NAISSANCE – Une chambre avec un lit, parfois une salle de bain, pas de matériel médical, une ambiance cocon, voilà à quoi ressemble la salle d’accouchement d’une maison de naissance.
Tandis qu’un nombre croissant de femmes choisissent d’accoucher à domicile pour éviter des maternités qu’elles jugent surmédicalisées, les maisons de naissance proposent une alternative qui conjugue encadrement médical et confort pour la future maman.
Bientôt une réalité en France? Peut-être. Ce jeudi 28 novembre, la proposition de loide la sénatrice Muguette Dini (UDI) doit être examinée par l’Assemblée nationale. Si la loi est votée, les maisons de naissance pourraient être autorisées à titre expérimental en France pendant une durée de 5 ans.
D’après le rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée, Yannick Favennec, 10% des femmes enceintes souhaiteraient accoucher dans des maisons de naissance. Alors à quoi ressembleront ces établissements? Font-ils l’unanimité? Comment fonctionneront-ils? Éléments de réponse.
· Elles existent déjà à l’étranger et des projets pilotes existent en France
Les premières maisons de naissance ont vu le jour aux États-Unis pendant les années 1970. Aujourd’hui, on en trouve dans un grand nombre de pays limitrophes de la France à l’instar de l’Allemagne où l’on en dénombre environ 150 mais aussi en Suisse, en Italie ou encore en Espagne ou en Grande-Bretagne. Les femmes françaises pouvaient s’y rendre ce qui n’était pas sans créer des situations complexes du point de vue des remboursement des soins, le statut des maisons de naissance étrangères n’étant pas le même que celui des maternités françaises.
En France, deux maisons de naissance existent déjà. C’est notamment le cas de la maison de naissance associative CALM (Comme à la maison) à Paris où les femmes enceintes sont accompagnées jusqu’à l’accouchement qui est pour sa part pratiqué directement dans la maternité des Bluets à laquelle la maison de naissance est rattachée. Les femmes n’accouchent donc pas dans la maison de naissance.
· Elles seront adossées à des maternités
Dans les maisons de naissance, l’accouchement est « physiologique ». Sauf urgence, il est pratiqué sans hospitalisation, sans médecin et sans péridurale. Du début de la grossesse à son terme, c’est la même sage-femme qui suit la future maman. La proposition de loi de la sénatrice Muguette Dini prévoit néanmoins que les maisons de naissance soient systématiquement adossées à une maternité. La raison? Pouvoir permettre à tout moment une prise en charge hospitalière en cas de complications.
Côté assurance maladie, ce sera comme à la maternité. « La proposition de loi ne modifie en aucune façon les modalités de remboursement par l’assurance maladie des frais médicaux destinés aux femmes enceintes et à l’accouchement, » indique le texte.
En d’autres termes, les frais médicaux sont remboursés selon les tarifs prévus jusqu’au 5e mois. Au-delà et jusqu’au 12e jour après l’accouchement, suivi médical et frais médicaux remboursables sont pris en charge à 100%, qu’ils soient en rapport ou non avec la grossesse, toujours sur la base et dans la limite des tarifs de l’assurance maladie.
· Toutes les femmes n’y seront pas admises
Les femmes présentant des pathologies particulières comme le diabète ou l’hypertension mais aussi celles qui attendraient des jumeaux ou qui présenteraient également un risque de prématurité ne pourront pas être admises dans les maisons de naissance.
Le mot d’ordre, la sécurité avant tout. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles le projet bénéficie du soutien du Collège national des gynécologues-obstréticiens (CNGOF). Le 5 décembre 2012, il reconnaissait dans un avis le risque « surmédicalisation », de « surtraitement » mais aussi de de « frustration » des patientes.
« Nous sommes favorables à toute modalité permettant qu’un accouchement normal se déroule sans excès médical. Cela peut prendre la forme d’une maison de naissance externalisée, mais aussi d’une ‘salle nature’ ou d’un espace physiologique intégré à un service obstétrique », précisait alors au Figaro le professeur Hédon, président du CNGOF.
· Elles permettraient de réaliser des économies
L’ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot avait défendu un projet similaire d’expérimentation des maisons de naissance. Selon elle, si 1,5% des naissances y étaient réalisées, 7 millions d’euros d’économies pourraient être réalisés. Présidente du Conseil de l’ordre des sage-femmes, Marie-Josée Keller rappelle que « le coût d’un accouchement en maison de naissance a été évalué à 600 euros (coût de la structure et des honoraires de la sage-femme) contre 1.200 euros pour des hospitalisations de très courte durée ». Et pour cause, comme le rappelle Le Figaro, l’accouchement en maison de naissance nécessite moins de personnel. Obstétricien et anesthésiste ne sont pas prévus. L’accouchement n’est pas non plus suivi d’hospitalisation puisque la femme qui a accouché repart chez elle 12 heures après la naissance. La sage-femme continue le suivi et lui rend visite le lendemain de l’accouchement, le 3e et le 5e jour.
· Elles ne font pas l’unanimité
Parce que les maisons de naissance excluent l’encadrement de médecins et le recours à la péridurale, certains ne voient pas leur arrivée d’un très bon œil. « Si les débats concernant l’accouchement naturel mettent tous l’accent sur la nécessaire sécurisation de l’accouchement dans ces nouvelles structures, la douleur, pourtant élément central de l’accouchement, n’est jamais évoquée, » remarquait le docteur Odile Buisson, gynécologue obstétricienne dans une tribune publiée par Le HuffPost.
Or un accouchement, ça fait mal. « Sur une échelle de 1 à 10, la douleur est souvent cotée 12 mais les contempteurs de la médecine viennent mettre au rebut un détail de l’histoire humaine qu’ils ne veulent plus entendre: un ‘accouchement naturel’ est avant tout un ‘accouchement avec douleurs’. Et dans « l’accouchement avec douleur », la mère souffre de contractions plus fréquemment insupportables que tolérables, » ajoute-t-elle.
Le président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens se veut également critique de la proposition de loi. « L’accouchement est un contexte où l’on doit rester vigilant, où la situation peut à tout moment virer à l’inattendu, » s’inquiète-t-il dans les colonnes du Nouvel Obs. « Il ne faut pas abandonner ce qu’on a appris depuis cinquante ans en matière d’accouchement, » continue le médecin qui évoque une loi clientéliste destinée à satisfaire une minorité de sages-femmes.
source : Le HuffPost | Par Stanislas KralandPublication: 28/11/2013 08h04