S’adressant aux membres du mouvement catholique conservateur Chemin néocatéchuménal, l’archevêque de Cologne a déclaré qu’à ses yeux, « une seule de (leur) famille compte pour trois familles musulmanes ».
Cible des Femen
Ces propos relayés par la presse allemande ont aussitôt soulevé un tollé de l’autre coté du Rhin, notamment parmi les associations musulmanes.
« Nous avons besoin de médiateurs entre nos deux cultures en Allemagne, pas de gens qui suscitent les divisions », regrette Bekir Alboga de l’organisation turco-islamique Ditib, qui demande que les propos du prélat ne restent pas sans conséquence.
Même émoi du côté du Conseil central des musulmans d’Allemagne. Son président, Aiman Mazyek, reproche à Joachim Meisner « d’alimenter un climat de ressentiment contre les musulmans » contraire selon lui aux intentions du nouveau pape François.
Quant au cardinal archevêque de 80 ans, il a tenté de calmer le jeu en expliquant « regretter » des mots « mal choisis », mais sans toutefois nier le sens de ses propos.
Cette polémique n’est pas la première suscitée par cette figure centrale de l’Église catholique allemande. Tenant d’une ligne conservatrice, Mgr Meisner est à la tête du plus grand diocèse du pays et de l’un des plus riches au monde.
En décembre, il a d’ailleurs été la cible des activistes féministes Femen. Lors de la messe de Noël menée par le cardinal en personne, une jeune femme est montée nue sur l’autel, avec cette inscription sur son torse : « Je suis Dieu ». L’activiste explique avoir voulu dénoncer les « positions patriarcales et misogynes » de l’homme d’Eglise.
L’avortement ? « Le suicide de notre société »
L’homme ne cache en effet pas ses positions conservatrices notamment sur la place des femmes. En 2013, dans une interview au quotidien Stuttgarter Zeitung, il déclarait à propos de la politique d’immigration menée par la chancelière Angela Merkel qui venait de conclure des accords, notamment avec l’Espagne, pour attirer des jeunes apprentis en Allemagne :
« Où sont les encouragements faits aux femmes pour rester à la maison et faire trois ou quatre enfants ? C’est ce que l’on devrait faire et non pas, comme Mme Merkel le fait actuellement, présenter l’immigration comme seule solution à nos problèmes démographiques ».
Et d’ajouter, décidément en verve :
« Nous sommes un peuple en train de mourir mais nous avons une législation des plus incitatives concernant l’avortement. N’est ce pas le suicide de notre société ? »
Par le passé, l’homme n’avait pas hésité à comparer l’avortement à l’Holocauste et l’athéisme au nazisme. En 2007, le prélat allemand avait aussi suscité la polémique en employant un vocabulaire issu du nazisme. Lors de l’inauguration du musée de son archevêché, il avait estimé que « l’art qui se coupe trop de la religion » devient « dégénéré ». Là aussi, l’homme avait tenté de faire taire la polémique sans toutefois remettre en cause le fond de sa pensée.
Le « chien de garde » de l’Église
Représentant de l’aile conservatrice de l’Église allemande et ami proche du précédent pape Benoit XVI, le cardinal Meisner estime par ailleurs qu’il n’y a aucun besoin de réformer l’Eglise et répète que celle-ci doit faire attention « à la parole de Dieu, pas à l’opinion des hommes ». Il avait ainsi été choqué par la démission de Benoit XVI considérant que le pape est un père qui le reste jusqu’au bout.
Pour le journal Tagesspiegel, Joachim Meisner est un « chien de garde » de l’Église catholique.
« Son échelle de valeur n’est pas le monde mais Dieu », écrit le quotidien berlinois qui explique cette attitude par une enfance passée dans le bloc soviétique.
L’homme est en effet né en 1933 en Silésie (région polonaise à l’époque à majorité allemande), a grandi en Thuringe avant d’être nommé prêtre à Erfurt, à la frontière polonaise. « Lorsqu’il est arrivé en Allemagne de l’ouest (en 1988, ndlr), il était très sceptique sur la modernité et la démocratie libérale avec sa diversité de pensée », écrit le Tagesspiegel.
Pour les cathos de Cologne, bon débarras !
L’an dernier, le cardinal Meisner a aussi créé un malaise en soutenant Mgr Franz-Peter Tebartz-van Elst, surnommé « l’évêque de luxe » et mis en cause pour le coût pharaonique de sa nouvelle maison diocésaine à Limbourg. Face au scandale suscité par l’affaire, Joachim Meisner s’est retrouvé seul à soutenir l’homme qui contrevenait en tout aux préceptes de pauvreté mis en avant par le nouveau pape François. Un pape avec lequel ses relations sont d’ailleurs nettement moins bonnes qu’avec Benoit XVI.
Après 25 années de règne sur le diocèse de Cologne, de nombreuses polémiques et 80 bougies au compteur, l’homme fort de l’Église allemande s’apprête à quitter ses fonctions, en février. De nombreux paroissiens attendent avec impatience de pouvoir tourner la page conservatrice du cardinal Meisner, qui avait été imposé en 1988 par le pape de l’époque, Jean Paul II, sans que les paroissiens n’aient leur mot à dire.
A l’époque, Joachim Meisner, alors en poste dans ce qui était la RDA, avait eu ces mots très durs lors d’une conférence de presse précédent sa venue à Cologne :
« Vous ne voulez pas de moi. Je ne veux pas être là non plus ».
Vingt-cinq années plus tard, certains prêtres et membres du diocèse ont envoyé une lettre ouverte au pape François pour demander à pouvoir participer au choix de leur futur archevêque. Le but est clair : ne pas se voir imposer, par Rome, un nouveau cardinal Meisner.
source : http://www.fait-religieux.com/monde/europe/2014/02/06/pour-le-cardinal-de-cologne-un-catholique-vaut-trois-musulmans-