L’Office culturel de Cluny, association artistique et culturelle d’inspiration catholique a récemment été condamné par la Cour d’appel de Paris à verser à 21 anciens membres permanents des dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice résultant de la perte de chance de percevoir une retraite, pour un montant total d’environ 1 million d’euros. Les plaignants, avaient travaillé bénévolement dans cette association pendant plusieurs années sans qu’aucun salaire ne leur soit versé ni aucune cotisation sociale payées. L’exécution provisoire assortie au premier jugement de 2015 avait mis l’association dans l’obligation légale de se déclarer en cessation de paiement. Et l’Office Culturel de Cluny a été déclaré en liquidation judiciaire le 29 mars 2018. Ce jugement met-il fin par la même occasion à une secte culturo-religieuse ?

Cette association loi 1901 a, à plusieurs reprises, été qualifiée de secte. Créé dans les années 1960 par un jeune comédien, Olivier Fenoy, elle tient son nom du café parisien où ils se réunissent et a pour but de « s’engager dans une action culturelle portée par une vision de l’homme fondée sur les valeurs chrétiennes ». Les membres partageaient le style de vie des communautés nouvelles bien que l’association ne fut jamais reconnue comme communauté religieuse par l’Eglise Catholique.

Si elle n’est pas reconnue par l’Eglise, elle est en revanche par l’Etat : En 1970 son fondateur prend en charge l’animation culturelle de La Roche-sur-Yon. En 1972, l’association est agréée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports et reçoit ses premières subventions. Olivier Fenoy est alors décoré de l’Ordre National du Mérite et nommé membre du Haut Comité de la Jeunesse et des Sports.

L’association multiplie ses activités en France et à l’étranger en créant une série de structures autonomes rassemblée par le même esprit, « la mise en commun de leurs talents, leur travail et leurs convictions en vue du bien commun ». Les membres développent des tournées théâtrales, des spectacles (animation du château de Chambord, spectacle d’histoire et d’expression populaire au Creusot, clôture des rencontres du renouveau charismatique à Strasbourg, etc.)et même la réalisation d’un film sous le patronage de l’UNESCO. Ainsi, les animateurs de l’Office Culturel de Cluny ont suscité depuis longtemps d’autres associations qui ont pris leur autonomie et dont les activités sont reconnues dans les milieux culturels et artistiques (Tournefou, Théâtre de l’Arc en Ciel…).

En 1981, Olivier Fenoy a été exclu du Haut Comité à la Jeunesse et aux Sports. En 1982, le Ministère retire son agrément à l’Office culturel de Cluny pour collusion entre une communauté religieuse et un organisme d’éducation populaire, ses subventions de fonctionnement sont donc coupées. L’Agrément sera redonné en 1990 par le Conseil d’Etat, après quelques années de recours juridiques.

En 1995, l’Office culturel de Cluny est cité dans la liste de 173 « mouvements sectaires », de la commission d’enquête parlementaires sur les sectes en France. En 1996, l’agrément de l’OCC est de nouveau retiré par le Ministère, décision annulée par le Tribunal Administratif en 1998, un jugement qui fut confirmé par la Cour d’appel en 2002. En 2005 le Premier Ministre Jean Pierre Raffarin, rend caduque la liste établie par le rapport de 1995 au motif que certains critères étaient « des plus malheureux ».

La personnalité du fondateur de l’association est elle aussi sujette à rumeur : qualifié de fort charisme voire de gourou, l’initiateur est au cœur d’un scandale qui, lorsqu’il éclate en 1997, provoque le départ de plusieurs membres : Il entretient une relation cachée avec un autre membre majeur à l’époque des faits.

Lors du procès des 21 anciens membres, un témoignage est porté contre lui par une femme qui intègre au dossier une attestation, dans laquelle elle rapportait des faits présumés « d’abus de nature sexuelle ». Ces faits anciens, prescrits par la justice, n’ont jamais fait l’objet de poursuites. Dans un premier temps Olivier Fenoy porte plainte pour diffamation puis, face au refus du tribunal de reporter l’audience, de nouveaux témoignages ayant été fournis quelques jours auparavant, il se désiste et retire sa plainte. Ces nouveaux témoignages ont eu comme conséquence immédiate sa démission des charges qu’il occupait et son départ.

Au centre de rumeurs et au cœur de plusieurs feuilletons judiciaires, l’Office Culturel de Cluny est aujourd’hui en liquidation judiciaire. Si le travail de ses membres et des structures partenaires ont multiplié les succès et artistiques et rempli les rubriques culturelles de la presse régionale, l’organisation de l’OCC aura quant à elle fait couler beaucoup d’encre dans les rubriques de faits divers, de mœurs et d’actualité.

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