Les Témoins de Jéhovah sont-ils des contribuables comme les autres ? Condamné à payer 45 millions euros d’amendes à la suite d’un contrôle fiscal en 1996,le mouvement a demandé un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Une situation qui agace particulièrement le député des Ardennes Philippe Vuilque (PS), président du groupe d’étude sur les sectes à l’Assemblée nationale. Dans une question écrite au gouvernement, il a, le 1er juillet dernier, interpellé le ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi au sujet de cette ardoise hors du commun que l’État ne semble pas si pressé d’effacer.

{{VSD. Qu’attendez-vous du gouvernement ?}}

Philippe Vuilque. Nous lui demandons de prendre des mesures afin que les services du ministère des Finances assurent le recouvrement de la somme que les Témoins de Jéhovah doivent à l’État. Chaque fois que les parlementaires votent le budget, nous demandons au ministère où en est la question de la dette des Témoins de Jéhovah. En 1998, ils ont été condamnés à payer une somme avoisinant les 45 millions d’euros à la suite d’un redressement fiscal. [Dans une question au gouvernement adressée au ministre de l’Économie, Philippe Vuilque affirme qu’ «aujourd’hui la somme totale avoisinerait les 57 millions d’euros », NDLR] Il y a près de deux ans, il y a eu un commencement de paiement mais qui est loin de recouvrir l’intégralité de la somme. L’administration fiscale se doit de les poursuivre comme elle le ferait pour n’importe quel contribuable. D’habitude, elle fait beaucoup pour récupérer quelques milliers d’euros lorsqu’il s’agit de particuliers. Ici, il s’agit d’une somme considérable. Pourquoi une telle mansuétude ? Y aurait-il deux poids deux mesures ? Dans ce cas précis, le ministère n’a pas l’air de faire beaucoup de zèle. Il nous répond qu’il faut maintenir le secret fiscal et refuse de nous communiquer les détails de leur relation avec les Témoins de Jéhovah.

{{VSD. Comment expliquez-vous que cette affaire traîne depuis 1996 ?}}

P.V. Nous pensons de notre côté que le ministère a des doutes sur la provenance de l’argent du recouvrement. Ils sont ennuyés et c’est aussi pour cela que l’affaire stagne. Nous estimons qu’il y a négligence coupable de la part du ministère. Les Témoins de Jéhovah sont accusés de travail dissimulé. Ensuite des délais de paiement non respectés ont encore alourdi la note… Au moment où l’Etat cherche à renflouer les caisses, nous nous demandons simplement pourquoi il ne commence pas par faire payer ses dettes fiscales. Et nous reposerons la question, chaque année, jusqu’à ce que nous obtenions une réponse satisfaisante.

{{VSD.Pensez-vous que l’État s’est désengagé de la lutte contre les dérives sectaires ?}}

P.V. Nous nous sommes posé la question à un moment donné. Il y a eu des déclarations qui laissaient penser cela : celle de Mme Mignon [ la conseillère de Nicolas Sarkozy avait déclaré à VSD qu’ « en France, les sectes sont un non-problème ». Lire l’article dans VSD n°1591 (du 20 au 26 février 2008)] ou celle de la ministre de l’Intérieur qui remettait en cause le fonctionnement de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Depuis, les choses ont été mises au point par le Premier ministre lui-même. Néanmoins, ce n’est un secret pour personne : certains, au gouvernement, ne considèrent pas comme une priorité la lutte contre les sectes, voire que cela ne sert à rien. Mais c’est sans compter sur la mobilisation des parlementaires.

Recueilli par Marie-Adelaïde Scigacz 16/07/2008 18:07

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