{{Dans un entretien exclusif à Jeuneafrique.com, le chirurgien Français Pierre Foldes dénonce la récupération médiatique exercée par le mouvement raëlien sur la technique opératoire qu’il a inventée. Celle-ci permet aux femmes excisées de retrouver en partie leur intégrité physique.}}

C’est au Burkina Faso, il y a trente ans, que des patientes ont demandé au docteur Pierre Foldes s’il pouvait les aider à retrouver ce qu’elles avaient perdu lors de leur excision. Alors en mission humanitaire pour soigner des complications liées à cette mutilation génitale, le chirurgien urologue avait promis de réfléchir.

Il a finalement mis au point une technique consistant à ouvrir la cicatrice de l’excision et à remonter à la surface la partie interne du clitoris, longue d’une dizaine de centimètres. Aujourd’hui, le Dr Foldes a opéré gracieusement quelque 3 000 femmes en Afrique et en France, son pays de résidence. S’ajoutent à elles les nombreuses autres qui ont en partie retrouvé leur intégrité physique grâce à des confrères français et africains formés par l’urologue.

Si le Dr Foldes se réjouit de l’engouement suscité par son invention, il déplore en revanche certaines dérives, dont celle du mouvement raëlien. Considéré comme une secte en France, ce groupe spirituel construit actuellement au Burkina Faso une « Clinique du Plaisir » afin d’opérer gratuitement les femmes excisées en s’inspirant de l’intervention du médecin. Une publicité dont ce dernier se serait bien passé.

{{Soutenez-vous le projet de la « Clinique du Plaisir » ?}}

Dr Pierre Foldes : Ce n’est pas aux Raëliens de prendre une telle initiative. L’influence religieuse ou sectaire est néfaste, surtout sur le sujet des mutilations. Ce projet de clinique ne doit pas être soutenu, car les motivations ne sont pas claires et servent des objectifs qui ne sont pas la simple santé des femmes. Une telle structure doit dans l’idéal reposer sur le système de santé officiel et respecter la pyramide de soins.

{{Vous ne seriez donc pas prêt à opérer pour les Raëliens ?}}

C’est hors de question et je ne les soutiendrai en aucune façon. Ils ne m’ont d’ailleurs rien demandé. Les Raëliens n’ont jamais pris contact avec moi et s’ils l’avaient fait je n’aurais donné aucune suite. Mon engagement pour la santé des femmes est total et bénévole. Ces tentatives de récupération iniques ne servent en rien la cause des femmes excisées, déjà victimes d’un système qui ne les respecte pas.

{{La formation de collègues qui voudraient opérer à « la Clinique du Plaisir » est donc exclue ?}}

Je forme beaucoup de spécialistes du monde entier. Aucun des chirurgiens formés ne s’est revediqué de ce mouvement. Si certains d’entre eux ont des connexions avec les Raëliens, je ne peux le contrôler ni être responsable de ce qu’ils feront de leur formation.

{{Certains ont-ils effectivement eu des « connexions »?}}

Une Américaine qui exerce à Denver, dans le Colorado, est venue me voir opérer à deux reprises. Lorsque je lui ai demandé si elle était raëlienne, elle m’a dit qu’elle connaissait le mouvement mais qu’elle n’en faisait pas partie. Plus tard, quand elle m’a invité aux Etats-Unis, j’ai appris que mon déplacement serait peut-être pris en charge par les Raëliens. J’ai décliné l’offre car je ne voulais rien leur devoir.

{{Vous êtes souvent cité comme la référence scientifique ayant inspiré ce projet de clinique. Cela vous porte-t-il préjudice ?}}

Cela me porte un préjudice réel. Je leur ai demandé de nombreuses fois de ne pas citer mon nom et de ne pas se servir de mon image. J’envisage maintenant une action en justice. L’association belge Intact, qui lutte contre l’excision, m’a proposé une assistance juridique pour me protéger.

{{Quels sont vos projets ?}}

Je monte en France un institut de la santé de la femme afin de former aux opérations visant à « réparer » l’excision ou encore les fistules vésico-vaginales. Cette structure semi-publique axée sur les violences faites aux femmes sera un centre de référence en matière soutenu par les autorités françaises.

Pour un point complet, retrouvez notre enquête sur les « Sectes en Afrique » dans l’édition de Jeune Afrique, n°2535 du 9 au 15 août 2009.