Vingt-trois heures. Les ténèbres sont tombées depuis quelques heures déjà sur Plombières. Dans la forêt voisine, une quinzaine de croyants n’est pas près de s’endormir. Au rythme de leurs prières, de leurs incantations et de leurs chants, ils bénissent à peu près tout le monde et tentent de se défendre face aux forces maléfiques qui sévissent quelques mètres plus loin, à la porte du diable.
Nous montons la rude pente et nous parviennent alors aux oreilles de vagues psalmodies étouffées par ce monde d’encre qui nous entoure. Puis nous apercevons des lampes torches et quelques silhouettes. Les prières sont un peu plus fortes. Nous nous rapprochons petit à petit d’une chaude bulle de lumière orangée qui se reflète sous la voûte des arbres. Un vif rayon laiteux de lampe torche nous éblouit. Quelqu’un nous a vus au loin. Nous terminons les derniers mètres qui nous séparent du groupe en nous faisant attentivement observer. Les prières ne se sont pas arrêtées.
Tout Dijonnais connaît de réputation la porte du diable, placée au bord d’une route entre Daix et Plombières-lès-Dijon. Le lieu déchaîne les passions depuis des décennies. Chacun y allant de sa légende personnelle. De nuit, le haut pan de mur a une couleur blanchâtre, quasi cadavérique, qui se découpe très nettement des ténèbres de la forêt. Impossible de passer à côté. Sur le linteau, une tête érodée aux oreilles pointues et une apparence féline peut faire penser à celle d’un diablotin. Au-dessus d’elle, un bonnet phrygien. Tout sauf un hasard quand on sait que l’ancien propriétaire de la porte s’appelait Hias… Bonnet !
Dame blanche
C’est très certainement lui qui fit construire la porte, récupérant les pierres d’une des immenses cheminées de l’hôtel Bernardon de Dijon. Après la période révolutionnaire, ce dernier fut mis à sac, tout comme de nombreux édifices religieux. Ce filou de Bonnet récupéra les débris pour en faire cette porte particulière, posée sur le chemin reliant la ferme de Champmoron, qu’il possédait, au prieuré de Bonvaux. Aujourd’hui, on raconte qu’il faut la traverser par l’ouverture de gauche, celle où le chevron est fatigué. Et gare à vous si vous choisissez l’autre option. C’est un monde démoniaque qui vous attend : manifestations paranormales, bruits étranges et même apparition de la Dame blanche…
Ce soir-là, c’est un tout autre type de Dame en blanc que nous rencontrons. Au pied de la porte Bonnet, nous avons aperçu au loin des voitures parquées le long de la sinueuse route. Quelques-unes ont allumé leurs feux de détresse. Il y a plusieurs années, la secte Amour et Miséricorde se réunissait chaque mois en ces lieux. Plus précisément, dans la nuit du 15 au 16 du mois. À son apogée, le mouvement comptait une cinquantaine d’adhérents. Dans un premier temps, tous se retrouvaient dans les bois de Plombières, avant que “la voyante” Eliane Deschamps, cerveau du groupe, commence à voir la vierge Marie en d’autres endroits. Récemment, la responsable de l’association a été rattrapée par la justice dans le Jura. Elle est soupçonnée d’abus de faiblesse. Pourtant, ce 15 septembre, il y avait bien une réunion nocturne.
Arrivés à la lumière, nous tombons sur Pierre, qui nous demande ce que nous cherchons.
Découvrez la suite de ce reportage dans le Miroir magazine n°6, actuellement en kiosque.
source : http://www.miroir-mag.fr/64754-notre-nuit-avec-une-secte-a-plombieres-les-dijon/
par