Ces publications sur des groupes Facebook haut-saônois prônent des “remèdes naturels”, des “soins énergétiques” ou encore la “purification”. Derrière ces promesses, peuvent se cacher des dérives sectaires.

 Naturopathe, magnétiseur, énergéticien, coach de vie, thérapie forestière… Les annonces pour les “médecines alternatives” sont nombreuses sur les groupes Facebook de Haute-Saône comme “Ça bouge à Vesoul et alentours” ou “Tout à Lure 70”. Ces publications promettent “bien-être”, “sérénité”, “acceptation de soi” sans trop d’effort, mais toujours en payant.“Les promesses et recettes de guérison, de bien-être et de développement personnel sont au cœur des pratiques à risque de dérives sectaires”, indique la Miviludes (mission interministérielle sur les sectes) sur son site. En 2021, un quart des signalements reçus concernent la santé. Par ailleurs, l’ensemble des saisine de la Miviludes était en hausse de 33% par rapport à 2020.

“Moi je ne suis pas médecin”

Christelle* raconte s’être intéressée à la naturopathie pour mieux supporter son traitement contre le cancer. Cette ancienne infirmière en rémission explique avoir pu diminuer les effets secondaires grâce aux plantes. Affaiblie par la maladie, elle ne peut plus exercer son ancien métier, donc elle suit une formation de naturopathie à distance. Des enseignements à distance facturés à plusieurs milliers d’euros.

Après l’obtention de son diplôme en 2022, Christelle commence à recevoir ses “consultants” à domicile dans le sud de la Haute-Saône – elle ne les appelle pas “patients”. “Moi je ne suis pas médecin, donc je ne pose pas du tout de diagnostic, absolument pas, jamais”, insiste la Haut-Saônoise. En revanche, elle pose une série de question pour établir un “bilan de vitalité” : “J’essaye de voir avec [la personne] dans son hygiène de vie, ce qui peut être améliorer pour diminuer ses troubles, essayer de retrouver par un moyen simple et naturel, un équilibre, une harmonie.”

Des formations toujours plus chères

Nathalie*, elle, est coiffeuse de formation. Cette quinquagénaire aux boucles brunes explique en souriant qu’elle a “toujours été bizarre”. Depuis 2019, son mari François* et elle s’intéressent aux “soins énergétiques“. Dans leur maison au fin fond d’un petit village de la Haute-Saône, le couple a aménagé une petite salle avec une table de massage, des bols japonais et des huiles parfumées.

Initié par une cliente de Nathalie, François apprend le reiki. “C’est une méthode japonaise, par imposition des mains on transmet l’énergie universelle”, explique le Haut-Saônois qui affirme qu’il peut guérir “la sciatique, la tendinite et le mal de dos”. Nathalie le suit dans cette aventure et décide également de se mettre au reiki. La pratique est très codifiée. Le couple doit passer différents échelons et il faut payer à chaque fois plusieurs centaines d’euros. Plus le niveau monte, plus c’est cher.

François et Nathalie sont désormais tous les deux “maîtres-enseignants”. Ils peuvent donc recevoir des gens pour leur apprendre le reiki, moyennant finance. Ils ont enseigné à une trentaine d’élèves, dont certains étaient déjà venus pour ces “soins énergétiques”. Ce fonctionnement – payer pour être formé, puis être payés pour former d’autres personnes, le tout de la main à la main – ressemble à un système pyramidal caractéristique des dérives sectaires.

Un gourou américain contesté

Nathalie a par ailleurs suivi plusieurs formations “Access Bars”, une pratique remise en question notamment dans un épisode d’Envoyé spécial, qui s’appuie sur des massages du visage. “C’est un massage thérapeutique, pas un massage bien-être comme on pourrait aller se faire papouiller. Là c’est un massage thérapeutique parce qu’on travaille bien sur certaines organes”, précise-t-elle en montrant des schémas de visages avec les parties à masser pour atteindre différents points du corps.

Le mouvement “Access Bars” ou “Access Consciousness” a été fondé dans les années 1990 aux Etats-Unis par Gary Douglas, un auteur de livres connu pour ses liens avec la Scientologie. Les pratiquants reçoivent des formations pour chaque soin. Ils peuvent à leur tour devenir “facilitateur”, ce qui veut dire formateur dans les éléments de langage employés par le mouvement. Nathalie, elle, s’est limitée à l’apprentissage de quelques soins pendant un stage de quatre jours qu’elle a payé 1.700 euros.

Des pratiques déjà condamnées par la justice

Ces différentes pratiques ont pignon sur rue sur les groupes Facebook haut-saônois, ce qui inquiète le Conseil départemental de l’Ordre des médecins (CDOM 70). “Le danger c’est d’éloigner les patients de leur filière de prise en charge reconnue, officielle”, explique Dr. Christian Sylvain, président du CDOM 70. L’emprise peut plus facilement se refermer quand une personne est vulnérable. C’est le cas d’une grande partie des femmes qui viennent voir Nathalie. “Beaucoup ont été visées par des pervers ou violées”, souligne la Haut-Saônoise.

“Quand les patients n’ont pas de pathologies qui puissent être soulagées par la médecine officielle, qu’ils aillent chercher à côté une forme d’apaisement ça parait assez naturel, ça ne me choque pas. Ce qui me choque c’est quand ils abandonnent des traitements pour se tourner vers ces gens-là”, précise le médecin généraliste désormais à la retraite. Le CDOM 70 a déjà porté plainte pour exercice illégal de la médecine dans le cadre de ce genre de “thérapies alternatives”. Une personne avait été condamnée.

Ces deux personnalités postent régulièrement sur les réseaux sociaux. Ce sont des “gourous 2.0” pour Gilbert Klein, président du Centre laïque pour la prévention du sectarisme. Cette association est basée à Vesoul, mais elle rayonne sur une grande partie de la France. Pour se protéger face à de potentielles dérives sectaires, Gilbert Klein conseille de vérifier si la personne a un diplôme universitaire. Il propose aussi cette règle : “A partir du moment où on vous promet une méthode miracle sans effort, on peut déjà se poser des questions.”

*Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des personnes

source : France bleu Franche Comté relayé par le correspondant du CCMM à Besançon