Sécurisation de la prise en charge des enfants, l’émergence d’autres personnes que les professionnels pouvant venir pour accompagner les mineurs, fin des “sorties sèches”… Le projet de loi s’attaque à plusieurs difficultés de l’aide sociale à l’enfance.

Quelques grandes avancées se dégagent du projet de loi adopté par le Sénat le mercredi 15 décembre. « Un texte à la hauteur des enjeux », estime, de son côté, le secrétariat d’Etat chargé de l’Enfance et des familles, Adrien Taquet, dans un communiqué consécutif à l’adoption par le Sénat du projet de loi relatif à la protection des enfants. Il y voit une concrétisation de la dynamique engagée par la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance. Il assure que le texte passera en commission mixte paritaire dès le mois de janvier, pour entrer en vigueur au plus vite.

Progrès incontestables sur les jeunes majeurs

Porté par d’anciens enfants placés, des figures médiatiques, des experts, le sujet des « sorties sèches » de l’ASE à 18 ans, avec des jeunes se retrouvant parfois à la rue, est pris à bras le corps. Le Sénat a confirmé l’obligation des départements à accompagner les jeunes de 18 à 21 ans qui ont été confiés à l’ASE durant leur minorité, non plus « à titre temporaire », comme le voulait le texte de l’Assemblée nationale, mais tant que le manque de ressources et les difficultés d’insertion sociale sont présentes.

La formulation ne satisfait toujours pas le collectif Cause majeur ! qui y voit la possibilité pour le département de proposer un accompagnement de courte durée. En revanche, le collectif rejoint les sénateurs dans leurs inquiétudes concernant la sécurisation des financements que l’Etat doit apporter en compensation à cette prise en c

Droit au retour

« Le droit au retour » à l’ASE pour ces jeunes, qui n’auraient pas souhaité un prolongement de leur accompagnement à leur majorité, a été institué en commission des affaires sociales du Sénat, dès le 20 octobre, par Bernard Bonne (LR). A été confirmée la disposition permettant aux assistants familiaux de partir à la retraite à 67 ans s’ils s’occupent d’un majeur, pour ne pas interrompre sa prise en charge.

Tout en se réjouissant de ces dispositions, le collectif Cause majeur ! ainsi que le juriste Christophe Daadouch regrettent qu’elles excluent les jeunes confiés à la PJJ. « Le fossé est amené à s’accroître entre les jeunes de l’ASE et de la PJJ, alors que ces deux institutions participent à la même mission éducative », déplore le juriste.

Sécurisation de la prise en charge

Le Sénat a corsé les dispositions visant à sécuriser l’accompagnement des enfants confiés. Il a précisé les contrôles des antécédents judiciaires des professionnels intervenant auprès des enfants, qui doivent s’appuyer aussi bien sur leur casier judiciaire que sur le fichier des auteurs d’agressions sexuelles. Il a prévu qu’une autorité tierce à l’établissement définisse une politique de lutte contre la maltraitance et puisse le visiter à tout moment.

« C’est une introduction de la définition de la maltraitance dans le domaine de la protection de l’enfance. Les contrôles sont renforcés », se félicite Fabienne Quiriau, directrice générale de la Cnape. Les dispositions concernant les assistants familiaux et le retrait ou la suspension de leur agrément ont également été réaffirmées.

Personnes de confiance

Fabienne Quiriau se réjouit également de l’émergence de personnes qui peuvent intervenir auprès de l’enfant confié, en complément des professionnels de l’ASE. Différentes options sont prévues :

  • confier l’enfant à un tiers digne de confiance – qui figurait dans le texte initial ;
  • possibilité pour un mineur ou un majeur de désigner une personne de confiance qui peut être présente lors des entretiens (celui des 17 ans, par exemple) ;
  • renforcement du rôle des parrains et des marraines.

Fabienne Quiriau y voit un enrichissement et l’ouverture vers la société civile de la protection de l’enfance.

Collégialité pour les cas complexes

Le Sénat a approfondi la possibilité pour le juge des enfants de renvoyer les affaires complexes à une formation collégiale composée de juges des enfants ou de juges ayant exercé cette fonction. Une intention louable, selon Christophe Daadouch, mais qui risque de se heurter à la réalité de la pénurie chronique des moyens de la justice.

Les sénateurs ont également permis aux juges de saisir le bâtonnier pour la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement, lorsque son intérêt l’exige, et la désignation d’un administrateur ad hoc, lorsque l’enfant n’est pas capable de discernement.

L’Etat dans la gouvernance locale

Le Sénat souhaite instituer, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, un comité départemental de la protection de l’enfance, réunissant l’ensemble des acteurs locaux, et coprésidé par le président du conseil départemental et le représentant de l’Etat dans le département. Importance majeure : les services départementaux chargés du handicap sont appelés à y siéger.

« Une instance supplémentaire s’ajoute dans un domaine où les acteurs se multiplient. Notre idée était de renforcer les observatoires départementaux de la protection de l’enfance pour la gouvernance locale. Je vois dans cette mesure une volonté de réintroduire l’Etat dans une politique décentralisée », commente Fabienne Quiriau.

Les mineurs non-accompagnés perdants

Le texte adopté interdit l’hébergement d’enfants de l’ASE à l’hôtel, en prévoyant un délai de deux ans afin de permettre aux départements de s’y conformer. Cependant, il autorise l’hébergement dans des structures « jeunesse et sport » en cas d’urgence et de mise à l’abri.

Sont ici visés expressément les MNA, regrette l’Unicef dans un communiqué. Par ailleurs, les sénateurs ont confirmé l’obligation pour un département de présenter aux services de l’Etat une personne étant isolée et mineure, mais pas reconnue comme telle, en rendant ainsi impossible les recours contestant les évaluations. « Ces mesures dissuaderont les jeunes de demander une protection tout en multipliant les risques d’erreur dans l’évaluation de leur minorité », déplore l’Unicef.

source :

https://www.lagazettedescommunes.com/780904/protection-de-lenfance-la-loi-adoptee-par-le-senat/

par  Antonio Gaudencio