Aucune étude n’a encore évalué l’intérêt de cette thérapie manuelle mise au point dans les années 1960 en France.
L’étiopathie, une thérapie manuelle qui a le vent en poupe en France, est-elle vraiment bénéfique et sans risque? Impossible à dire, répond l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui vient de publier un rapport sur la question. Depuis quelques années, l’Institut évalue toutes sortes de thérapies non conventionnelles (auriculothérapie, chiropratique, jeûne, mésothérapie…), en s’appuyant sur les études scientifiques publiées. Concernant l’étiopathie, pratique franco-française, les chercheurs de l’Inserm se sont heurtés à un obstacle de taille: aucune étude solide n’a, à ce jour, été réalisée.
«Le manque d’études et l’absence de preuves scientifiques ne permettent pas de confirmer ou d’affirmer l’intérêt du recours à l’étiopathie dans au moins une de ses indications». Pourtant, la liste des maladies que les étiopathes prétendent soigner est longue et elle s’étend au-là des problèmes ostéo-articulaires. Sur son site internet, l’Institut Français d’Étiopathie (IFE) indique ainsi que l’étiopathie permettrait de soigner douleurs articulaires, entorses, maux de tête, sinusites, otites, asthme, mais aussi cystites, insomnies ou encore infertilité (!).
» LIRE AUSSI – Peut-on démontrer l’efficacité des médecines alternatives?
Une pratique hors de contrôle
Des allégations avancées en dépit de l’absence de fondement scientifique, «clairement de nature à tromper à la fois les étudiants et les usagers», selon un rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) publié en 2010. Par ailleurs, certaines manipulations ont de quoi surprendre. Les étiopathes peuvent par exemple avoir recours à des touchers vaginaux et/ou rectaux. Des gestes interdits aux ostéopathes et aux chiropracteurs, qui ne sont pas reconnus comme des professionnels de santé, mais dont les pratiques sont encadrées par la loi.
Inventée dans les années 1960 en France par Christian Trédaniel, l’étiopathie s’inspire de la tradition des rebouteux. Au fil des décennies, cette pratique a connu une petite popularité: en 2017, le registre national des étiopathes en comptabilisait 531. Quatre écoles privées délivrent une formation de six ans, pour un coût total d’environ 30.000 euros. Des institutions qui, selon le rapport de l’Inserm, «se mettent ostensiblement à l’écart d’une démarche de recherche évaluative». Les experts demandent donc à l’étiopathie de «se remettre en question». «Il en est de l’intérêt des patients qui y font appel. Il en va de sa légitimité», assènent-ils.
» LIRE AUSSI – Comment éviter les charlatans dans la jungle des thérapies
Quels risques?
En outre, «sur le site officiel de l’étiopathie, cette formation est présentée sous l’apparence d’un véritable cursus médical scientifique, de nature à faire illusion auprès des étudiants ou futurs étudiants», fustigeait la Miviludes en 2010. Une formation qui n’est pas encadrée par la loi, ni reconnue par l’État. Quant au métier d’étiopathe, il n’est pas reconnu comme une profession de santé. L’usage de ce titre n’est donc soumis à aucune condition, aucun contrôle.
Les experts de l’Inserm appellent donc à la vigilance, rappelant que si les bénéfices sont incertains, les risques, eux, sont bien réels. Parmi les effets indésirables listés par l’Institut Français d’Étiopathie, on compte des courbatures, une augmentation temporaire des douleurs, une somnolence ou encore des vertiges légers. De manière exceptionnelle, des complications neurologiques (accident vasculaire cérébral) liées à une dissection des artères cervicales peuvent survenir. Mais l’absence d’étude ne permet pas de savoir à quelle fréquence ces effets indésirables se manifestent.