Sexe, mensonges et vidéos? L’audience correctionnelle prévue pour deux jours à Lisieux à partir de ce 26 novembre promet d’être haute en couleurs. C’est le procès d’une secte dénommée innocemment « Parc d’accueil », petite par la taille, grande par ses effets dévastateurs sur ses adeptes-victimes de 2002 à 2007. Seule la « gouroue », Françoise D., une enseignante de 56 ans, est renvoyée devant le tribunal, face à 22 parties civiles (dont une association de familles), pour abus de faiblesse aggravé, étant précisé par la juge d’instruction, dans son ordonnance dite de renvoi, que cette qualification comprend des faits de complicité de viols et d’agressions sexuelles comme de violences et violences volontaires sur personnes vulnérables.
Que François D. les appelle « mêlées célestes » ou séances de « navigation », il s’agit de méga-partouzes avec des rapports non-protégés où la gouroue, guidée, disait-elle, par des révélations, décide qui s’accouple avec qui, qui fait quoi. Elle pouvait ordonner les changements de partenaires selon son bon vouloir, comme la fin de la séance. Des relations homosexuelles ou parents-enfants étaient également imposées. La polygamie était donc la règle pour les adeptes, mais tel n’était pas le cas pour la gouroue… à l’exception de baisers avec la langue qu’elle distribuait à tous.
Nolwen apparaît comme la principale victime. La procédure dévoile que lorsqu’une relation sexuelle lui était imposée, elle se débattait. En vain. Patrick, un autre adepte, a indiqué aux enquêteurs qu’il pleurait lorsqu’il voyait sa copine avoir des relations sexuelles avec d’autres que lui… et qu’il a dû en avoir avec sa mère. Lorsque Nicole évoque en interrogatoire les « navigations » avec son fils, fellations ou pénétrations, elle pleure, en expliquant qu’elle le faisait car c’était le Saint Esprit qui le commandait à travers Françoise D.. Pourtant, après chaque navigation, Nicole vomissait, se sentant dégoûtante, sale, souillée, tout en pensant qu’il s’agissait d’une épreuve pour sa grâce. La gouroue expliquait que les relations sexuelles permettent de déloger les démons, et les changements de partenaires de découvrir les différents aspects du Saint Esprit.
Une participation financière fixée par Dieu
Aux enquêteurs, Françoise D. affirme que Nolwen n’a jamais été forcée à rien, et que si elle l’a giflée c’est qu’elle a été grossière et refusait de partager les tâches de ménage. Pour la gouroue, il n’y avait ni manipulation, ni exploitation à son profit, mais seulement épanouissement de chacun, au service du Saint Esprit. Pourtant, il ressort des expertises psychiatriques qu’elle avait la capacité de mettre et de maintenir sous son emprise. Notamment en choisissant certains individus réceptifs, en repérant leurs failles, en les isolant, en les affaiblissant, en les culpabilisant. Elle exploitait une fragilité chez des individus en proie à des difficultés.
Françoise D. imposait à ses adeptes une participation financière, dont le montant, expliquait-elle, était fixé par Dieu. Certains adeptes pensaient d’ailleurs qu’elle était Dieu. Alors qu’elle ne prêchait qu’en tant qu’épouse de Jésus, ou comme incarnation de Jésus. Dieu parlait à travers elle. Elle se faisait appeler Altesse ou Petite Reine.
Lors de ses interrogatoires, Françoise D. indiqua que les navigations n’étaient pas des relations sexuelles mais des « effusion du Saint Esprit »… sans expliquer en quoi les actes sexuels étaient nécessaires comme pratiques religieuses. Quant aux éructations et aux vomissements collectifs, elle les justifiait par la nécessité d’expulser les mauvaises pensées. Les magistrats, comme les parties civiles, attendent sans doute que la gouroue aille beaucoup plus loin dans ses explications que ce qu’elle a bien voulu dire jusque-là.
Un procès exceptionnel
Pendant la phase d’instruction, Françoise D. était mise en examen pour viols en réunion, agressions sexuelles et violences volontaires sur personnes particulièrement vulnérables. La juge d’instruction a finalement estimé que ces qualifications pénales étaient comprises dans celle d’abus de faiblesse aggravé. Six de ses adeptes étaient également mis en examen pour toutes ces qualifications, mais le magistrat instructeur a jugé qu’ils ont agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle ils n’ont pu résister et ils ne sont plus poursuivis. Ces six adeptes se retrouvent mêle désormais parmi les parties civiles.
C’est donc un procès assez exceptionnel qui s’ouvre à Lisieux ce lundi 26 novembre. Exceptionnel par la gravité des faits reprochés à la gouroue et par le nombre des adeptes qui se sont constitués partie civile : 21 personnes physique, soit une très grande majorité des adeptes. Le procès a-t-il vocation de présenter le cas-type d’une secte dangereuse? La juge d’instruction a choisi d’utiliser le délit d’abus de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse. Et quatre des victimes, par la voix de leur avocat Pascal Rouiller, ont choisi de faire témoigner Catherine Picard, qui, lorsqu’elle était députée socialiste, a fait voter avec le sénateur Nicolas About (centriste) en 2001 la loi créant ce délit d’abus de faiblesse. Catherine Picard préside depuis 2004 l’Union nationale des Associations de défense des familles et de l’individu, la principale structure d’aide aux victimes de sectes.
source : Par François Koch,
L’EXPRESS 26/11/2012 à 08:33,
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/ouverture-du-proces-d-une-gouroue-sans-tabou_1191501.html
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LISIEUX (France / Calvados), 26 nov 2012 (AFP) – Le procès d’une femme de 56 ans, soupçonnée d’avoir été le gourou d’une secte, s’est ouvert lundi à huis clos devant le tribunal correctionnel de Lisieux (Calvados), a constaté une journaliste de l’AFP.
La prévenue comparaît pour « abus frauduleux de l’ignorance ou de la faiblesse d’un tiers », dans le cadre de la loi About-Picard de 2001 contre les dérives sectaires qui a introduit cette notion, selon le service d’audiencement du tribunal.
Elle comparaît libre et encourt cinq ans de prison. Le procès doit durer deux jours.
Selon Me Pascal Rouiller, avocat d’une des victimes présumées et de sa famille, parties civiles, « les anciens adeptes rapportent avoir connu l’enfer d’une prison mentale sur fond de violences morales, physiques et sexuelles, fruit d’une emprise totale de la part du gourou ».
Selon Me Rouiller, la prévenue a demandé un renvoi car elle n’a pas d’avocat mais le tribunal le lui a refusé. L’audiencement avait effectivement indiqué à l’AFP vendredi que la prévenue n’avait pas d’avocat.
Selon Me Rouiller, une dizaine de victimes présumées directes ou de proches de victimes présumées sont parties civiles et présentes dans la salle pour des faits qui auraient eu lieu entre le 1er janvier 2002 et le 27 juin 2007.
En octobre 2011, lors d’un colloque à l’Assemblée nationale visant à dresser un bilan 10 ans après le vote de la loi About-Picard, Georges Fenech, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre ces dérives (Miviludes) avait estimé qu’une centaine de procédures judiciaires étaient alors en cours en France.
« Sur une quarantaine de condamnations pour abus de faiblesse, un tiers l’ont été dans le cadre d’un mouvement sectaire », avait-il ajouté.