Le tribunal correctionnel d’Ajaccio a condamné hier le quadragénaire au casier vierge à 18 mois d’emprisonnement et à une amende globale de 1 800 euros. Le mandat de dépôt délivré à l’audience a conduit le natif de Dole (Jura) dans une cellule de la maison d’arrêt.

Interpellé mardi par la police judiciaire à Biguglia, où il est aujourd’hui domicilié, le vendeur avait reconnu en garde à vue avoir commis un attentat contre la salle des témoins de Jéhovah d’Ajaccio située sur la rocade, le 31 juillet vers 21 h 45.

La présidente Catherine Le Lay a repris la genèse de cette affaire qui n’était ni du terrorisme, ni un acte religieux.

« Qui êtes-vous pour alerter, Monsieur ? »

La veille, le vendeur animateur avait acheté trois ou quatre cartouches de gaz et des allume barbecue au Weldom de Géant Casino. Il n’avait eu qu’à franchir un couloir de la galerie, car il travaillait alors dans l’hypermarché de Mezzavia, avant d’être muté dans le nord.

La future bombinette est emballée dans un sachet qui sera retrouvé sur les lieux… Ce sont les caméras de vidéosurveillance et la liste des achats chez Weldom qui ont permis de remonter jusqu’au terroriste amateur.

Les raisons de son geste ? Plus d’ordre privé qu’idéologique. « Si les témoins de Jéhovah sont une secte, ce n’est pas à moi de le prouver, mais ce sont des profiteurs qui manipulent des esprits faibles ou des gens en état de faiblesse. Ce qu’il se dit à Ajaccio, c’est qu’ils prennent l’argent des retraités et des handicapés », argumente le prévenu dans son box de verre, crâne rasé chemise noire et bouc sophistiqué. « Ma grand-mère a été abusée à l’époque et j’ai essayé de faire entendre raison à mon frère il n’y a pas longtemps », glisse l’homme dont les blessures sont encore à vif. En plaçant les bombes, le Jurassien règle ses comptes avec sa famille avec laquelle il a coupé les ponts. « Je ne voulais ni blesser, ni endommager le bâtiment dont j’ai fait le tour : je voulais juste alerter », assure fermement le prévenu qui avait fait des témoins de Jéhovah, une obsession.

« Qui êtes-vous pour alerter, monsieur, et lancer cet avertissement ? », tranche la président Le Lay, jetant l’anathème de la justice sur la croisade solitaire de l’homme. « J’ai eu une pulsion irraisonnée, un coup de sang, répète-t-il, c’est stupide, je regrette ce que j’ai fait, c’était un coup de colère ».Dans la salle, deux représentants de la communauté des 350 témoins de Jéhovah d’Ajaccio sont assis sur les bancs en encaissant l’intolérance avec dignité.

« Faire du bruit »

Leur avocat, Me Antoine Vinier-Orsetti vient porter la voix de cette communauté religieuse« qui n’est pas une secte ».

« J’ai entendu ses regrets, mais les témoins de Jéhovah souffrent de cette situation », poursuit-il, réclamant 300 euros pour la porte noircie. Soulevant aussi le préjudice moral sans pour autant charger la mule : « Ils ont été bouleversés par les faits ». Peu après, le préfet les avait reçus et assuré de son soutien.

Le ministère public a rappelé que « le mot attentat fait peur en Corse ». Du moins à certains plus qu’à d’autres.

Le procureur Valérie Tavernier a requis 4 ans d’emprisonnement en s’inquiétant de cette « pulsion irraisonnée ». Et en condamnant ce geste qui « n’est pas anodin ».

Me Sacha Thomas-Porri a réduit de moitié pour la défense le mur de l’accusation : « Si nous caricaturons l’affaire, c’est une tentative d’attentat, si on y regarde plus près c’est un acte qui ne voulait pas faire du mal : le dispositif n’a pas fait long feu, il a fonctionné ».Son but ? Dénoncer les dérives sectaires. Les moyens ? Son client les a pris au pied de la lettre.« Il voulait juste faire du bruit, il a reconnu un acte stupide et a assumé ses responsabilités, on ne peut répondre par de l’émotion à cela », a plaidé Me Thomas-Porri, soulevant le parcours difficile de son client, sous anxiolytique.

Le tribunal a tordu le cou à l’intolérance religieuse.

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