De nombreux jeunes français se radicalisent, embrassent un islam rigoriste et quittent la France pour participer au jihad principalement en Syrie ou en Irak.
Pourquoi cette bascule de l’islam à l’islamisme et cette violence débridée?

Les témoignages de ces jeunes se ressemblent pour la plupart, bien que tous ne soient pas issus de banlieues en souffrance, déclassés socialement et trainant un passé judiciaire. Certains, musulmans, ont un travail, un appartement, une famille, ont suivi des études classiques. Ils ne sont ni délinquants ni particulièrement attirés par l’islam. D’autres, convertis, sont souvent issus de la bourgeoisie catholique, ont suivi les cours de catéchisme, ont la foi.

Certains se convertissent pour ne plus être considérés comme des étrangers dans un environnement immédiat presque totalement musulman. D’autres disent avoir besoin de plus de spiritualité.

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Admettons. Mais pourquoi le salafisme? Et pourquoi si jeune?

Des sources policières évoquent deux à trois déclarations de disparitions inquiétantes par jour liées au jihad en Syrie, comprenant de plus en plus de mineurs et notamment de jeunes filles. Fin septembre à Lyon, une adolescente de 13 ans a été interpellée, dans le cadre d’un coup de filet anti-jihadiste, avec un homme de 20 ans qu’elle avait épousé religieusement. Une autre adolescente de 15 ans s’est radicalisée en deux moiset se préparait à commettre un attentat antisémite poussée par ces tenants d’une pensée unique et totalitaire. Les exemples ne manquent pas.

En prônant le retour aux origines de la foi, à la pureté de l’islam originel, le salafisme entend donner un sentiment de fierté, de complétude dû à l’application du même islam que celui vécu par le prophète Mahomet. Il accuse la sécularisation de la société d’être la cause de sa “décadence”: mariage pour tous, drogue, pornographie…

Le salafisme se veut la seule solution à tous ces “vices” en constituant une communauté purifiée de croyants à part et au dessus du reste du monde (Donia Bouzar “Désamorcer l’islam radical”, l’Atelier, 2014). La charia répondrait ansi à toutes les questions tant spirituelles que matérielles. Elle écarte les doutes, les angoisses et les peurs et impose les certitudes et l’apaisement. Tout y est prévu. De la façon de se vêtir, de manger, de dormir, de penser jusqu’aux sanctions en cas de consommation d’alcool (des coups de fouet), de vol (main coupée), d’adultère (la mort) mais aussi d’homosexualité (la mort), d’apostasie (la mort), le Coran balise la vie de bout en bout (Samuel Laurent “Al Qaïda en France”, Le Seuil 2014).

L’islam littéral est, pour les salafistes, le seul, le véritable islam

Le reste, l’islam chiite, modéré ou sunnite mais corrompu de l’Arabie Saoudite ne vaut pas mieux que les infidèles.

Le salafisme est monobloc. Ses discours sont identiques en tous points du globe. L’objectif est précisément de gommer les différences entre les membres de cette communauté « purifiée » afin de leur donner le sentiment de ne faire qu’un, ce qui ajoute au caractère universel de cet islam rigoriste.

A cela s’ajoute un phénomène de radicalisation extrêmement rapide de ces jeunes par internet. Abreuvés de vidéos d’atrocités rythmées par des chants jihadistes, plus rien ne les émeut ni les écœure. Egorgement, décapitation, crucifixion, lapidation, toutes ces horreurs se banalisent au point que l’on trouve sur les réseaux sociaux des commentaires amusés, ricanements imbéciles et ignobles, tellement en décalage avec l’abjection de la réalité. Et pourtant, ces vidéos suscitent chaque jour des vocations pour le jihad.

Obligation pour tous les croyants, troisième pilier de l’islam avec la Dawa (le prêche), le jihad est la propagande par l’épée. S’ajoute alors pour les prétendants à la guerre sainte une dimension guerrière et mystique. Combattre pour la grandeur de l’islam, pour le retour aux sources, pour l’avènement d’un paradis terrestre d’où les grands maux qui rongent nos sociétés auront disparu. Les martyrs, c’est-à-dire ceux qui y seront morts, auront une place réservée au paradis tout court. Dès lors, le jihadiste n’a pas peur de la mort. Au contraire, il l’espère.

La crainte qu’inspirent les salafistes en dehors de la communauté mais aussi la reconnaissance sociale des salafistes au sein de leur communauté attirent de plus en plus d’adolescents perdus dans un véritable piège dont il est impossible de sortir sous peine d’être jugé pour apostasie. Ils vivent dans un autre monde.

Ces jeunes font penser aux enfants soldats africains shootés à la colle ou au kat et qui tirent sur tout ce qui bouge, happés par une folie meurtrière incompréhensible pour qui n’a pas fait tomber toutes les barrières mentales, tous les tabous. Ici, la religion a remplacé la drogue.

Le jihad ne date pas de la guerre civile en Syrie

Mais l’engouement des jeunes français pour ce jihad en particulier est sans commune mesure avec les précédents (Bosnie, Tchétchénie, Afghanistan, Pakistan…). La mystique religieuse y est peut-être pour quelque chose. La Syrie, le Sham en arabe, serait la terre de renaissance du califat islamique mondial. De là partirait un jihad d’annexion en perpétuelle expansion. Ces prophéties motivent les candidats. Ils se sentent investis d’une mission qui surpasse tout, comme l’étaient Merah et Nemmouche. Car ces jeunes jihadistes fanatisés par la rhétorique salafiste, qui ont subi un lavage de cerveau en règle pendant leur séjour syrien dans les brigades islamistes et qui ont observé et/ou participé aux atrocités, ont déjà commencé à revenir en France.

Se pose alors l’incontournable question de la poursuite de leur objectif initial à savoir, combattre les infidèles et imposer la charia en France et ailleurs. Le discours salafiste est clair: le califat doit être instauré sur la terre. Si le prêche ne suffit pas, le jihad par le sang sera mené sans hésitation.

La police de la Charia en Allemagne, les “muslim patrols” en Angleterre, leur équivalent dans les cités françaises contrôlées par les salafistes qui dispensent des cours de religion aux jeunes enfants, les conversions de plus en plus nombreuses à l’islam sont autant de signaux dont il faut tenir compte.

Embrigadement, dérive sectaire, passage à l’acte, tout y est.

Le traitement de ce virus de mort doit être curatif et pas seulement symptomatique. Il faut donc aussi s’attaquer aux racines du mal. Cela demandera d’affronter la réalité sociétale française: désenclaver les banlieues, casser les ghettos volontaires des salafistes, revoir les politiques de la ville, de l’éducation et de l’immigration, avec courage et détermination.

Regagner les territoires perdus de la République.

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source : par Oudy Bloch

Avocat aux Barreaux de Paris et de New-York en droit pénal, propriété intellectuelle et droit des contrats

http://www.huffingtonpost.fr/oudy-bloch/francais-syrie-irak-jihad_b_5920148.html?utm_hp_ref=france