Ce 15 novembre, le gouvernement présente un projet de loi pour mieux lutter contre les dérives sectaires. En 2021, 4 020 signalements ont été faits à la Miviludes (mission de lutte contre les sectes), 33 % de plus qu’en 2020 et 86 % de plus qu’en 2015. La bretonne Catherine Katz-Bezin, ancienne présidente de la cour d’assises de Paris, est la présidente de l’UNADFI. Elle se réjouit de la création d’un nouveau délit, la “sujétion psychologique”.

Personne n’est à l’abri des sectes, prévient Catherine Katz-Bezin, la présidente de l’Union nationale des Associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectesOn peut tous avoir un petit moment de faiblesse, un chagrin d’amour, un deuil, une maladie… et dans ces moments-là, on a tous envie de croire, envie d’un espoir.”

 

Pendant sa carrière de magistrate, Catherine Katz-Bezin a été nommée secrétaire générale de la Miviludes. Elle a étudié et analysé le fonctionnement des sectes et décrit : “le gourou va vous faire les promesses que vous attendez. On dit souvent, on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, c’est exactement ce qui se passe. On va vous dire ce que vous rêvez qu’on vous dise. Si vous croyez en l’homme, au social, on va venir vous dire, notre mouvement, c’est un petit groupe, on aide les autres. Ce sont évidemment des promesses mensongères, qu’ils ne vont jamais tenir, mais à partir du moment où la personne est attrapée, il est déjà trop tard.”

L’emprise

Les gens ont le droit de croire ce qu’ils veulent, précise Catherine Katz-Bezin, qui rappelle que selon la définition, l’emprise sectaire c’est la mise en état de sujétion qui amène par des tactiques un individu à accepter ou à commettre des faits qui lui sont préjudiciables. “

Il est alors important d’aider les victimes, les adeptes ou ex-adeptes qui souffrent et leurs familles. On les reçoit, on les écoute et on les aide autant que faire se peut. “

La Miviludes estime qu’il y a aujourd’hui en France quelque 500 groupes sectaires qui comptent 500 000 adeptes. Le projet de loi présenté ce 15 novembre prévoit de créer un nouveau délit pour “réprimer directement les actes visant à placer ou maintenir une personne en état de sujétion psychologique“. Les peines encourues seraient de trois ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende. Le texte veut aussi reconnaître une “circonstance aggravante” lorsque des délits (violences, escroqueries…) sont commis dans un contexte sectaire.

 

“Les mouvements sectaires mettent les individus sous dépendance. Mais les personnes ne s’en rendent pas compte, constate Catherine Katz-Bezin. C’est tout le problème“.

Un isolement total

On a des gens qui allaient bien, qui avaient des postes à responsabilités, qui étaient cadres, ingénieurs, qui avaient des familles aimantes et qui laissent tout tomber après un stage de 15 jours en forêt de Brocéliande ou en Ardèche.”

Quand le gourou est cru, l’adepte est cuit”, ironise Catherine Katz-Bezin pour dédramatiser. “Les sectes créent un isolement total,” décrypte l’ancienne magistrate. “Un isolement familial, professionnel, social. Les gens ne vivent plus en société, seul le groupe compte”. Catherine Katz-Bezin cite par exemple l’histoire de cette secte dans le sud de la France qu’un groupe de parlementaires avait visité. “C’était en 1998, les membres n’avaient jamais entendu parler de Zinedine Zidane. Les enfants nés dans la communauté ne savaient pas qu’un autre monde existait en dehors du leur.”

 

“Les mouvements sectaires mettent les individus sous dépendance. Mais puisqu’elles sont sous dépendance, les personnes ne s’en rendent même pas compte. Une secte de l’Ouest de la France prônait les relations sexuelles entre les membres au nom d’une circulation céleste. Même la barrière de l’inceste était tombée puisque des enfants avaient des relations sexuelles avec leurs parents, mais ils étaient consentants puisqu’ils étaient sous emprise. ”

Le secteur de la santé dans le viseur des sectes

Depuis la crise du Covid, un grand nombre de dérives sont signalées dans le secteur de la santé. Ce sont 25% des saisines de la Miviludes. En réponse, le texte veut donc créer un délit de “provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques” exposant à un “risque grave pour la santé“. La peine encourue serait de 15.000 euros et un an d’emprisonnement.

Dans le domaine de la santé, on assiste aujourd’hui à des choses incroyables, confirme Catherine Katz-Bezin. Quand vous préconisez pour les soins de toutes les maladies, y compris les plus graves, de consommer des aliments crus ou de boire des jus, ça peut être très grave. Certains réussissent à persuader leurs victimes que de la poudre de Perlimpimpin va guérir leur cancer. Si vous préconisez l’arrêt de tout traitement thérapeutique pour que ces aliments crus soient efficaces, vous les privez de la possibilité de vivre. C’est là-dessus que ces mouvements croissent et je trouve ça insupportable.”

Elle se souvient aussi de cet enfant qui est décédé. Il était malade, une toute petite opération aurait pu le sauver, mais ses parents étaient membres d’une secte qui refusait les actes chirurgicaux. Il en est mort.

Punir davantage

L’ancienne magistrate se réjouit de voir un texte qui reconnaisse ces délits et ces souffrances. “Les situations sont souvent dramatiques”, explique-t-elle.

Imaginez, une famille où tout se passait très bien, où il y avait de l’amour, une enfance heureuse et d’un seul coup, on vous rejette, vous représentez le Diable, le Mal. On ne veut plus vous voir, on vous rejette totalement. Ce sont des souffrances très fortes, la famille ne peut pas comprendre ce qui se passe. ”

Catherine Katz évoque une pratique qui a fait de nombreuses victimes aux Etats-Unis, notamment. “Les faux-souvenirs induits”.” Imaginez, vous êtes une femme de 35- 40 ans, vous avez vécu des échecs, vous n’êtes pas bien, une de vos collègues vous dit Va voir Untel, il est formidable. Après une, deux ou trois séances, Untel en arrive à la conclusion que si vous n’allez pas bien, c’est parce que vous avez été abusée sexuellement dans votre petite enfance entre 1 et trois ans. Vous ne pouvez pas vous en souvenir, parce que c’est un âge où justement on n’a pas de souvenirs… et vous voilà, en train d’accuser un père, un oncle, un ami de viols dont vous ne vous souvenez pas… et pour cause… !

Les psychodérapeutes, ainsi que Guy Rouquet les baptise et je trouve que cela est très vrai, précise Catherine Katz-Bezin, mettent des choses complètement fausses dans la tête de leurs victimes et les familles sont ravagées. “

Le parcours de ces combattants doit être facilité insiste la présidente de l’Unadfi et il est important aujourd’hui de former les enquêteurs, les magistrats, les assistantes sociales… Les sectes, c’est un phénomène particulier, si on ne le connaît pas, on ne le voit pas. Si on veut éviter le piège, il faut être informé de son existence. “

L’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADFI), à une antenne ADFI à Lorient et tient des permanences les 1ers et 3ème  mercredi du mois.