{ {{Si le procès intenté à la Scientologie et à sa maison d’édition a récemment fait durcir le ton au gouvernement sur cette “Église”, elle ne s’est pas toujours trouvée en disgrâce auprès des plus hautes sphères de l’État. Retour sur des liaisons dangereuses. (Article paru dans le numéro de Juin de Lyon Capitale. Retrouvez-y un dossier complet sur les dérives sectaires)}} }

En 2004, alors que Nicolas Sarkozy est ministre de l’Économie et des Finances, il reçoit Tom Cruise, leader glamour et chargé de communication super-puissant de la Scientologie. L’acteur américain se trouve alors en France pour vendre son film Collatéral et, comme c’est la coutume désormais pour lui, faire la promo de son “Église”. Très vite, alors même que les deux hommes ont des emplois du temps on ne peut plus chargés, un rendez-vous s’organise avec Nicolas Sarkozy, et sa compagne de l’époque Cécilia. Si la rencontre est privée, elle aura tout de même lieu dans les salons du ministère. Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir : le couple Sarkozy se fait donc photographier dans la bonne humeur avec l’acteur, d’autant que Cécilia n’apparaît pas farouche aux thèses véhiculées par ce mouvement né aux États-Unis. Malgré la polémique, les clichés et les vidéos sont proposés à plusieurs titres de presse. L’opération de communication est rondement menée, aux dépends de la défiance prudente que la France a toujours plus ou moins maintenu vis-à-vis de la Scientologie. Plus ou moins, parce qu’en 2002, alors qu’il est ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy répond sur la possibilité de sortir ce culte de la liste noire qui la classe comme secte, dans des termes plutôt vagues diffusés par Canal + : “Je ne connais pas assez, (…) je n’arrive pas à me faire une idée précise”, bredouille-t-il.

En réalité, les pressions exercées par la Scientologie trouvent un écho étonnant. Quand l’organisation demande la tête d’Arnaud Palisson, agent des renseignements généraux et auteur d’une thèse de droit pénal sur les dérives de ce mouvement sectaire, elle l’obtient. Le policier est limogé, jugé trop “partial” sur la question des sectes. Et, par ailleurs, Nicolas Sarkozy invoque une réorientation des RG vers d’autres délits, le terrorisme, le grand banditisme, etc. Danièle Gounord, porte-parole de l’“Église”, se félicite alors de la relation qu’elle est parvenue à instaurer avec l’État. “Vous auriez dit le mot scientologie dans n’importe quel ministère avant, la porte était fermée, alors que maintenant, il y a des contacts, il y a une écoute, on a l’impression d’exister comme des citoyens à part entière, ou presque”, se réjouit-elle auprès d’un journaliste de 90 minutes. Mais depuis quelques temps, le ton a changé : la ministre de l’Intérieur Michèle Allliot-Marie opte non plus pour une condamnation de principe des groupuscules sectaires mais pour l’observation scrupuleuse de leurs actes. Ce qui a justement permis, pour la première fois en France, de faire comparaître la Scientologie devant un tribunal correctionnel en tant que personne morale pour “extorsions de fonds et escroquerie en bande organisée”. Un virage sur lequel le président de la République, pourtant souvent enclin à donner son avis, s’est abstenu de tout commentaire. La Sciento ne semble donc plus pouvoir compter sur le soutien ou, en tout cas, l’indulgence du plus haut niveau de l’État.

Auteur : Dalya Daoud

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