Déposée en 2013, une proposition de loi sur un contrat de vie commune chemine à Monaco. La jugeant trop proche du mariage, l’Église, religion d’État à Monaco, voit dans ce projet une menace pour « l’institution matrimoniale ».

En 2013, des membres de l’Union monégasque (UM) déposaient une proposition de loi pour un « pacte de vie commune », pour « reconnaître une réalité sociale vécue par de nombreux individus » selon leurs mots.

Depuis, la proposition, devenue contrat de vie commune (CVC), a vu son contenu modifié, notamment par le rôle que joue l’Église, religion d’État à Monaco.

En effet, en plus d’autoriser deux personnes – de même sexe ou non – de vivre ensemble en union libre, le gouvernement a étendu la proposition aux membres de la même famille souhaitant cohabiter et s’entraider matériellement, autrement dit aux « communautés de toit ». Par ce choix, rapporte Monaco Hebdo, le gouvernement faisait surtout un pas vers l’Église.

En effet, cet élargissement à la famille a été suggéré par l’archevêché, consulté sur ce projet de société, tel que l’implique la constitution monégasque. 

 « Si les rapporteurs du texte insistent bien sur le fait qu’ils ne veulent pas instaurer un ersatz de mariage, nous avons remarqué que les conditions de validité d’un CVC sont calquées sur les dispositions du Code civil pour le mariage (assistance, aide, secours et vie commune NDLR) », expliquait à l’hebdomadaire, Guillaume Paris, vicaire général et bras droit de Mgr B. Barsi.

 Ajouter la possibilité à des membres d’une même famille de contracter un CVC opérait, de fait, une distinction plus nette avec le mariage.

 Mais, à quelques jours de la séance législative du 30 octobre, où les discussions sur la dernière mouture du texte auraient pu aboutir à un vote, les conseillers nationaux ont amendé le texte. D’après Nice Matin, c’est le fait d’avoir englobé toutes les situations de cohabitation dans un seul et unique texte qui a provoqué la volonté, de la part des élus du conseil national, parlement monégasque, de revenir à l’idée initiale de 2013 du Pacs.

Sans l’extension aux familles donc.

Une « mise en danger » des institutions

Une volte-face qui n’a pas été du goût de Mgr Bernard Barsi, évêque de Monaco : « Légiférer de manière spécifique en faveur de l’union libre va bien au-delà de la portée du texte. C’est mettre en danger la stabilité de nos institutions, en éloignant toujours davantage la législation monégasque de la doctrine de l’Église. »

Dans un courrier adressé au président du conseil national, Stéphane Valéri, le 14 octobre, il précise : « Quand on légifère, il est nécessaire et responsable de savoir dépasser l’horizon à courte vue de l’instant politique ou de la simple tactique politicienne, pour se projeter dans l’avenir (…). L’exemple des pays voisins où le “mariage pour tous” est arrivé à la suite d’une succession d’étapes méthodiquement calculées ne peut être ignoré, sans compter la surenchère sur les droits à la filiation (PMA, GPA, etc.). »

Mgr B. Barsi y entraperçoit les prémices du mariage homosexuel : « Ce projet tel qu’il est amendé constitue une menace pour l’institution matrimoniale. (…) Créer une loi spécifique à la communauté de lit ne relève plus d’une réponse pragmatique, mais d’une volonté politique et idéologique : l’égalité des couples hétérosexuels et homosexuels qui ne pourra être atteinte, à échéance, que par la légalisation du mariage de personnes du même sexe. »

Mardi 22 octobre, les 24 conseillers nationaux ont répondu à l’évêque : « Les amendements proposés par le Conseil national n’ont pas pour objectif de porter atteinte à l’institution du mariage. Tel aurait pu être le cas (…) si l’Assemblée s’était orientée vers l’octroi du mariage aux personnes de même sexe, ce qu’elle ne fera pas. » 

Face à ces tensions, Stéphane Valéri a donc décidé de reporter le débat au 2 décembre, le temps d’apaiser les discussions et de rencontrer l’évêque.

Le président du conseil national a néanmoins rappelé dans un courrier adressé à ce dernier que « l’Église ne peut être considérée comme co-législateur ».

  • Guillemette de Préval, LA CROIX le 28/10/2019