La veille, le cofondateur de la compagnie d’acrobates les Arts Sauts avait participé à une cérémonie d’initiation à l’ayahuasca, une décoction à base d’une liane amazonienne à laquelle les indigènes prêtent des vertus curatives. Cette plante sacrée et hallucinogène permettrait, lors de séances de transe, de communiquer avec les esprits de la nature et de soigner les maux de l’âme et du corps.
Il voulait retrouver de l’énergie
Tétraplégique depuis un accident de trapèze en 2004, Fabrice Champion, bouddhiste depuis l’âge de 19 ans, devait rester un mois au centre de médecine traditionnelle Anaconda Cósmica; selon des proches, le but de ce voyage était de retrouver de l’énergie avant de débuter un spectacle en février.
Comme Fabrice Champion, nombre de Français se rendent au Pérou pour effectuer des séjours chamaniques et boire de l’ayahuasca. Un engouement qui s’est accentué en 2004 avec la sortie du film Blueberry, de Jan Kounen. On y voit Vincent Cassel en proie à une série d’hallucinations terrifiantes après avoir pris le breuvage. La même année, le réalisateur racontait dans le documentaire D’autres mondes les visions obsessionnelles – serpents enroulés, crocodiles, jaguars – qu’il a eues lors de séjours au centre Espiritu de Anaconda (ancien nom de Anaconda Cósmica) et comment la plante psychotrope et le passage par des états de conscience altérée lui ont permis de mieux se comprendre.
Dès lors, des tour-opérateurs ont surfé sur la vague chamanique. Ainsi, à Iquitos, des centaines de petites agences de voyage proposent, pour 150 euros en moyenne, des packages découverte de la forêt amazonienne : rencontre avec des indigènes et initiation à l’ayahuasca. Julia, publicitaire de 27 ans, en a fait les frais: « J’étais avec mon guide d’Iquitos, j’avais envie de me faire un trip, il m’a emmenée dans la forêt rencontrer un vieil homme qui m’a donné une boisson verte et qui nous a laissés. D’abord, je n’ai rien senti, puis, sur le chemin du retour, j’ai eu des suées, des visions plus fortes qu’avec un champignon hallucinogène. J’ai eu très froid et j’ai vomi pendant des heures. Je n’ai pas aimé cette expérience et j’ai vraiment des doutes sur le chamane que j’ai rencontré. »
Christophe Madrona, astrologue, accompagne depuis cinq ans des Français au centre Anaconda Cósmica. Lors de son dernier séjour, il a croisé Fabrice Champion et affirme que celui-ci, venu seul à Iquitos, n’était pas bien préparé au rituel de l’ayahuasca. « Avant de partir, j’essaie de faire prendre conscience aux gens que l’ayahuasca n’est pas une substance anodine, qu’il faut préparer son corps, commencer une diète alimentaire avant le départ, et arrêter tout traitement médical. Les chamanes, les curanderos, ne connaissent pas les interactions entre les médicaments occidentaux et l’ayahuasca. »
Des ateliers chamaniques clandestins en France
Depuis le décès, en août 2011, d’une Française de 43 ans au centre « écotouristique » Sachawawa, à Tarapoto, au nord-est du Pérou, l’ambassade de France à Lima met en garde les voyageurs, sur son site Web, contre la consommation de la plante. « L’usage de l’ayahuasca peut avoir des conséquences médicales graves, susceptibles d’entraîner la mort. La maîtrise du processus d’initiation au chamanisme n’est nullement contrôlée », prévient le porte-parole de l’ambassade qui déplore que certains touristes ne fassent le voyage que dans « le but de prendre une plante pour planer et avoir des visions. »
En France, l’ayahuasca est inscrite au registre des stupéfiants depuis 2007. « Ce qui n’empêche en rien des pseudo-thérapeutes d’organiser des ateliers chamaniques clandestins », pointe Guy Rouquet, président de Psychothérapie vigilance, association de lutte contre les dérives sectaires. « Il est facile de se procurer la plante, reconnaît un organisateur de week-ends chamaniques en Ardèche. Moi, je me fournis en Espagne ou au Portugal, où la plante est en vente libre. Pas besoin d’aller jusqu’au Pérou… »
Source : http://www.lejdd.fr/Societe/Religion/Actualite/Quand-le-chamanisme-emporte-ses-adeptes-441405/
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« Une expérience éprouvante »
Frédéric, un Parisien de 43 ans, raconte son week-end chamanique en banlieue.
« J’ai rencontré, il y a quelques années, un professeur d’art martial qui rentrait d’Amazonie où il avait été initié à l’ayahuasca par un chamane. Il m’a proposé de participer à une cérémonie une quinzaine de jours plus tard dans un dojo en banlieue parisienne. J’ai déboursé 70 euros pour la soirée, le gîte, le couvert et la séance ayahuasca. Nous étions une vingtaine de personnes, les deux tiers en avaient déjà pris.
« J’ai vomi le corps de ma mère »
À 21 heures, le “guide” nous a donné un gobelet avec une décoction amère. La première demi-heure, rien ne s’est passé, puis j’ai eu une série d’hallucinations visuelles et sonores pendant quatre à cinq heures. Aujourd’hui encore, je me souviens très précisément de ce que j’ai vu : un jaguar qui voulait me dévorer, mon exfemme en sorcière bleue, des silhouettes avec des fils luminescents, puis j’ai vomi le corps de ma mère. À l’issue de cette expérience éprouvante mais qui a éveillé ma conscience, j’ai eu l’impression d’avoir eu accès à quelque chose de privilégié. Était-ce Dieu, mon inconscient? Je m’interroge encore. »
Source : Le Journal du Dimanche
18/12/2011
http://www.lejdd.fr/Societe/Religion/Actualite/Un-pratiquant-du-chamanisme-en-France-raconte-son-experience-441409/
A.F. – Le Journal du Dimanche