Les affaires de maltraitance de personnes vulnérables, du fait de leur âge ou de leur handicap, défrayent régulièrement la chronique. De natures très diverses, elles concernent aussi bien l’accueil et la prise en charge de personnes âgées en Ehpad que celle d’enfants ou de jeunes adultes lourdement handicapés. Et si pour en finir avec cette maltraitance, il était urgent de changer le regard que nous portons sur les personnes vulnérables ?

 The Conversation

Le 22 mars 2019, un aide-soignant de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) d’Arcueil a été  condamné à cinq ans de prison ferme pour avoir violenté une résidente âgée de 98 ans.

Les affaires de maltraitance de personnes vulnérables, du fait de leur âge ou de leur handicap, défrayent régulièrement la chronique. De natures très diverses, elles concernent aussi bien l’ accueil et la prise en charge de personnes âgées en Ehpad que celle d’enfants ou de  jeunes adultes lourdement handicapés.

La difficulté à cerner l’ampleur et la nature des violences qui caractérisent ces maltraitances compliquent l’appréhension de cette terrible réalité. Conséquence : la complexité de ces affaires multiforme se traduit parfois par un décalage entre l’émotion suscitée par leur révélation et les décisions de justice qui en découlent (classement sans suite faute de preuve), comme dans l’ affaire de l’Institut médico-éducatif du Moussaron, à Condom dans le Gers.

Afin de prendre à bras le corps ce phénomène mal connu et trop souvent tabou, les pouvoirs publics ont annoncé le 19 février dernier la mise en place d’une  commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance, présidée par le conseiller d’État Denis Piveteau.

La maltraitance : de quoi parle-t-on ?

Au niveau international, il existe un consensus pour qualifier la maltraitance. Le Conseil de l’Europe la définit comme une violence se caractérisant par : « tout acte ou omission commis par une personne, s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière ». (Conseil de l’Europe, 1987)

En ce qui concerne les personnes âgées, l’Organisation mondiale de la santé, quant à elle, considère qu’on peut qualifier de maltraitance : « un acte unique ou répété, ou l’absence d’intervention appropriée, dans le cadre d’une relation censée être une relation de confiance, qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne âgée qui en est victime. » (OMS, 2002)

On le voit ces définitions sont larges. Dans les faits, deux éléments principaux permettent de caractériser la maltraitance. D’une part, la diversité des situations qui vont de la violence physique active, comme des coups, à la maltraitance ordinaire à laquelle on ne fait plus attention, comme ne pas frapper avant d’entrer dans un lieu de vie privatif. D’autre part, le déséquilibre existant entre la personne victime de maltraitance, qui présente une vulnérabilité, et la personne qui commet la maltraitance de manière consciente ou non. Ainsi, c’est la relation professionnelle (ou personnelle, dans le cas d’une famille) et de confiance entre un aidant et un aidé qui est dénaturée ou trahie.

La maltraitance, un phénomène assez peu documenté

On dispose à ce jour d’assez peu de statistiques concernant les faits pouvant relever de la maltraitance. En effet, contrairement à d’autres faits de société tels que les  violences faites aux femmes ou le  recensement des actes antisémites, il n’existe pas de statistiques fiables de la maltraitance en France.

Plusieurs raisons expliquent cette situation. Tout d’abord, la maltraitance recouvre des faits très différents les uns des autres. La frontière est souvent ténue entre maltraitance avérée et risque de maltraitance, et il peut être difficile de déterminer précisément où commence et où s’arrête la maltraitance. Ne pas dire bonjour ou parler à une collègue lors d’une aide au repas, sans prêter attention à la personne aidée, n’est pas de même nature qu’une contention appliquée sans prescription médicale.

Une autre difficulté réside dans l’hétérogénéité des sources d’informations : il n’existe pas de procédures organisées pour faire remonter des statistiques fiables en provenance des différents acteurs concernés (justice, police, santé, établissements, médecins, travailleurs sociaux, associations). La  note d’orientation pour une action globale d’appui à la bientraitance dans l’aide à l’autonomie, rédigée en janvier 2019, suite à l’installation de la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, présente la particularité de ne citer aucun chiffre en 117 pages sur le sujet dont elle traite.

Parmi les tentatives pour mieux cerner les faits de maltraitance on peut citer un rapport du Sénat du 10 juin 2003 intitulé  « Maltraitance envers les personnes handicapées : briser la loi du silence ». Selon ce document, 70 % des cas de maltraitance ont lieu dans la sphère familiale, contre 30 % en institutions. Le rapport note qu’il est très difficile d’évaluer l’ampleur d’un phénomène qui dépend également des populations concernées (enfants, jeunes adultes, adultes, personnes âgées). Ainsi, dans un  ouvrage paru en décembre 2008, Anne Tursz et Pascale Gerbouin-Rerolle estimaient à 14 000 les cas de maltraitance concernant les enfants. Mais pour ce qui concerne les Ehpad, il n’existe aucune statistique !

source : www.psychologies.com/Actualites/Societe/Pour-mieux-combattre-la-maltraitance-changeons-notre-regard-sur-les-personnes-vulnerables
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