Vendredi 10 juillet, les membres de la Miviludes apprenaient qu’ils devraient déménager de toute urgence dans des locaux exigus et loin de leurs archives. Une décision qui laisse beaucoup d’élus désemparés, à l’exemple de Florence Lerude, maire de Sidiailles, dans le Cher, dont la commune avait été l’objet de convoitise d’une secte.

“La disparition de la Miviludes ? Catastrophique !” Florence Lerude, maire de Sidiailles dans le Cher depuis 2014, voit d’un très mauvais œil le déménagement de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), le 10 juillet, dans des locaux exigus, très loin de leurs archives. Pour l’édile de cette commune d’à peine 300 âmes, cette décision équivaut à un coup fatal porté à l’organisme, en sursis depuis neuf mois. Un problème pour Sidiailles, alors que le village a fait partie, par le passé, de ces lieux très convoités par une secte.

Dans les années 2000, un projet de lotissement a vu le jour impulsé par la secte Méditation Transcendantale Maharishi. Les conseillers municipaux ont réalisé la supercherie in extremis. Sur le papier, les logements devaient accueillir 150 personnes. Dans la réalité 800 adeptes étaient censés poser leurs valises… pour méditer ! Pourquoi ce lieu, ce bourg ? Dans leurs croyances, Sidiailles était placé sur la méridienne verte. Un repère pour ces accros à la méditation.

“C’est terminé”

A l’époque, Florence Lerude n’était pas encore maire. Aujourd’hui, elle craint que ces mésaventures recommencent, comme un cauchemar sans fin… Et, surtout, sans recours. “La Miviludes permet d’avoir un cadre juridique. Elle donne des conseils, nous accompagne. Les personnes qui composent cette structure sont des puits de savoir. Elles nous ont aidé à écarter la secte en question. Mais aujourd’hui, l’Etat nous en prive, soupire-t-elle. En étant sous la tutelle du 1er ministre, la Miviludes pouvait œuvrer avec tous les ministères, grâce à des référents… Mais si la lutte contre les sectes dépend seulement du ministère de l’Intérieur, alors ce sera terminé.”

Une disparition quasi-programmée dont les effets vont forcément se répercuter sur le territoire : “Si la lutte contre les sectes dépend seulement du ministère de l’Intérieur, ce sera terminé. Avant c’était facile d’accès. C’est terminé. Les particuliers devront aller dans un commissariat. Ce n’est pas la même chose. Les victimes ne s’y rendront jamais. Pas de victimes, pas de plaintes, pas de chiffres… Donc il n’y aura plus besoin de services.”

“Rien n’est fait pour rassurer les acteurs de terrain”

Selon la maire, pourtant, la présence de la structure est toujours impérative. Si certaines des sectes les plus médiatiques – à l’exemple de l’Ordre du Temple solaire, qui s’est fait connaître pour sa pratique des suicides collectifs à la fin des années 90 – n’existent plus, d’autres mouvements subsistent toujours, et se sont adaptés à la période : “Leur mode d’action est plus latent, sournois. Les sectes s’installent gentiment, sans parler de croyance”, décrit Florence Lerude. L’édile parle d’expérience : “La secte Méditation Transcendantale Maharishi est toujours là. Un peu plus loin. Dans une maison. Pour l’instant, ils se font oublier.” Mais ce répit ne rassure pas Florence Lerude pour autant : “Rien n’est fait pour rassurer les acteurs de terrain… Je suis prête à draper ‘ma’ Marianne, en signe de…deuil !”

Le cas de Sidiailles est loin d’être isolé, et ne se limite pas qu’aux petites communes. En août 2019, la ville de Strasbourg a été “bernée” comme l’a révélé l’antenne strasbourgeoise du site Rue89. Remontons le temps. A l’origine, la municipalité décide de créer un cours de pratiques dites “douces” à destination du grand public. Désireuse de s’éviter les tracas d’un appel d’offre, l’équipe se tourne vers des intervenants bénévoles d’une association au nom idoine “Méditation sahaj”.

A Strasbourg, la dérive du “Sahaj Yoga”

Ravis de l’occasion, une dizaine de Strasbourgeois se précipitent pour tester les séances de ce nouveau club. “Je me méfie pas mal des sectes d’habitude… Mais avec du yoga organisé par la Ville, je ne me suis pas posée de question”, confieSophie (1) au site Internet. Une surprise l’attend pourtant à la fin des séances : des flyers sont distribués aux participants. Pour recommencer l’expérience, mais cette fois-ci dans un lieu clos et isolé : un hôtel ! Interpelée par cette pratique, elle décide de mener l’enquête : “Des cours gratuits dans un hôtel du centre, c’est plutôt étrange, non ?”. Sophie sort son clavier et tape le titre du tract sur Internet (“Méditation Sahaj”). Et là, patatras : elle découvre que l’association est considérée comme une secte depuis 1995 par la Miviludes. Aussitôt, elle prévient la municipalité : « Suite à ces informations, j’espère que la Ville de Strasbourg prendra les dispositions nécessaires pour ne pas continuer à cautionner et promouvoir cette association qui est en fait une secte dans le cadre de la Tournée Pratiques douces. » Aucune réponse de la ville. Silence sidérant. Sophie pousse ses investigations.

En se renseignant sur le “Sahaja Yoga” découvre avec stupeur, la doctrine de la mouvance qui affirme notamment que “les enfants n’appartiennent pas aux parents mais à la Mère Divine et que les parents sont encouragés à se séparer d’eux dès le plus jeune âge en les envoyant dans des ashrams et des écoles à l’étranger.” En fait, les adeptes du “Méditation Sahaj” utilisaient la mairie comme une… cellule de recrutement. Pratique. Rentable. Mais Sophie veillait. Depuis, la ville s’est confondue en excuses pour son manque de vigilance et a arrêté de collaborer avec Méditation Sahaj qui, malgré tout, continue de sévir dans les hôtels. “L’association ne pourra plus faire de cours pour la Ville, a assuré l’administration à Rue89, et désormais les services devront consulter le fichier de la Miviludes avant d’accepter une association.” Tant que la Miviludes subsiste…

(1) Le prénom a été changé.

source :https://www.marianne.net/societe/lutte-contre-les-sectes-dans-les-communes-inquietude-apres-la-mise-au-placard-de-la

Par Claude Ardid et Nadège Hubert

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