{{LA ROCHELLE. Spécialiste des sectes, Daniel Groscolas a témoigné au sein d’une commission parlementaire en 2006}}

Une seule phrase, consignée à la page 64 d’un volumineux rapport parlementaire intitulé « L’Enfance volée, les mineurs victimes de secte », vaut à Daniel Groscolas d’être renvoyé devant le tribunal correctionnel le 9 décembre prochain, pour diffamation publique envers un particulier. Si elle n’est effectivement pas anodine, cette phrase – « Les Témoins de Jéhovah, par exemple, donnent pour directive aux enfants de fréquenter les écoles pour y faire du prosélytisme » – a été prononcée en 2006 dans le cadre d’une commission parlementaire, où Daniel Groscolas avait été appelé à témoigner en tant qu’expert de la question des sectes.
« Paradoxe républicain ».

Actuel maire (PS) de L’Houmeau, dans l’agglomération rochelaise, cet ancien inspecteur général de l’Éducation nationale (1) est en effet un spécialiste. En 1995, il est missionné par le ministre de l’époque, François Bayrou, pour enquêter sur l’influence des sectes au sein de l’école. S’il recense alors une soixantaine de structures très douteuses, il pointe surtout une faille législative : en dehors d’un contexte public ou privé sous contrat, l’Éducation nationale n’a aucun moyen de contrôler les contenus de l’instruction proposée par les écoles hors contrat. Son travail de conviction finit par payer : le 18 décembre 1998, l’Assemblée nationale vote dans une belle unanimité la loi sur le renforcement de l’obligation scolaire, dont il rédige le décret d’application. Jeune retraité en 2001, il prolonge son investissement en présidant le Centre contre les manipulations mentales. C’est à ce titre qu’il est appelé à donner son éclairage aux parlementaires en 2006. Comme lui, trois autres témoins, dont un ancien préfet et un représentant du ministère du Travail, ont fait l’objet d’une plainte pour diffamation déposée par la Fédération chrétienne des Témoins de Jéhovah, avec constitution de partie civile. À l’issue d’une information judiciaire, les quatre personnalités ont donc été renvoyées devant le tribunal correctionnel : votée en avril dernier en réponse directe à cette plainte, la loi relative au statut des témoins devant les commissions d’enquête n’est pas rétroactive, et ne s’applique donc pas. Daniel Groscolas ne crie pas au scandale. Cette perspective ne l’effraie pas. Tout au plus s’interroge-t-il, un brin narquois, sur une République qui l’élève au rang de commandeur de l’ordre du Mérite pour des travaux qui, dans le même temps, le conduisent au tribunal (2)…

(1) Daniel Groscolas est également depuis dix-huit ans président de la Fédération des jumelages franco-allemands, qui réunit 3 000 communes françaises. Il abandonne cette présidence aujourd’hui même, pour redevenir simple membre. (2) Nous n’avons pu joindre, hier, le représentant des Témoins de Jéhovah.

Auteur : Christophe Galichon

Note: le CCMM soutient son ancien Président