La «rouqia» prend de l'ampleur, elle est considérée comme une pratique qui supplante la médecine

C’est l’un des critères exigés par les «raqis» pour que la guérison suive le cours normal de son objectif. Est-ce une sournoiserie entretenue par ces semblants de guérisseurs pour donner plus de fétichisme à leur profession de «foi» et par ricochet arnaquer davantage leurs victimes?

Le charlatanisme ne cesse de faire son petit bonhomme de chemin dans les quartiers populaires où la misère et la marginalisation constituent la trame de fond de ses habitants. La «rouqia» et autres tutti quanti sont devenus le pain quotidien de beaucoup de gens en mal d’assimilation de leur vécu et de leurs problèmes de santé et le côté étiologique de leurs maladies. Ces gens qui se sentent démunis devant leurs maladies, et qui sont dans leur quasi-totalité d’ordre psychologique ou psychiatrique ne trouvent pas de remèdes à leurs cas, se font orienter vers une certaine catégorie de «guérisseurs» pratiquant la «rouqia» et autres remèdes comme la préparation des produits issus dans la plupart des cas des herbes n’ont aucun effet quant à leurs maladies le moins que l’on puisse dire, incurables. A Baraki et plus précisément dans le quartier populaire le plus ancien de la région «Diar el Baraka», la «rouqia» prend de l’ampleur, elle est considérée comme une pratique qui supplante la médecine dans son expression plurielle. Dans cette localité, le charlatan a plus de réputation que toutes les spécialités médicales confondues, ce «guérisseur» a le vent en poupe, dans certains cas, les sollicitations et les visites se font par rendez-vous, ce qui explique que ces «rouqate» vivent leur âge d’or en renflouant leurs caisses grâce à la crédulité de beaucoup de gens connus pour la simplicité de leur esprit.

Recette magique
Un homme ne dépassant pas la cinquantaine, sa façon de faire, ce qu’il considère comme travail, est très simple. Il parle avec les gens devant la porte de son domicile, et de là, il décide de la recette à donner aux concernés. Il n’affiche rien qui indique une «activité» s’inscrivant dans le cadre de la «rouqia», c’est par le biais des connaissances et le bouche-à-oreille que «Cheikh Malek» continue à exercer son travail de «raqi» et de «guérisseur». il fait recours surtout à deux méthodes de «guérison», la première consiste à utiliser une petite bouteille d’eau, et la deuxième méthode est celle qui utilise les herbes et une sorte de mélange de liquides transformé en une recette qui sera prescrite à ceux qui viennent le solliciter pour la circonstance. La meilleure manière pour comprendre ce qui se trame dans ce monde de la «rouqia» version «Cheikh Malek» c’est celle d’interroger les gens qui ont eu affaire à ce «raqi» aux solutions «miraculeuses». Pour rappel, la plupart des visiteurs venant voir notre «Cheikh» sont des femmes et un nombre restreint d’hommes. Les femmes ne sont pas généralement ouvertes pour raconter ce genre de choses, les raisons sont différentes, il y a celles qui ne veulent pas parler de leurs cas par pudeur, il y a aussi celles qui ne veulent aucunement que les gens sachent qu’elles vont voir un «raqi», elles gardent ça comme une affaire quasiment secrète pour des raisons relevant de la peur et aussi comme une sorte de rituel, c’est-à-dire pour que la recette réussisse, il faut qu’elle soit entourée d’un secret total, c’est l’un des critères exigés par les «raqi» pour que la guérison suive le cours normal de son objectif. Est-ce une sournoiserie entretenue par ces semblants guérisseurs pour donner plus de fétichisme à leur profession de «foi» et par ricochet arnaqueront davantage leurs victimes? Nous avons eu une occasion de nous adresser à une femme d’un âge moyen, portant une robe longue et un voile autour de sa tête, visage émacié reflétant un corps chétif d’une dame à la recherche d’une guérison possible à sa maladie. Notre dame, M.B, souffre de la maladie de la Sep, cette maladie est connue médicalement par le nom, la sclérose en plaques, c’est une maladie qui touche le système cérébral, c’est-à-dire qu’elle a une maladie qui relève de la neurologie du point de vue médicale.Notre femme, M.B, relate son périple avec sa maladie et tout ce qu’elle a mené comme initiatives pour trouver le remède à son cas, mais en vain. Elle précise que «j’ai tout essayé pour trouver une guérison possible à ma maladie, j’ai vu beaucoup de médecins, j’étais même hospitalisée au niveau de l’hôpital de Aït-Idir mais les médecins m’ont dit ‘tu dois apprendre à vivre avec ta maladie, parce que ce que tu as comme maladie est incurable”», et d’ajouter «ce que j’ai comme maladie me fait beaucoup de mal, parfois je prie pour que la mort m’emporte à cause des maux dont j’en suis la victime, d’ailleurs c’est pour ça qu’on m’a conseillé d’aller voir un ‘ raqi ‘ peut-être qu’il pourrait me guérir de ce mal», précise-t-elle. Cette femme est entre l’enclume de sa sclérose en plaques et le marteau du charlatanisme qui s’abat sur elle étant donné qu’elle ne sait plus à quel saint se vouer pour une éventuelle issue salvatrice pouvant apaiser le mal qui la ronge. Notre «Cheikh» lui a promis que son cas sera résolu en buvant de l’eau qui a subi une épuration canonique. Notre femme, M.B. croit dur comme fer que «essayer cette méthode est peut-être fructueuse et réalisable, surtout que cela est en rapport avec la lecture du Saint Coran, beaucoup de gens y compris des connaisseurs dans le domaine religieux m’ont conseillé la «roqia» puisque elle est en accord avec notre religion», souligne-t-elle. Une bouteille d’eau destinée a être bue coûte 2000 DA en termes de séances de traitement qui doit être maintenue pendant des mois pour que les prémices de la guérison commencent à apparaître. Elle croit vraiment que cette méthode pourrait être une solution pour son cas, puisque la médecine est presque incapable de lui trouver une solution miracle à la «Cheikh Malek» qui use de la superstition pour promettre des guérisons toutes faites aux gens souffrant des maladies somme toute incurables. La conversation qui a été entamée avec certains riverains du «Cheikh Malek»fait ressortir un élément très curieux. Il s’agit surtout de la force de la guérison dont il dispose. Pour ces riverains, «Cheikh Malek» soigne le cancer, le diabète, les troubles psychiques et il chasse les esprits maléfiques.
C’est cette conception erronée destinée aux gens crédules qui impose son diktat et arrive à se transformer en un moyen sûr d’enrichissement facile et rapide.

La chasse aux charlatans
La pratique de la «rouqia» suivie d’autres méthodes relevant du pur charlatanisme font l’objet de traque par les services de sécurité à cause des agissements qui tombent sous le coup de la loi. L’une des situations qui a connu un sort bien mérité, c’est celui d’un charlatan qui se prenait pour un imame, venu de Batna pour guérir les gens de tous les maux dont ils font l’objet.
C’est le présumé imam qui s’appelle Ahmed, il a loué un hangar limitrophe de la mosquée de la localité de Benchoubane, il a fait de ce hangar un lieu où il reçoit tous les gens souffrant de toutes les maladies. Ce charlatan a fait savoir aux habitants de Benchoubane qu’il est capable de trouver les remèdes à toutes les maladies dont souffrent les gens y compris le sida et le cancer. Mais son dada à lui, c’est de guérir les gens stériles. D’ailleurs, les gens venaient nombreux le solliciter pour cette affaire de stérilité.
Les aventures du «Cheikh Ahmed» n’en finissaient pas, les habitants de Benchoubane racontent beaucoup de choses à propos de ce «cheikh», de ses dérives sexuelles, de ses arnaques. Le «Cheikh» se révèle être un pervers et un escroc de première catégorie qui n’a pas tardé a être débusqué par les services de sécurité après avoir arnaqué nombre de gens qui croyaient que ce «Cheikh» avait une solution miracle à leur stérilité. Aujourd’hui, ce charlatan croupit dans la prison pour plusieurs chefs d’inculpation, mais l’escroquerie et le faux et l’usage de faux sont les chefs d’inculpation qui apparaissent comme plausibles pour qu’il soit poursuivi en justice et écoper de 5 ans de prison ferme. Le cas du charlatan de la petite localité de Benchoubane située à Rouiba n’est pas le seul, il y a un autre exemple similaire à Ain-Naâdja, il a été arrêté pour le même motif d’arnaque et d’escroquerie en usant d’imposture pour se faire de l’argent. Cette activité avait connu une prolifération sans précédent, pendant ces dernières années, tous les apprentis sorciers s’érigeaient en faiseurs de miracles et guérisseurs de premier plan, même si cela risquait de les mettre dans une position en porte-à-faux avec la loi, n’empêche que pour eux c’est à une sorte de loterie, il faut mener cette aventure jusqu’au bout puisque la cagnotte est assurée et la richesse est quasi réalisable. Aujourd’hui, on ne constate plus des enseignes lumineuses ou des affiches qui font allusion à un semblant de «raqi», pour ne pas dire charlatan, en énumérant toute la panoplie de maladies qu’ ils sont en mesure de traiter et guérir. La traque de ces charlatans qui ne sont animés que par le souci de s’enrichir de la façon la plus rapide possible, a pesé de tout son poids au point que ceux qui pratiquent cette activité usent des moyens les plus discrets pour échapper à la poursuite judiciaire et éviter qu’il y ait une preuve ou un motif susceptible de les mettre en prison.

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