LE MONDE | 27.05.09

Quand il s’agit de parler argent et coût, Jean-François Valli n’est pas à l’aise. Les mains sur la barre, il bégaie, balbutie, cherche ses mots. A le voir se débattre mardi 26 mai devant le tribunal correctionnel de Paris qui le juge depuis la veille, lui et six autres adeptes de l’église de scientologie pour “escroquerie en bande organisée”, on se demande comment cet ancien “conseiller orienteur” a pu, pendant dix ans, aider les “paroissiens” à aller vers la purification.

“Sans moyen financier, peut-on progresser en scientologie ?”, insiste Me Olivier Morice pour la partie civile. “Beuh… Avec la scientologie vous acquérez une meilleure compréhension de vous-mêmes et vous êtes alors capable de progresser dans la vie et donc d’avoir des moyens pour passer le cap”, bredouille cet adepte entré en scientologie en 1989.

“Mais une personne au RMI par exemple comment fait-elle ?”, renchérit pour le ministère public Nicolas Baïetto. “Je croyais avoir répondu. La scientologie c’est un cours de connaissance sur sa vie”, élude le disciple pour lequel les écrits de Ron Hubbard tiennent lieu de viatique.

Progresser, se purifier grâce aux vertus de la dianétique ? Aude-Claire Malton en a fait l’expérience entre mai et septembre 1998. Avec “l’aide” de Jean-François Valli, justement. “Ils ont abusé de ma faiblesse pour avoir mon argent”, sanglote-t-elle.

PRÈS DE 30 000 EUROS EN QUATRE MOIS

Cette femme de 43 ans, les cheveux blonds taillés courts, a croisé les scientologues alors qu’elle traversait une période difficile. Elle a commencé par remplir un questionnaire. Le diagnostic fut sans appel : Mme Malton avait besoin d’une “réparation de vie” et d’une “purification”.

Sorte de traitement de choc qui consiste en des cours de communication, des lectures de textes de Ron Hubbard, des séances de sauna, des prises de vitamines, agrémentés chaque fois de versements par chèques pour les “fournitures” : des packages contenant des livres, des instruments – tel l’électromètre censé mesurer “l’état ou les changements spirituels” – des vitamines et des cours.

Au total Aude-Claire Malton signe pour près de 30 000 euros (200 000 francs de l’époque) de chèques en l’espace de quatre mois. “Chaque fois que j’y allais, ils m’incitaient à payer des cours en avance”, témoigne-t-elle.

M.Valli était aux petits soins avec elle. Quand elle n’a plus eu d’argent, une fois tous ses comptes essorés, il lui a dit que ce n’était pas un problème. Il lui a conseillé de souscrire un emprunt à la Sofinco. Il a pris rendez-vous pour elle, assure-t-elle, et l’a accompagnée. “Ils m’ont lessivée. Démolie. C’est de la manipulation mentale”, accuse-t-elle.

M.Valli n’y voit que de la “convivialité”. “J’ai envie de faire partager et je sentais qu’Aude-Claire voulait vraiment progresser”, explique-t-il. “Elle était contente. Elle avait vu des films, lu des livres sur la scientologie.” Elle lui semblait “carrée dans ses décisions” à tel point qu’il lui avait conseillé “des cursus”.

Il sait, lui, à quel point cette foi peut soulever des montagnes. Pour se hisser à “l’état de Clair”, première étape de la scientologie, il lui en a coûté environ 40 000 euros. Mais la scientologie “c’est se donner les moyens soi même”, se défend-il. L’audience se poursuit jusqu’au 17 juin.

Yves Bordenave