Les exemples, très récents, ont frappé les esprits. Que ce soit l’annonce scandaleuse diffusée dans un train Namur-Bruxelles (« Bienvenue dans ce train à destination d’Auschwitz. Tous les juifs sont priés de descendre à Buchenwald ») , la prose de Sharia4Belgium (« Les homos n’ont pas leur place dans la société et seraient probablement condamnés à mort par les érudits ») ou les cris de supporters de foot ( « Kawashima-Fukushima ! » ou « Les Wallons c’est du caca ! » ), le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme reçoit de plus en plus régulièrement des questions sur des propos qui flirtent avec les frontières de la liberté d’expression. Et on ne parle même pas des spectacles de Dieudonné, qui virent carrément à l’antisémitisme affiché.

Cette tendance se marque plus franchement au fil des ans, raison pour laquelle le Centre a choisi la liberté d’expression comme thème du focus de son rapport annuel 2011 sur les discriminations.

La liberté d’expression peut-elle cautionner tous les discours ? A partir de quand basculent-ils en infractions ? Où commence l’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination ? Les frontières semblent floues, sinon mouvantes. « Dans une société de plus en plus diverse, mais qui est aussi une société en crise, ces questions prennent une acuité particulière » , souligne Edouard Delruelle, directeur adjoint du Centre pour l’égalité des chances. D’autant qu’Internet, extraordinaire outil de communication et d’information, peut véhiculer massivement et en temps réel des messages de haine et autres mensonges. « Ce focus est pour le Centre une façon d’interpeller la société belge sur un des fondements de la démocratie » , poursuit M. Delruelle.

Si la liberté d’expression est une liberté fondamentale, elle n’est pas absolue : le législateur a prévu de la limiter lorsqu’elle est porteuse d’incitation à la haine, la violence ou la discrimination envers une personne ou un groupe caractérisé par un critère dit « protégé » (l’origine, la religion, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap ), rappelle le Centre.

A côté de ces dossiers, très médiatisés, d’incitation à la haine, à la violence et à la discrimination, le Centre traite une majorité de dossiers individuels, qui illustrent la discrimination au quotidien.

Trente ans après la loi contre le racisme (la loi Moureaux) et près de dix ans après la première loi tendant à lutter contre la discrimination, le Centre exprime son inquiétude face aux tensions qui secouent la société belge et aux discriminations qui ne montrent pas de signes de fléchissement.

Si le racisme reste le motif numéro un de sollicitation du Centre pour l’égalité des chances, les signalements de discrimination fondée sur le handicap ne cessent de se multiplier. Les problèmes en matière d’accès aux biens et services continuent de grimper, au point de rattraper les signalements dans le domaine de l’emploi.

Si les discriminations représentent 4 dossiers sur 5 ouverts au Centre et les discours de haine 1 sur 5, l’actualité s’arrête parfois sur des crimes de haine, comme on l’a vu récemment à Liège avec le meurtre d’Ihsane Jarfi, un jeune homosexuel. Anecdotiques au niveau des chiffres, ces dossiers appellent néanmoins à la plus grande vigilance, insiste le Centre qui se constitue le cas échéant partie civile. Il est difficile aujourd’hui de mesurer l’importance de ce phénomène, ajoute le Centre : les crimes motivés par l’origine, l’orientation sexuelle, la religion, , des victimes ne sont consignés comme tels que depuis 2006 par les parquets.

Liberté d’expression et dangereux flirts
Date : Wed, 23 May 2012 10:09:24 +0200
De : CIAOSN / IACSSO
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La Libre Belgique

An. H.
Mis en ligne le 23/05/2012

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/739404/liberte-d-expression-et-dangereux-flirts.html