Cette question demeure toujours sans réponse, mais une entrevue exclusive avec Shlomo Helbrans nous a permis de comprendre la genèse de toute cette histoire qui trouve, en grande partie, sa source dans un conflit intime : celui d’une famille qui implose.

Il y a plus d’un an, un des fils de Shlomo Helbrans a décidé de dénoncer ce qui se passait dans le groupe de son père à Sainte-Agathe. Il n’est pas le seul à l’avoir fait, mais sa défection constitue un des catalyseurs des déboires que connaît le groupe aujourd’hui.

Le fils d’Helbrans a lancé un appel à l’aide aux organisations juives de Montréal, comme en témoigne David Ouellet, du Conseil consultatif des relations juives et israéliennes.

Ce n’est pas d’hier que Shlomo Helbrans suscite l’inquiétude; il a un passé extrêmement controversé. En Israël, son pays d’origine, mais aussi aux États-Unis, d’où on l’a chassé il y a une dizaine d’années.

La version intégrale de ce reportage sera diffusée ce soir au Téléjournal 18 h sur les ondes d’ICI Radio-Canada Télé.

Converti ou kidnappé?

C’est le titre d’un des premiers articles que le New York Times consacrera à cette affaire que suivront avec attention les lecteurs du célèbre quotidien de New York. Shlomo Helbrans, qui a alors la jeune trentaine, vient de quitter Israël avec ses disciples parce qu’il craint l’avènement d’un nouvel holocauste.

Il est installé depuis peu dans un quartier hassidique de Brooklyn, où il enseigne sa vision des textes saints dans une petite yeshiva.

À l’époque, Shai Reuvens, 13 ans, s’apprête à célébrer sa bar-mitsvah, rite initiatique par lequel un garçon juif marque sa majorité. Comme il vient d’une famille non pratiquante, la mère de Shai croit bon de l’inscrire à des cours d’enseignement religieux de Shlomo Helbrans.

Jacky Fhima confiera à un des journalistes du New York Times que, dès le début, l’Israélien se comporte de façon étrange vis-à-vis de son fils. La première fois qu’il le voit, le chef des Lev Tahor déclare qu’il voit la lumière dans le visage du jeune garçon. Nous sommes en 1992.

Quelques semaines après le début des cours, Helbrans et sa femme refusent de remettre le garçon à sa mère. Le FBI s’en mêle. Le garçon est introuvable.
Shai reverra ses parents pour la première fois deux ans plus tard devant le tribunal au procès d’Helbrans, accusé de kidnapping.

Or, le jeune garçon, qui a alors 15 ans, témoigne en faveur d’Helbrans. Il prétend qu’il était maltraité chez lui et qu’il était beaucoup mieux avec le Rabbin. « On t’a fait un lavage de cerveau, mon fils », s’est alors exclamée la mère du jeune homme.

Helbrans est condamné à deux ans de prison pour cette affaire par la Cour suprême de Brooklyn en 1994. En mai 2000, le gouvernement américain décide de déporter le gourou, en libération conditionnelle, vers son pays d’origine : Israël.

Réfugié au Canada

En octobre 2003, le Canada accorde à Shlomo Helbrans le statut de réfugié. C’est le célèbre avocat Julius Grey qui plaide sa cause, et sa preuve convainc les autorités de donner asile au personnage controversé.

Grey démontre que, dans les années 80, Helbranz est battu à répétition par des miliciens et qu’il reçoit des menaces de mort. La police ne fait rien. Bien au contraire, elle dit à Helbrans qu’il mérite ces sévices. Un ancien agent des services secrets israéliens vient témoigner de l’affaire au Canada.

Dans les médias israéliens, on décrit Helbrans comme un fou furieux qui veut tuer tous les juifs non religieux. Le visionnement d’un reportage particulièrement alarmant convaincra la commission du statut de réfugié au Canada qu’Helbrans est victime d’une campagne de haine dans son pays.

Juifs contre juifs

Le sionisme à la base n’est pas un projet religieux, mais politique. D’ailleurs, les juifs très religieux sont fondamentalement contre l’État d’Israël, puisque dans l’Ancien Testament, il est dit que seul le Messie pourra redonner aux juifs en exil la Terre sainte. Cette interprétation théologique est partagée par tous les juifs fondamentalistes.

Or, certains groupes antisionistes dérangent plus que d’autres, et c’est le cas des Lev Tahor. Puisque les disciples d’Helbrans proviennent de familles athées, on comprend mal comment des gens élevés de façon aussi libérale peuvent devenir si religieux qu’ils en renient l’État hébreu.

source : le 13 décembre 2013
Radio-Canada
Un texte d’Émilie Dubreuil

http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2013/12/13/004-communaute-lev-tahor-genese-sainte-agathe-shlomo-helbrans.shtml