Mgr Raffin écrit : « L’information donnée le 11 décembre 2012, selon laquelle la Conférence des Evêques de France lors de son assemblée de novembre aurait officiellement reconnu les retraites Agapè du Puy-en-Velay est inexacte. En réponse à une question posée, tous les évêques ont reçu de la part de l’évêque du Puy une documentation, comportant notamment le rapport d’audit diligenté par le frère Thierry-Dominique HUMBRECHT, mais cela n’a donné lieu à aucune discussion et aucune approbation. D’ailleurs, le temps manquait pour cela. » Il poursuit : « Maintenant les plus vives réserves à l’égard d’Agapè, j’ai saisi le Conseil permanent de janvier 2013, pour que cette inexactitude soit corrigée. »
La question porte sur une fausse information répandue par le journal La Croix, donc de façon publique. Il faut dire ici, que ce fait n’est pas anodin, et bien des chrétiens ont été scandalisés par l’annonce d’une telle reconnaissance, arrivant comme un défi. Défi lancé aux pouvoirs publics, puisque suivant de près l’audition de l’ancien et du nouveau président de la Miviludes devant le Sénat, où ils ont mis en cause les pratiques psycho-spirituelles des Béatitudes et l’Agapè, dans le cadre de l’enquête des dérives sectaires du domaine de la santé ; mais aussi défi aux victimes du psycho-spirituel dont le Livre noir a révélé la détresse.
Or, toujours dans le même communiqué, nous apprenons que, pour toute correction, le président de la C.E.F. a écrit à l’évêque du Puy pour « lui dire que les commentaires faits par Agapè de l’appréciation de l’assemblée plénière sont très exagérés ; lui demander que les documents diffusés par Agapè soient corrigés en ce sens ; lui rappeler que la reconnaissance de l’Association privée de fidèles ne concerne que le diocèse du Puy-en-Velay. » Le cardinal Vingt-Trois remplace donc les affirmations publiques de l’article de La Croix par des « documents diffusés par l’Agapè » et demande ainsi une mise au point privée.
Il fait ici allusion à une lettre envoyée par Philippe Coumau à tous les retraitants Agapè le 11 décembre 2012, le jour même où paraissait l’article de La Croix mis en cause. On pouvait y lire : « Le 15 novembre 2012, Monseigneur Brincard qui revient de Lourdes nous a annoncé plusieurs bonnes nouvelles : – Il a pris la parole devant l’assemblée des évêques de France lors de l’Assemblée de Lourdes pour leur parler de l’Agapè ; il a reçu alors un accueil très favorable par l’ensemble de ses pairs : l’Agapè est très bien accueillie et reconnue comme une structure d’évangélisation dans l’Eglise. – Mgr Brincard nous a annoncé qu’il acceptait d’agréer nos statuts canonique qui nous relient de façon officielle à l’Eglise diocésaine du Puy ; l’Agapè est donc reconnue comme ‟Association privée de fidèlesˮ depuis le 8 décembre, en la fête de l’Immaculée Conception. »
Par contre, ce même 11 décembre 2012, on lisait dans La Croix : « Mgr Brincard a présenté à l’Assemblée plénière des évêques en novembre à Lourdes les résultats de l’audit. ‟Aucune objectionˮ n’a été soulevée. »
Les deux versions d’un même évènement diffèrent notablement mais laissent entendre une approbation de l’Agapè par l’assemblée des évêques de France. Ce qui ne peut que surprendre lorsque l’on sait que, dans une interview avec Stéphane Longin sur les sessions Anne-Peggy Agapè, le 17 janvier 2012 (2), Mgr Brincard s’était expliqué sur le fonctionnement de la C.E.F. On se souvient qu’à cette date, le rapport du groupe de travail Spirituel et Psychologie venait d’être divulgué par Golias. Mgr Brincard précise : « C’est un dossier de travail. Il n’exprime pas les conclusions de l’assemblée. Ils sont à la disposition des évêques pour réfléchir et discerner. Ce n’est pas un rapport définitif. Il ne deviendrait définitif que si l’assemblée l’avalisait. Ce qu’elle n’a pas fait. Elle n’avait pas à le faire. Ce n’était pas présenté sous ce jour. C’est pour pouvoir travailler sérieusement et profondément que ce document, qui doit être ensuite enrichi d’autres documents, était réservé aux évêques. »
C’est donc exactement le cas de figure de la « documentation, comportant notamment le rapport d’audit diligenté par le frère Thierry-Dominique HUMBRECHT », qui a été remise aux évêques à l’assemblée de novembre 2012. Alors comment en conclure que « l’Agapè est très bien accueillie [par les évêques] et reconnue comme une structure d’évangélisation dans l’Eglise » puisque aucun vote n’a avalisé cette reconnaissance ?
On peut aussi se demander pourquoi, dans ces conditions, le président de la C.E.F n’a pas demandé à Mgr Brincard un démenti officiel, puisque La Croix avait donné une information publique ? D’ailleurs jusqu’à ce jour, les retraitants Agapè n’ont toujours pas reçu de correction aux fausses informations véhiculées par la lettre du 11 décembre 2012. Il semble que la Conférence des évêques de France soit utilisée à son gré par l’Agapè.
La réponse du président de la C.E.F. pose une autre question. Il a écrit : « la reconnaissance de l’Association privée de fidèles ne concerne que le diocèse du Puy-en-Velay. » Or par le post-Agapè, l’Association Anne-Peggy Agapè est présente dans quatorze diocèses dont deux à l’étranger. Comment sa reconnaissance ne concernerait-elle que l’évêque du Puy ? Des retraites Agapè ont d’ailleurs lieu aussi en dehors du diocèse, comme cela a été le cas au foyer de Charité de Lacépède près d’Agen, en novembre 2012.
Il est vrai que le P. Humbrecht avait écrit dans son rapport d’audit : « Si l’Eglise estime suffisante la maturité de l’œuvre de l’Agapè, l’évêque du Puy sera amené à reconnaître canoniquement l’Association. » Mais que veut dire « l’Eglise » ? Mgr Brincard ? La C.E.F.? Le Saint-Siège ? Sans se soucier de clarifier ce point fondamental, l’Agapè, mettant à profit cette confusion, a promulgué de son propre chef l’approbation désirée. Ce qui permet à Philippe Coumau de terminer sa lettre par ces mots : « Cette reconnaissance de l’Agapè par l’Eglise nous réconforte, donne du poids à la validité de notre action et nous encourage à aller toujours plus loin dans le service du Seigneur et de son Eglise. » Il s’agit d’une auto-reconnaissance. Ce qui est bien dans la ligne de l’auto-guérison, de l’auto-délivrance, qui se pratiquent à l’Agapè. Le subjectivisme a atteint son paroxysme. Et voilà comment des catholiques se font prendre dans les filets des dérives sectaires.

Source : GOLIAS
Parution : 5 mars 2013
Par Christian Terras