{{L’étude, qui a coûté 84 000 euros, a été commandée par la commissions des lois}}

Laurence De Charette

07/12/2009

Un cabinet d’expertise privé a fait une irruption remarquée dans le travail parlementaire. Dans le cadre de la préparation des projets de loi de «simplification et amélioration du droit», portés par Jean-Luc Warsmann (UMP) président de la commission des lois de l’Assemblée, le cabinet Lexis Nexis a été sollicité, pour un montant de 84 000 euros. Cette intervention inhabituelle suscite de nombreuses interrogations à l’Assemblée.

«Ils ont fait un travail préparatoire, sous forme de fiches, explique Étienne Blanc, élu UMP et rapporteur des textes, mais nous avons également tenu compte d’autres apports, comme ceux des professions concernées». «Lexis Nexis (…) n’a rédigé aucun article de loi», prend également soin de souligner Jean-Luc Warsmann.

Cette contribution exceptionnelle a fait l’objet d’un appel d’offres en bonne et due forme, publié le 26 novembre 2008, qui explique : «Le présent marché a pour objet de recenser, dans le domaine du droit pénal, les dispositions législatives : – incompatibles avec d’autres dispositions supérieures (…); considérées comme abrogées implicitement par les juridictions judiciaires ou administratives ; (…); devenues sans objet (…), inutiles (…).»

Bien que légal dans la forme, le recours à un cabinet privé pour ce vaste toilettage des lois suscite l’étonnement. Au sein des services de l’Assemblée, une quinzaine d’administrateurs sont plus spécifiquement affectés aux textes de la commission des lois. Habituellement, ce sont eux qui réalisent ce type de travaux «Nous sommes des techniciens du droit», explique l’un d’eux. «Nous n’avons jamais eu recours à ce type d’externalisation, et nous ne comptons pas le faire», avance également un autre administrateur au Sénat. Les services de l’Assemblée ont été réorganisés à la suite de la réforme constitutionnelle pour leur permettre de mieux faire face à leurs nouvelles attributions.

Jean-Luc Warsmann a toutefois justifié cet appel d’offres externe par le manque de moyens du Parlement pour réaliser un travail de cette ampleur «Nous n’avions pas les ressources suffisantes en interne, nous avons donc eu affaire à un cabinet d’experts. C’est d’ailleurs une très bonne solution, qu’il faut développer, car l’Assemblée ne peut avoir des experts en tout. Ensuite, ce sont les parlementaires qui tranchent, ils ne sont pas obligés de suivre les avis des experts.» En séance, le président de la commission des lois avait déjà tenté, la semaine dernière de justifier cette mission confiée à «des professeurs d’université», mais il n’a pas convaincu l’opposition.

Si le procédé continue de faire grincer quelques dents, c’est aussi parce qu’il est la conséquence, ou l’origine, d’un travail législatif mené tambour battant – et que beaucoup de parlementaires estiment trop rapide. «Nous avons déjà eu un problème avec l’article supprimant la dissolution des associations sanctionnées par la justice, qui s’applique aussi aux sectes, et qui s’est télescopé avec le procès de la Scientologie… grogne un élu de la majorité… Il n’est pas bon d’aller aussi vite.»

le Figaro