BORDEAUX, 13 nov 2012 (AFP) – Thierry Tilly, qui a tenu sous sa coupe pendant dix ans une famille de nobles protestants du Lot-et-Garonne, les « reclus de Monflanquin », a été condamné mardi à huit ans de prison et a aussitôt menacé que ce procès pour manipulation mentale « ne fasse que commencer ». Dix ans de prison, le maximum encouru, avaient été requis devant le tribunal correctionnel de Bordeaux contre M. Tilly, 48 ans, détenu depuis octobre 2009.
Son complice Jacques Gonzalez, 65 ans, libre et malade, a été condamné à quatre ans de prison. Le tribunal a estimé qu’il n’était pas le chef de M. Tilly dans cette affaire, contrairement à ce qu’avançait la défense de ce dernier.
Les deux hommes ont aussi été condamnés à des peines d’interdiction de cinq ans des droits civiques et civils.
La présidente Marie-Elisabeth Bancal a longuement expliqué le jugement avant de prononcer les peines. Pour le tribunal, M. Tilly est bien l’auteur d’un « complot machiavélique » par lequel il a exercé une « sujétion psychologique » sur les onze membres de la famille de Védrines – l’aïeule est décédée en 2010 – jusqu’à leur faire vendre tous leurs biens, à hauteur de 4,5 millions d’euros.
Mme Bancal a égrené les éléments de cette emprise, « création d’une paranoia de groupe (…), exclusion des opposants (…), exploitation des failles de la famille, (…) présence constante à leurs côtés, physique puis par téléphone et par mail », le tout amenant « des conséquences gravement préjudiciables », sur les finances des victimes, leur santé ou leurs études.
Le tribunal a relaxé M. Tilly des faits concernant les deux premières années d’emprise, la loi About-Picard introduisant la notion de sujétion psychologique étant entrée en vigueur en juin 2001.
Thierry Tilly, très déférent au cours des débats, est sorti de ses gonds en entendant le jugement. « Vous avez condamné le citoyen français mais pas l’anglais », a-t-il réagi, alors qu’il affirme détenir la nationalité britannique. « Nous montrerons ce que c’est que le droit européen. Cela ne fait que commencer », a-t-il encore déclaré, des propos que la présidente a fait acter.
« Il s’est laissé emporter par la colère », a expliqué ensuite son avocat, Me Alexandre Novion, qui ne sait pas encore s’il fera appel. Pour lui, « la justice a fait sous-traiter la répression par des psychologues qui ont pris l’ascendant sur elle ».
Les victimes se montraient soulagées, mais sans joie. Philippe, 74 ans, l’aîné des enfants, a espéré qu’avec cette peine inférieure au maximum encouru, Thierry Tilly n’irait pas en appel. « Je mourrai avec cette histoire dans la tête », a-t-il dit, estimant qu’outre les biens, « quand vous avez perdu tous vos souvenirs, c’est considérable ».
Christine, sa belle-soeur, qui a aussi subi dans cette affaire une séquestration et des violences, a estimé que « huit ans, c’était un minimum ». Mais elle a remercié « la justice bordelaise » d’avoir « pris en compte notre catastrophe familiale ».
Jean Marchand, qui a eu sa vie « bouleversée » en se battant pour sortir de cette emprise sa femme Ghislaine et ses deux enfants, a jugé « qu’on ne sort pas d’années de cauchemar comme ça », même si le jugement « était « une étape nécessaire ». Il a estimé que Thierry Tilly, une fois sorti, « va recommencer, car c’est son job ». « L’affaire de Védrines, c’est son chef d’oeuvre », a-t-il amèrement ironisé.
« Le hold-up du cerveau n’est pas assez puni en France, or il est plus grave que celui de la banque du coin », a-t-il ajouté, espérant toutefois une prochaine avancée du droit, qui pour l’instant « ne permet pas de prévenir ce fléau social », car les proches ne peuvent pas intervenir.
source : AFP 13/11/2012 13:19:08 GMT+01:00
par Odile DUPERRY