Suzie* a visité un ancien camp de travail nazi en Europe l’été dernier. Elle dit y avoir ressenti la même angoisse que lorsqu’elle fréquentait l’école de la Bonne Semence du pasteur Claude Guillot, à Victoriaville.
La blonde agente immobilière a quitté l’école baptiste depuis plus de 30 ans. L’émotion est encore vive et le sentiment d’oppression toujours tapi au fond de son coeur.
Suzie n’a jamais été frappée par l’ancien directeur de l’école, accusé de voies de fait armées et voies de fait ayant causé des lésions sur six anciens élèves.
Mais elle a vu des enfants revenir de la salle des corrections physiques, dans le sous-sol de l’église, avec les yeux rouges et les fesses douloureuses. Certains devaient utiliser un coussin pour être capables de se rasseoir. Et elle a vu les marques sur les fesses d’un garçon qu’elle gardait. Elle-même a été corrigée par des éducatrices.
«On nous répétait que “La folie est au cœur de l’enfant, seule la verge de correction pourra le ramener sur le bon chemin”», témoigne Suzie, pendant que l’accusé note ses paroles.
Chaque matin à l’école de la Bonne Semence commençait par les prières, les chants et un petit prêche par le pasteur Guillot.
Les enfants se mettaient ensuite à travailler en solitaire dans leurs cahiers. Au besoin, ils pouvaient demander l’aide d’un superviseur ou d’une monitrice avec un drapeau.
Les élèves avaient interdiction formelle, entre autres, de parler, de se lever ou même de tourner la tête à plus de 45 degrés.
En cas de désobéissance, les points d’inaptitude s’accumulaient rapidement dans le petit calepin du superviseur. Avec six points, il fallait passer une heure sur une chaise, immobile.
Suzie se rappelle avoir passé un après-midi complet à réfléchir dans une petite pièce fermée, sans fenêtre.
Claude Guillot était le maître absolu de l’école et imposait la discipline, dit-elle.
Suzie avait une mauvaise calligraphie. Guillot l’obligeait à effacer des pages et des pages de cahier et à tout réécrire. L’enfant devait apprendre de longs extraits de la Bible par coeur.
L’ancien élève se rappelle avoir vécu dans la crainte de la fin du monde, que Guillot annonçait pour 1988. J’avais peur de ça, j’avais peur d’aller en enfer, raconte Suzie. Ça m’a pris plusieurs années de thérapie pour comprendre que je n’irais pas en enfer.»
Hanté par la violence
André Pinard est toujours membre de l’Église baptiste. Il a été superviseur à l’école de la Bonne Semence pendant que Claude Guillot était directeur.
Si, au début de son témoignage, M. Pinard raconte calmement les bases de la discipline à l’école, il s’effondre lorsqu’il évoque les corrections physiques données par Claude Guillot, dont il a été témoin.
«Qu’est-ce qui vous rend si émotif?» demande la procureure de la Couronne, Me Sonia Lapointe. «La violence», répond péniblement l’ancien superviseur.
André Pinard admettra que lui aussi a administré des corrections physiques à des élèves. Il n’a pas été accusé.
* Prénom fictif
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