Qu’on les appelle soins alternatifs, non conventionnels ou complémentaires, ils interpellent la société et en particulier les médecins car on fait appel à eux de plus en plus souvent. Les raisons de cet engouement abondent. Mondialisation, fascination pour les cultures lointaines, méfiance envers les médicaments… Mais peut-être également la volonté de bousculer la médecine «académique», dont on respecte l’efficacité quand tout va mal, mais à qui l’on reproche si souvent, à tort ou à raison, de manquer d’humanité et de privilégier la maladie plus que le malade.

Un minimum de prudence s’impose cependant. Le passé a montré trop souvent qu’un soin en apparence séduisant pouvait se révéler au mieux inefficace et au pire dangereux. Comment alors se faire une opinion? Par exemple en écoutant ce que la science dit de ces médecines alternatives. En fait, pas si simple, car chaque science a, en réalité, son propre point de vue sur la question.

L’exemple du jeûne

La biologie est mal à l’aise. Prenons l’exemple du jeûne. Ses adeptes ont souvent un discours spiritualiste voire, disons-le franchement, obscurantiste. Pour la plupart des scientifiques, le rejet est immédiat, presque épidermique: tout cela n’a aucun sens. Et pourtant, en jeûnant, l’activité des cellules saines baisse, tandis que l’activité des cellules cancéreuses se maintient. Ce phénomène pourrait être utilisé pour améliorer l’efficacité des cures de chimiothérapie anticancéreuse. Des essais sont d’ailleurs en cours. On voit ainsi qu’en médecine, si les théories scientifiques sont incontestablement utiles, il n’est pas moins important d’être à l’écoute des autres domaines de connaissance. En pratique, ce n’est d’ailleurs pas la théorie qui permet de démontrer l’efficacité d’un soin, c’est la statistique.

Vous vous demandez si un soin est meilleur qu’un autre? Prenez quelques centaines de patients, donnez au hasard un soin ou l’autre, comparez à l’aide d’un test statistique, c’est fini. Avantage: pas besoin de connaître parfaitement le mécanisme biologique qui explique l’efficacité du soin. Inconvénient: le coût. Un essai de ce type revient fréquemment à plusieurs dizaines de millions d’euros. Or si le chiffre d’affaires des grandes firmes pharmaceutiques autorise la réalisation de ces études pour évaluer les médicaments, cela devient beaucoup plus difficile pour les médecines alternatives. Ces études sont donc trop rares. Mais elles existent. Que disent-elles? Très schématiquement, les essais cliniques montrent que pour traiter des troubles fonctionnels (douleurs, nausées, etc.), les médecines alternatives peuvent être efficaces, mais faiblement. En tout cas, cette efficacité est plus faible que ce que beaucoup de professionnels et d’utilisateurs considèrent subjectivement.

Le signularité de chaque patient

Et c’est là que les sciences humaines et sociales entrent en jeu. Ces dernières pointent que les grands essais utilisés pour évaluer les médicaments n’ont peut-être pas la neutralité que la statistique leur prête. En effet, ces essais évaluent une efficacité moyenne. Or une moyenne a peut-être un sens quand il s’agit d’évaluer des comprimés tous identiques, mais elle en a beaucoup moins s’il s’agit d’évaluer un soin prodigué par un soignant particulier, un patient particulier

Il faut bien reconnaître que les médecines alternatives centrent souvent leur pratique sur une prise en compte de la singularité de chaque patient à soigner, et le recours à la statistique est susceptible de négliger cette spécificité. Cela expliquerait alors la faiblesse des résultats trouvés dans les études. Bien sûr, il est aussi possible que soignants et patients soient d’un optimisme démesuré concernant l’efficacité des traitements alternatifs. En tout cas, il y a débat. Et ce débat est d’autant plus d’actualité que la médecine académique se met elle aussi à devenir personnalisée, par exemple par le biais des tests génétiques réalisés avant de traiter les patients avec de nouvelles biothérapies.

Médecine high-tech, médecine alternative, en fait, pour le méthodologiste, les questions qui se posent sont maintenant les mêmes.

(Un dossier complet «Médecines alternatives, ce qu’en dit la science» est à retrouver dans le dernier numéro du magazine de l’InsermScience & Santé disponible sur www.inserm.fr)

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source : http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/06/20/22507-medecines-alternatives-quen-pense-science
Par Bruno Falissard