Las de ne trouver réponse à leurs maux dans la médecine conventionnelle, de plus en plus de Réunionnais se dirigent vers des thérapies plus douces et originales. Iridologie, florathérapie, lithothérapie, détoxination ionique…
LA DETOXINATION IONIQUE
La détoxination ionique est un bain de pied d’eau salée dans lequel on vient placer deux électrodes sous la forme d’une bobine. Ces électrodes, qui fonctionnent alternativement par un courant électrique de bas voltage, produisent de l’énergie censée libérer des toxines accumulées par le corps. L’appareil travaille en quelque sorte comme un générateur d’ions négatifs et positifs, au moyen d’une cathode et d’une anode. “Fils électriques, téléphones portables, ondes… On vit dans un univers trop chargé de champs électriques, considère Jacqueline Gervasi, responsable du salon de bien-être “Sources de vie” à Saint-Pierre.
Cette technique permet de libérer les ions positifs qui sont en excès dans le corps humain en envoyant des ions négatifs. Une ceinture mesure la charge jusqu’à obtention d’un équilibre. Lorsque les toxines sont libérées, l’eau va se colorer. En orange lorsqu’il y a des problèmes articulaires ; en vert, pour des problèmes rénaux ; et en marron quand l’origine est hépatique.”
Une technique très décriée par les scientifiques. “Cette histoire de bain de pieds d’eau salée me paraît bien farfelue, commente un médecin spécialiste du centre hospitalier universitaire (CHU). Déjà, il faut savoir que la peau ne peut pas évacuer de toxines. Ensuite, si l’eau se colore, c’est parce que le fer s’oxyde. C’est tout simplement de la rouille.” Jacqueline Gervasi ne nie pas le rôle d’oxydation mais estime cependant que “la coloration finale est due à 20 % par la dégradation du milieu où se fait l’expérience”, sans pouvoir étayer son discours sur une base scientifique.
D’après elle, la détoxination ionique séduit de nombreux Réunionnais, en particulier les “puristes végétaliens”. Elle permettrait “d’enlever les toxines et charges positives du corps qui n’a pas une capacité à recevoir autant de courant électrique”.
L’HYDROTHÉRAPIE DU CÔLON
On l’appelle lavement, hydrothérapie ou encore irrigation du côlon. Cette technique très en vogue était pourtant déjà utilisée dans l’Antiquité. Elle consiste à “détoxifier” les intestins par des lavements à l’eau. Une poire, introduite dans le rectum, est branchée à un tuyau transparent, lui-même relié à une machine qui récupère le contenu entier du côlon. “On peut mettre jusqu’à trois litres d’eau en allant à l’extrémité du gros intestin, mais une valve de sécurité empêche d’atteindre l’intestin grêle, décrit Jacqueline Gervasi, responsable du salon de bien-être “Sources de vie” à Saint-Pierre. Ensuite, on va masser l’abdomen pour décontracter l’intestin et permettre à l’eau de mieux passer. Rempli, l’intestin se contracte de lui-même et expulse les matières fécales dans la machine. Tout est vitré et éclairé pour que le patient visualise ce qui sort.” Formes et couleurs seraient importantes à distinguer pour orienter son alimentation. La méthode, qui coûte 290 euros pour trois séances ou 110 euros la séance, paraît peu ragoûtante mais serait pleine de vertus d’après les adeptes.
“Il existe des zones de rétention dans les plis de l’intestin qui contiennent des toxines. Le but est de les décaper, assure Jacqueline Gervasi. Certains le font par mesure d’hygiène, d’autres pour une détoxination, pour mincir ou encore dans une démarche spirituelle. Ça permet de gagner en santé globale.” Un avis que ne partagent pas de nombreux spécialistes. “Ceci n’est pas une démarche médicale, assure le Dr Christian Dafreville, gastro-entérologue à Sainte-Marie. L’intestin contient des millions de germes avec lesquels nous vivons en symbiose. Ça ne sert à rien de le laver car comme on mange chaque jour, il ne le restera pas. Vouloir trop d’hygiène peut perturber notre équilibre biologique.
Ce discours populaire s’appuie sur un flou scientifique. L’intérêt me paraît plus économique.” Selon plusieurs études, l’hydrothérapie serait même néfaste car au-delà de la douleur, elle pourrait provoquer vomissements, nausées et gonflements. C’est ce que rapportent les chercheurs de Georgetown, qui ont examiné une vingtaine d’études publiées sur le sujet et qui ne montrent par ailleurs aucune efficacité.
L’IRIDOLOGIE
Montre-moi ton œil, je te dirai comment tu te portes. C’est en substance ce à quoi sert l’iridologie. Comme bien d’autres médecines douces, cette méthode était déjà pratiquée depuis des siècles avant Jésus-Christ. La technique consiste à scruter l’intérieur de l’œil pour établir un bilan de santé. L’iris (partie colorée) serait en effet susceptible de projeter tous nos maux et représenterait chacun de nos organes. Les yeux ne seraient donc pas que les “fenêtres de l’âme” mais aussi celles du corps. “Les taches correspondent à des toxines dans le corps qui peuvent être par exemple des excès de cholestérol”, explique Jean-Pierre Allard, iridologue à Saint-Denis.
“Le mot toxine veut tout dire et surtout rien dire, regrette un médecin spécialiste dionysien. On l’utilise à toutes les sauces mais on ne donne jamais les noms de ces soi-disant poisons…” Jean-Pierre Allard concède que l’iridologie “n’est pas une science exacte. Elle doit intervenir en complément d’un bilan de santé mais c’est une technique de détection toujours utile”. Couleur, texture, relief, pigmentation, mouvements… Tous les signes sont interprétés. “Un jour, j’ai vu une personne qui avait un point noir dans la zone de l’estomac. Je ne pouvais pas lui dire qu’elle avait un cancer de l’estomac, alors je l’ai envoyée chez un médecin qui l’a confirmé, raconte l’iridologue. On peut avoir un signe dans l’œil mais la maladie peut très bien ne jamais se déclarer si on modifie son comportement.” Comptez 70 euros la séance pour ce genre de prestation.
Pourtant, l’iridologie ne fait pas l’unanimité dans la communauté médicale qui la considère comme une pseudo-science. Dans un rapport du 3 avril 2013, les sénateurs ont ainsi émis leurs plus grands doutes quant à l’affirmation des iridologues selon laquelle “les yeux marron prédisposent à des maladies telles que kystes, humeurs, calculs, troubles hépatiques ou pancréatiques”.
FLORATHÉRAPIE
La santé par les plantes. Dans une île où 87 % des Réunionnais (1) consomment des “tisanes” pour se soigner, il y a fort à parier que cela va séduire. Une branche nouvelle de la phytothérapie a fait récemment son apparition : la florathérapie. Il s’agit “d’élixirs floraux que l’on va utiliser pour harmoniser ses émotions”, décrit Hélène Tronquart, florathérapeute à la Possession. Cette technique a été inventée dans les 1930 par le Dr Edward Bach, après avoir observé que les causes des maladies étaient souvent émotionnelles. Il a créé 38 élixirs floraux qui sont devenus les bases de cette thérapie. Chaque élixir est censé avoir ses propres propriétés. “Chaque fleur a une application sur un état émotionnel bien précis, explique Hélène Tronquart. Par exemple si une personne a besoin de se calmer parce qu’elle a peur de prendre l’avion, je lui conseillerais de prendre du limulus.” Seules quelques gouttes, à glisser sous la langue, peuvent être absorbées dans une composition. Ces élixirs sont extraits de fleurs arrivées au terme de leur floraison. Elles sont ensuite déposées dans de l’eau de source pendant des heures ou au soleil, avant d’y ajouter de l’alcool. “Quand les gens viennent me voir, ils ont souvent une idée précise de ce qu’ils veulent soigner. Je les écoute lors d’un entretien. Je leur propose de cibler leurs priorités car plusieurs élixirs peuvent faire doublon.” Comptez 40 euros la séance, auxquels il faudra ajouter les produits à acheter en pharmacie, en magasin diététique ou sur Internet. “Environ un quart des médicaments sont créés à base de plantes, donc cela paraît logique que cela puisse avoir un effet. Maintenant, des élixirs floraux, ça n’a rien à voir avec un médicament. On doit retrouver leurs principes actifs mais ils sont tellement micro-dosés qu’ils n’auront pas d’effet, estime un médecin généraliste de Sainte-Marie. Il ne faut donc pas s’attendre à une efficacité, hormis l’effet placebo. Mais ils ne seront pas nocifs tant que les doses recommandées seront respectées.”
(1) Étude menée en 2006 par l’observatoire de développement de la Réunion
source : http://www.clicanoo.re/404222-medecine-douce-vraie-solution-mode-ou-danger.html
Textes : Marie Payrard