PARIS, 6 fév 2008 (AFP) – Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur
chargée des Cultes, a relancé le débat sur les sectes, en mettant en cause le
fonctionnement de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de
lutte contre les dérives sectaires), au moment où celle-ci est l’objet de
critiques de mouvements comme la scientologie.
La ministre a confié au Parisien lundi, vouloir “décomplexer la lutte contre
des dérives sectaires” et “assurer la liberté de croyance de tous”. Dans la
foulée, elle a affirmé que ce n’était “pas à la Miviludes de définir une
politique, ni de mener des actions de répression”.
Interrogée par l’AFP, la Miviludes s’est refusée à tout commentaire,
indiquant n’avoir pas été prévenue. “Tout ce que nous apprenons, nous
l’apprenons par la presse”, a déploré un membre de la Mission, rappelant que la
Miviludes était un organisme interministériel dépendant du Premier ministre et
non du ministre de l’Intérieur.
Même si Mme Alliot-Marie a tempéré, peu après, son propos en assurant qu’il
ne s’agissait “en rien d’une mise en cause” de la Miviludes qui “a son rôle de
réflexion, voire de propositions”, ses déclarations sont intervenues à un moment
où certains mouvements critiquent l’action de la mission.
La Miviludes, créée en 2002, a succédé à la Mils (Mission interministérielle
de lutte contre les sectes) qui émanait elle-même d’un Observatoire créé en 1996
dans la foulée du rapport parlementaire sur “les sectes en France” et l’affaire
de l’Ordre du Temple solaire (16 morts).
Dans ses récents rapports, elle a étudié le risque d’intrusion des sectes
dans les secteurs de la formation professionnelle et de l’entreprise. Ses
détracteurs l’accusent de “voir des sectes partout”, ce que réfute son président
Jean-Michel Roulet, rappelant qu’il chasse les dérives sectaires (“mise en état
de sujétion”), et non les sectes.
Néanmoins, la Miviludes est vue comme un ennemi personnel par l’Eglise de
Scientologie, qui lui préférerait un “observatoire” composé de professeurs et de
chercheurs et juge ses critères “inappropriés”.
En France, pays laïque, l’Etat ne définit pas la religion mais défend la
liberté de croyance, qui doit s’exercer “sans trouble à l’ordre public”. Une
association, rassemblant des fidèles, ne réclamant pas de fonds publics et ne
causant pas de scandale, peut demander à bénéficier du statut d’association
cultuelle (loi de 1905). Mais certaines associations à caractère cultuel ont
fondé des associations culturelles (loi de 1901), qui peuvent bénéficier de
fonds publics.
Il y a une certaine confusion entre les deux statuts et une des propositions
du rapport Machelon (septembre 2006) sur le toilettage de la loi de 1905 est
justement de reconsidérer leur fonctionnement et leur objet.
Dans le contexte de “laïcité positive” mis en avant par le président
Sarkozy, les anti-sectes craignent qu’au nom de la liberté de croyance, on
n’ouvre le champ aux mouvements sectaires.
Pour tenter de décrisper le débat, l’Eglise de Scientologie a fait savoir
mardi qu’elle ne demandait à “bénéficier d’aucun aménagement” de la loi de 1905,
tandis que le porte parole des Témoins de Jéhovah (200.000 adeptes en France),
Jean-Claude Pons, a dit à l’AFP qu’il n’y avait “pas grand’chose à attendre
d’une modification de la loi de 1905”. M. Pons a souhaité, toutefois, une
“clarification” entre associations loi 1901 et loi 1905.
L’historien des religions Odon Vallet, dans son “petit lexique des mots
essentiels”, écrit qu’une secte est “à la fois un lieu où on suit un chef et où
l’on se coupe du monde. (…) La secte est une île et la religion un
continent”.