Il n’est pas surprenant de voir Jean-Sébastien Lozeau, un réalisateur de Mont-Saint-Hilaire, tendre le micro aux victimes du pasteur Claude Guillot, dans son nouveau documentaire Les victimes du pasteur Guillot.

Après avoir quitté le mouvement des Témoins de Jéhovah, Lozeau a écrit un premier livre sur sa jeunesse, Réveillez-moi! : une enfance chez les Témoins de Jéhovah, paru chez VLB. Il a aussi réalisé le documentaire Au nom de Jéhovah, qui voulait mettre la lumière sur les pratiques sectaires du mouvement. Cette fois, il tourne les projecteurs sur le mouvement baptiste et raconte les sévices subis par des enfants au nom de la religion par le pasteur Guillot. « Je voulais donner la parole à des gens qui ont souffert et qui n’ont pas eu la chance de s’exprimer; que leurs blessures, leurs histoires troublantes soient exposées au grand jour pour conscientiser les gens », explique d’entrée de jeu le réalisateur.

Embauché chez Numérique, une branche de Québecor, Lozeau a eu l’occasion de rencontrer une dizaine de victimes du père Guillot. Dans le film, on peut suivre la quête de guérison et de survie de deux victimes, Josh et Marc.

Le documentaire présente brièvement le pasteur Guillot, reconnu coupable de 18 des 22 chefs qui pesaient contre lui, qui vont de voie de fait simple à harcèlement, en passant par voie de fait avec armes, notamment avec une palette de bois. L’homme a enseigné directement dans sa maison de 1982 à 2014, là où il brutalisait ses élèves. Aujourd’hui âgé de 73 ans, l’homme purge depuis 2022 une peine de huit ans de prison.

« Je ne voulais pas le valoriser et lui donner de l’attention. Pour moi, c’est surtout important de me faire le porte-voix des victimes. J’ai quand même tenté de l’interviewer, mais il a refusé. »

Les victimes

Dans le documentaire, Marc, l’une des victimes, retourne sur les lieux où le père Guillot lui a fait subir ses châtiments pendant six ans, à l’Église évangélique baptiste de Victoriaville. À ce moment, Marc brise; les larmes lui montent aux yeux et il quitte les lieux, troublé.

« Après la séquence, Marc est parti se réfugier dans son véhicule. Quand je suis allé le rejoindre après 10 minutes, il était encore sous le choc. […] C’est venu le chercher dans la profondeur de son âme. Pourtant, ça fait 30 ans. »

De son côté, Josh est aujourd’hui considéré comme étant invalide, incapable de travailler, toujours en état de vigilance.

Ce qui a été difficile pour eux, au-delà des sévices corporels prolongés dans leur jeunesse, c’est le combat judiciaire qui a duré huit ans, entre la dénonciation et le prononcé de la sentence, souligne le réalisateur.

Jean-Sébastien Lozeau rappelle aussi que les victimes de Guillot ont attendu longtemps avant de dénoncer. « C’est normal. Quand tu vis quelque chose comme enfant, tu es habité par une douleur, de l’incompréhension, de l’inquiétude; tu es déstabilisé comme humain dans ton développement, et c’est normal que tu ne saches pas comment réagir. Les victimes doivent se refaire intérieurement. Les victimes d’une secte sont victimes d’un viol psychologique. »

La méthode ACE

Pour Lozeau, il est inadmissible qu’il existe encore aujourd’hui des écoles baptistes au Québec qui fondent leur enseignement sur la méthode ACE, une méthode notamment prônée par le pasteur Guillot. La méthode ACE, ou Accelerated Christian Education (Éducation Chrétienne Accélérée), est un système d’éducation utilisé principalement par les chrétiens évangéliques, y compris certaines communautés baptistes. L’éducation est centrée sur la Bible et chaque sujet est enseigné du point de vue chrétien. Certains adeptes de cette méthode, comme le pasteur Guillot, utilisent le châtiment corporel dans leur enseignement, notamment avec l’aide d’une palette de bois.

Lozeau affirme avoir demandé à rencontrer le ministre de l’éducation, Bernard Drainville, dans le cadre du documentaire, mais son équipe lui a refusé l’entrevue.

Selon lui, le Code criminel est trop permissif envers les adultes qui utilisent le châtiment corporel pour éduquer les enfants. L’article 43 du Code criminel souligne que tout instituteur, père ou mère, peut corriger un élève ou un enfant, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable.

Marc et Josh veulent d’ailleurs que l’article soit abrogé. Appuyées par le député fédéral indépendant Alain Reyes, les deux victimes continuent leur combat. Ils ont déposé le 29 mars une pétition de 1100 noms qui demandent l’abrogation de l’article. « C’est leur combat actuellement. C’est difficile pour eux; ils doivent mener le combat en plus d’affronter continuellement leur passé. Leurs plaies ne cicatrisent jamais. J’espère que le documentaire sera un nouveau départ pour eux. Ils ont vécu l’enfer, on n’a pas idée. Je les admire et ils méritent d’être heureux. »

Le documentaire Les victimes du pasteur Guillot prendra l’affiche sur la chaîne Vrai, dès le 20 juin.

source :

L’oeil Regional

Par: Vincent Guilbault

vguilbault@oeilregional.com

https://oeilregional.com/une-longue-guerison-sous-forme-de-documentaire/