Traditionnellement favorables à Vladimir Poutine tout comme bon nombre de leurs homologues européens, les évangéliques américains sont très embarrassés par l’invasion de l’Ukraine. Une frange importante de la communauté évangélique américaine, en particulier les conservateurs blancs, a développé une alliance politique et émotionnelle avec la Russie depuis près de vingt ans. Ces croyants américains, dont des personnalités éminentes telles que les leader spirituel Franklin Graham et Jay Sekulow, du Centre américain pour le droit et la justice, voient la Russie, Poutine et l’Église orthodoxe russe, comme des remparts de la foi, des défenseurs des valeurs traditionnelles et familiales. Au centre de cet engouement se trouve la vague de lois anti-LGBT adoptées par la Russie, devenues un modèle pour la militance anti-trans et anti-homosexuels aux États-Unis.

La meilleure illustration de ce phénomène est l’exemple de Franklin Graham, fils du célèbre prédicateur Billy Graham, qui, en 2015, avait effectué une visite très médiatisée à Moscou. L’image d’une chaleureuse rencontre avec Vladimir Poutine est restée dans les mémoires. Franklin Graham avait alors loué le soutien de Vladimir Poutine au christianisme orthodoxe, opposant les « changements positifs » de la Russie à la montée du « sécularisme athée » aux États-Unis. D’autres, comme le Congrès mondial des familles et l’Alliance Defending Freedom, cultivent depuis longtemps des liens avec des politiciens russes proches de Poutine, ainsi qu’avec la direction de l’Église orthodoxe du pays. Le patriarche de Moscou se positionne comme nous l’avons montré ces dernières semaines, depuis le début de la guerre en Ukraine, sur la ligne idéologique « anti-Occident » du président russe.

L’invasion de l’Ukraine a toutefois mis les partisans de Poutine sur la défensive. Alors que la Russie bombarde des églises et détruit des villes entières, les communautés évangéliques américaines se retrouvent divisées. La plupart d’entre elles s’opposent aux actions de la Russie, notamment parce que l’Ukraine abrite une Eglise évangélique forte qui bénéficie de l’attention et des prières d’un certain nombre de leaders américains. Un petit groupe, pourtant, n’a pas l’intention de rompre avec son allié de longue date. En fait partie la candidate républicaine au Congrès 2020, Lauren Witzke, également connue pour son soutien à QAnon. Elle a ainsi assuré en mars 2022 s’identifier « davantage aux valeurs chrétiennes de Poutine qu’à Joe Biden ». D’autres leaders, sans prendre franchement leur distance avec la Russie, ont modéré leur approche. Franklin Graham lui-même a souligné au média Religion News Service qu’il ne soutenait pas la guerre. Il a en outre indiqué que son organisation humanitaire Samaritan’s Purse avait envoyé plusieurs équipes en Ukraine pour mettre en place des cliniques et distribuer des secours. Tout ce petit monde s’accorde néanmoins sur une chose : le soutien à l’autre combat de Vladimir Poutine, une guerre idéologique contre les droits LGBT et les conceptions non traditionnelles de la famille. Alexandre Ballario – pour aller plus loin 718. Golias Hebdo n° 718 (Fichier pdf)

https://www.golias-editions.fr/2022/04/27/poutine-et-les-evangeliques-americains/

par Golias
27 avril 2022