Les mouvements sectaires ou proches de par leurs méthodes continuent à avoir le vent en poupe. Et curieusement, alors que leur discours semblait
naguère à la limite du délirant, au lieu de disparaître il semble maintenant gagner l’inconscient collectif ! Et la science a beau apporter des preuves que ces thérapies n’apportent rien de plus qu’un effet placebo (et c’est toujours ça de pris…), rien n’y fait.
Le nombre de praticiens ne cesse alors d’augmenter : les publicités sur des sites internet pour ici un guérisseur par la bioénergie, là par des compléments « savamment » dosés fleurissent… Un simple clic, et l’internaute se retrouve happé par un discours séduisant, facile tout en étant très flou, et pour peu qu’il se trouve dans une situation de vulnérabilité, il aura vite fait de se laisser tenter… Oh, il ne tombera pas nécessairement sur une secte comme on les imagine, mais il risque de se faire amadouer par des thérapeutes autoproclamés qui, à force de « consultations », de séminaires ou de voyages pour se « ressourcer »
en groupe, lui videront l’esprit… et le portefeuille!
{{Secte ou pas secte ?}}
Si ces mouvements se limitaient à des sectes fermées, autour d’un gourou, comme le veut l’image d’Epinal qu’on s’en fait, il y aurait probablement moins de souci. Mais ce n’est pas le cas… « La Miviludes relève pour sa part que la manipulation mentale, qui caractérise la dérive sectaire est, dans la majorité des cas, l’oeuvre de pseudo-thérapeutes
difficilement identifiables car opérant de manière isolée, même s’ils sont de plus en plus souvent organisés en réseau et tirent profit de la publicité élargie permise par l’internet. » (1) Ces praticiens ont pour
point commun la promotion de pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique.
« Il s’agit dans la majorité des cas de pratiques qui ont pour socle le discours d’un personnage emblématique, qui dans bien des cas possède toutes les caractéristiques du gourou, ou bien de méthodes inspirées
du courant New Age. Ces pratiques sont mises en oeuvre le plus souvent par des non médecins qui n’ont bénéficié d’aucune formation académique. Certains médecins de formation sont également parfois tentés d’utiliser ce type de procédés : ils n’hésitent pas alors à se faire radier de l’ordre pour pouvoir ‘exercer’ sans risque de subir de sanctions ordinales. »
Ces pratiques dites thérapeutiques sont très diverses, mais elles ont un point commun important : le manque de preuves scientifiques tangibles de leur efficacité.
« La dérive thérapeutique devient sectaire lorsqu’elle essaie de faire adhérer le patient à une croyance, à un nouveau mode de pensée.
Prétextant l’inutilité des traitements conventionnels, le pseudo-praticien va demander au patient d’avoir toute confiance en lui car lui seul détient la méthode ‘miracle’ apte à le guérir. Il y a un endoctrinement, une sujétion psychologique qui le conduit petit à petit à rompre avec la médecine, puis avec sa famille et son environnement. Le gourou
thérapeutique propose non seulement de soigner, mais aussi de vivre autrement. Il se présente comme le détenteur d’une vérité », poursuit la Miviludes dans son guide.
{{Besoin de se rassurer}}
La multiplication des pseudo-thérapeutes aurait-elle conduit à une banalisation des discours de ces mouvements, qui présentaient
au départ une tendance sectaire ?
Peut-être… En tout cas, force est de constater que certaines des idées qu’ils promeuvent se disséminent, même chez ceux qui ne sont pourtant pas de chauds partisans de ces méthodes et théories fumeuses… « Les théories qu’ils proposent sont séduisantes, car elles donnent du sens à ce qui arrive à une personne malade, explique Sandrine Mathen, analyste au service d’Étude du CIAOSN (Centre d’information et d’avis sur
les organisations sectaires nuisibles), organisme belge de référence.
{{Prenons le cas du cancer.}}
La personne se demande pourquoi c’est tombé sur elle. Si elle tombe sur des théories basées par exemple sur la biologie totale ou la médecine nouvelle germanique, elle aura l’impression de trouver des réponses, de récupérer une certaine emprise sur sa situation et pourra nourrir un espoir de guérison… » Quoi de plus simple comme réponse que de s’entendre dire par exemple qu’un cancer a son origine dans un « conflit du nid (à l’intérieur de la cellule familiale) dans la relation mèreenfant,
réelle ou imaginaire » ? (2) Chez un médecin classique, la réponse aurait probablement été plus frustrante, du type « pas de chance ». C’est ce qui doit expliquer que ces pseudo explications trouvent de plus en plus d’écho dans la population ! Qui s’empresse de la relayer, renforçant ainsi un phénomène…
Même les esprits les plus scientifiques et cartésiens peuvent se laisser entourlouper, car face au désarroi suscité par une maladie grave, il n’est pas facile de rester sourd à des promesses de guérison, même vaines…
{{Perte de repères}}
Comment faire confiance à des personnes qui affirment que la cigarette n’est pas nuisible, mais que c’est la peur de mourir qui a été associée au fait de fumer qui tue ?
Comment croire une femme qui affirme qu’elle n’a plus rien mangé ni bu (ou presque) depuis 19 ans, se nourrissant uniquement de la lumière ? Comment accepter que certains nous affirment que « l’autoguérison
est un processus volontaire pour stimuler les ressources naturelles du corps pour qu’il retrouve équilibre, harmonie et beauté » ? Comment admettre que des fleurs puissent être efficaces pour résoudre un problème d’insolence et de conflit avec son enfant ?
Pourtant, la biologie totale fait des adeptes et se maintient (3). Pourtant, une promotrice du « respirianisme » a attiré à Bruxelles, en mai dernier, pas moins de 130 personnes lors d’une conférence. Pourtant, nous entendons autour de nous « elle ne se battait plus contre son cancer ». Et pourtant, enfin, les Fleurs de Bach se vendent comme des petits
pains, surtout après avoir fait l’objet d’une longue émission vantant leurs mérites sur une radio publique… « Cette normalisation est le résultat de l’absence de discours clair de la société : universitaires, parents, médecins… et d’une place laissée à certains extrémismes dans les médias, regrette Eric Brasseur, directeur du CIAOSN. C’est le règne du marchand, car les Fleurs de Bach et pilules en tous genres se vendent bien ! Et la liberté d’expression individuelle prime aujourd’hui sur la protection de la société entière… »
Un comble à l’heure où justement , le public exige plus de protection..
Source : JUILLET 2012 BODYTALK Belgique –
article de C A R I N E MA I L L A R D