrôle médical. Pour attirer des adeptes, l’organisation proposait des «tests de personnalité» à coups de publicités ou en abordant les quidams en rue, assurant que ces tests sont indispensables avant un entretien d’embauche pour exercer un métier enviable. Ensuite de quoi, des troubles ou des assuétudes auraient été détectés. Des cours étaient en tout cas dispensés, moyennant finances, pour «libérer en soi des forces insoupçonnées».
4. Atteintes à la vie privée Les deux juges d’instruction qui se sont relayés dans cette enquête ont rassemblé des informations sur le fichage des fidèles de la Sciento, dont certains disent avoir été espionnés, harcelés, voire menacés.
Le « Bureau européen »
■ JPDS
Le procès qui s’annonce pour 2015 sera particulièrement médiatique. Parce qu’en s’attaquant à la Sciento en Belgique, le parquet fédéral vise aussi et surtout le siège européen de l’organisation qui avait quitté Copenhague en 2003 pour s’installer rue de la Loi, à Bruxelles, en plein quartier européen. On mesure dès lors tous les enjeux de cette procédure titanesque.
Dix-sept ans plus tard
C’est en 1997 que le juge Jean-Claude Van Espen a été saisi d’une plainte, pour escroquerie, de la part d’une ancienne adepte. Progressivement, l’enquête va déboucher sur d’autres inculpations. C’est que M. Van Espen est un magistrat financier qui va éplucher les comptes de l’ASBL et de ses dirigeants. Les perquisitions vont pleuvoir en 1999 et, chemin faisant, il va découvrir des milliers de fiches contenant des renseignements sur la vie intime et sexuelle des adeptes, sur leur santé, ainsi que des rapports sur les confessions parfois troublantes de membres de la Mission en Belgique qui s’auto-accusent à tort et à travers. La saisine du juge sera donc étendue à des infractions à la loi sur la vie privée et à d’autres escroqueries présumées. Il inculpera neuf personnes, défendues par les plus fines lames des barreaux qui tireront sur toutes les procédures. Puis, d’anciens cadres de l’«Église» vont fournir de précieux tuyaux.
En 2007, on pensait arriver à bout de ce dossier Mammouth mais voilà qu’Actiris dénonce des offres d’emploi présumées bidon. Le juge Michel Claise est venu appuyer son collègue Van Espen, découvrant d’autres faits alimentant les toutes premières suspicions d’escroquerie. Et de nouvelles querelles de procédure vont surgir. Dix-sept ans plus tard, 13 personnes sont maintenant attendues au tribunal.
source : CIAOSN / IACSSO
Philippe Leruth