PARIS, 25 jan 2008 (AFP) – Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur,
chargée des Cultes, a donné vendredi le coup d’envoi d’un aménagement de la loi
sur la laïcité de 1905, appelé de ses voeux par Nicolas Sarkozy, en le
justifiant au nom de l’évolution de la société et d’une laïcité “tolérante”.
Les références aux “racines chrétiennes” de notre société, la prééminence du
curé sur l’instituteur, avaient fortement ému les défenseurs de la laïcité,
inscrite dans la Constitution de 1958 (“La France est une République
indivisible, laïque, démocrate et sociale”). Mais dans une interview à La Croix
vendredi, Mme Alliot-Marie estime que ces derniers une “conception archaïque,
voire sectaire de la laïcité”.
Depuis la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat,
argumente-t-elle, “la société a changé” et “certaines modalités de la loi, qui
créent des entraves à l’exercice des cultes, doivent être adaptées”.
Elle cite le cas des carrés confessionnels des cimetières, ces espaces où se
regroupent pour l’éternité les juifs avec les juifs, les musulmans avec les
musulmans, les athées avec les athées, etc.
Selon les autorités religieuses, et aussi les services des pompes funèbres,
les carrés juifs sont pleins et les carrés musulmans inexistants ou
insuffisants, selon les communes. La création de nouveaux “carrés” est laissée à
l’appréciation du maire -tout comme l’attribution de terrains pour la
construction de lieux de culte- et il n’y a pas de règle unique applicable
partout en France.
L’autre point aménageable de la loi concernerait le statut respectif des
associations cultuelles et cultuelles, leur habilité à recevoir des financements
publics, leur statut fiscal, etc.
L’Unadfi (Union nationale des associations de défense des familles et de
l’individu) s’en alarme, y voyant un risque de reconnaissance aux mouvements
sectaires du statut cultuel. “Nous avons probablement besoin de repréciser ce
que sont les dérives sectaires et leurs qualifications pénales”, estime Mme
Alliot-Marie.
Selon la loi de 1905, l’exercice du culte doit se faire “sans trouble à
l’ordre public”. Et la question est de définir le trouble à l’ordre public. Par
exemple le refus des transfusions sanguines par les Témoins de Jéhovah en
fait-il partie ?
La ministre rappelle que “les Français sont attachés à la conception d’une
laïcité tolérante”. En revanche, selon un récent sondage (OpinionWay pour le
Figaro Magazine) 73% d’entre eux ne sont pas d’accord avec les propos de Nicolas
Sarkozy selon lequel “dans la transmission des valeurs, l’instituteur ne pourra
jamais remplacer le pasteur ou le curé”.
Cette affirmation a aussi fait bondir Régis Debray, qui publie dans le Monde
une tribune intitulée “Malaise dans la civilisation”. “Faut-il, parce que les
lendemains ne chantent plus, remettre aux détenteurs d’une Vérité unique le
monopole du sens et de la dignité ? Entre la high-life et la vie consacrée, il y
a le civisme”, écrit-il.
Les francs-maçons ont exprimé leurs “plus expresses réserves” après les
discours de Rome et de Ryad de M. Sarkozy. Ils ont promis d’être “très
vigilants” à propos des modifications de la loi de 1905.
Il reste que cette loi a déjà subi une douzaine de modifications portant
notamment sur le régime fiscal des associations, leur tutelle administrative, la
désaffection d’édifices cultuels ou encore la simplification de la présentation
des comptes annuel s.
Si Mme Alliot-Marie ne dit pas précisément sur quoi porteront les
“adaptations” envisagées, elle assure toutefois qu'”il n’est pas question de
rouvrir des querelles qui ont profondément divisé notre pays”.