Etats-Unis.

{{Des fouilles dans le ranch du psychopathe pourraient révéler d’autres crimes.}}

{De notre correspondant à Washington PHILIPPE GRANGEREAU QUOTIDIEN : mercredi 21 mai 2008 Libération}

«Je suis le démon», avait proclamé Charles Manson pendant son procès, en 1971, après s’être rasé la tête et s’être laissé pousser la barbe. A en juger par le nombre d’émissions de télévision qui sont régulièrement consacrées à Manson, beaucoup d’Américains sont de cet avis, et continuent d’entretenir une fascination morbide à l’égard de ce gourou psychopathe qui a fait exterminer par ses disciples, durant deux nuits consécutives, les occupants de deux maisons de Los Angeles, en août 1969. Parmi les victimes de cette orgie sanglante au couteau et au fusil figurait l’actrice Sharon Tate, enceinte de huit mois et demi au moment du meurtre, qui s’est déroulé en l’absence de son mari, le metteur en scène Roman Polanski.

Si Charles Manson est «le démon», il a dû commettre d’autres crimes. C’est ce dont est persuadé Paul Dostie, un sergent de police passionné par l’affaire. Sur son temps libre, il a promené son chien spécialement entraîné à détecter les restes humains dans le ranch Barker, une sorte de ville fantôme située près de la fameuse «Vallée de la Mort», que Manson et ses disciples ont occupé avant et après les meurtres – et où ils ont été arrêtés en octobre 1969. Pratiquement certain d’avoir découvert un site où seraient ensevelis d’autres victimes de la communauté de Manson (qui s’était baptisée «la famille»), l’enquêteur indépendant a convaincu la police d’entamer de nouvelles fouilles.

Celles-ci doivent commencer aujourd’hui. Elles devraient durer deux ou trois jours. Des hordes de journalistes ont déboulé dans ce coin de désert pour filmer le spectacle, mais la plupart seront tenus à distance, a assuré le shérif du lieu. Selon des rumeurs insistantes, des auto-stoppeurs ou des membres du clan auraient été tués dans le ranch Barker.

{{Beach Boys.}}

Manson est aujourd’hui âgé de 73 ans. Il a été condamné à mort, avec 4 de ses disciples, pour le meurtre de 7 personnes. Leur condamnation a été commuée en détention à vie lorsque la Californie a aboli la peine de mort. Elle a été rétablie peu après, sans conséquence sur ces remises de peine. Manson a depuis demandé à onze reprises à être libéré sur parole, la dernière fois ce mois-ci.
Maltraité dans son enfance par sa mère alcoolique, Manson avait déjà passé, avant les meurtres de 1969, de nombreuses années en prison, entre autres pour vol de voiture. Passionné par les Beatles, il s’était installé à San Francisco en 1967, où il avait fondé une communauté hippie essentiellement féminine. En 1968, il fait la connaissance de Dennis Wilson, du célèbre groupe des Beach Boys, dont il squatte un temps la maison de Sunset Boulevard, à Los Angeles, avec plusieurs de ses adeptes. Il en est ensuite chassé et «la famille» part alors s’installer dans des ranches abandonnés près de la Vallée de la Mort.

{{Prophétie.}}

Après l’assassinat de Martin Luther King, en avril 1968, le «gourou» Manson, qui avait tout d’abord été inspiré par la scientologie, se dit persuadé que les Noirs américains se révolteront, provoquant une guerre raciale apocalyptique. Cette prophétie, dit-il, est contenue, en mots codés, dans les œuvres des Beatles, notamment dans la chanson Helter skelter. Mais la guerre raciale qu’il appelle de ses vœux doit être provoquée. C’est pourquoi le gourou psychopathe ordonne à ses adeptes, qui sont sous l’influence de drogues en tout genre, d’aller massacrer les sept victimes blanches, «de la manière la plus cruelle possible», dans l’espoir que la police soupçonne la communauté noire, qui se rebellerait. Alors les Noirs sortiraient vainqueurs… avant de se soumettre à l’autorité de «la famille». Depuis sa prison en Californie, Charles Manson a accordé au moins trois interviews à des télévisions américaines dans les années 80. Celles-ci sont souvent rediffusées et commentées par les médias, fascinés par celui qui est considéré comme une incarnation du mal à l’américaine. Une psychiatre, qui visionnait l’un de ces entretiens dans le cadre d’une émission intitulée.

Le plus maléfique,jugeait ce mois-ci : «Il n’a pas toute sa tête, mais il n’est pas complètement fou non plus.»

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