Ce confident du dalaï lama, qui a tout abandonné pour aller vivre dans un ermitage himalayen, explique avec passion pourquoi la méditation peut modifier le fonctionnement du cerveau et susciter le bonheur, exactement de la même façon qu’on soulève des poids pour travailler ses muscles.
« C’est un magnifique domaine de recherche parce que cela montre que la méditation n’est pas simplement un état de béatitude sous un manguier mais que cela change complètement le cerveau et donc ce que nous sommes », explique-t-il à l’AFP, robe grenat volant au vent.
Selon ce globe-trotter, fils du philosophe Jean-François Revel, n’importe qui peut être heureux: il s’agit juste d’une question d’entraînement.
Voici quatre ans, le neuroscientifique Richard Davidson a branché 256 capteurs sur le crâne de Matthieu Ricard à l’université du Wisconsin, dans le cadre de recherches pratiquées sur des centaines d’adeptes avancés de la méditation.
Les scanners ont montré que lorsqu’il méditait, le cerveau du moine produisait un niveau d’ondes « gamma », liées à la conscience, l’attention, l’apprentissage et la mémoire « jamais relevées auparavant dans la littérature de la neuroscience », selon le témoignage de M. Davidson.
L’imagerie médicale a aussi montré une suractivité de son cortex préfrontal gauche par rapport à son homologue droit, lui donnant une aptitude anormale au bonheur et une réduction de la propension à la négativité, selon les chercheurs.
Les recherches sur ce phénomène, connues sous le nom de « plasticité neuronale », en sont à leurs balbutiements et Matthieu Ricard a été l’un des tous premiers à participer à ces expériences scientifiques.
Depuis 2000, il fait partie du « Mind and Life Institute », qui facilite les rencontres entre la science et le bouddhisme.
« Cela fait douze ans que nous recherchons les effets cérébraux de la méditation à court et long terme sur l’attention, la compassion, l’équilibre émotionnel », explique le moine âgé de 66 ans, à l’occasion d’une fête religieuse à Upper Dolpa, une région reculée du Népal.
« Nous avons trouvé des résultats remarquables avec des personnes pratiquant la méditation depuis longtemps mais aussi avec des gens qui méditaient 20 minutes depuis trois semaines, ce qui est bien-sûr plus adapté à nos modes de vie modernes ».
M. Ricard, aujourd’hui l’un des universitaires religieux les plus connus en Occident, n’a pas toujours marché sur le chemin de l’illumination bouddhiste.
Il grandit parmi les personnalités et les idées les plus créatives des milieux intellectuels parisiens, entouré d’un père libertaire et d’une mère artiste-peintre, Yahne Le Toumelin, spécialiste de l’aquarelle abstraite.
« Nous avions à déjeuner des lauréats de prix Nobel. C’était fantastique. Certains étaient magnifiques mais d’autres pouvaient être difficiles ».
Mais lorsqu’il obtient son doctorat en génétique cellulaire à l’institut Pasteur, en 1972, il en a soupé des débats autour de la table et a déjà entrepris un voyage à Darjeeling, dans le nord-est de l’Inde, lors de vacances.
Fuyant une vie privée et une carrière, il s’installe ensuite en Inde pour étudier le bouddhisme. Vingt-six ans plus tard, la célébrité vient à lui grâce à son livre d’entretien avec son père, « Le moine et le philosophe ».
« C’était la fin de la tranquillité parce que ce fut un best-seller. J’ai été soudain projeté dans le monde occidental. J’ai ensuite écrit d’autres dialogues avec des scientifiques et tout ça a commencé à prendre de l’ampleur ».
« Je me suis vraiment impliqué dans la recherche scientifique et la science de la méditation ».
Figure incontournable du monastère Shechen à Katmandou, où il vit, il partage son temps entre méditation, recherche scientifique et voyages avec le dalaï lama, qu’il accompagne depuis 1989 dans les pays francophones en tant que conseiller et interprète.
Pour lui, le bouddhisme tente de révéler « le mécanisme du bonheur et de la souffrance. C’est une science de l’esprit », juge-t-il.
source : AFP Par Frankie TAGGART