Des militants anti-psychiatrie ont manifesté devant de nombreux hôpitaux en août 2019, sans trop parler de leur appartenance à l’église de scientologie. Décryptage.

Une opération coup-de-poing en quatre jours. La Commission des citoyens pour les droits de l’homme (CCDH) a rameuté ses quelques militants afin de manifester devant une quinzaine d’établissements psychiatriques en France, dans le but de dénoncer les « traitements inhumains ».

Ils se sont rendus à Lille , Douai (Nord), Calais (Pas-de-Calais), Caen (Calvados), l’Aigle (Orne) ou encore Le Havre (Seine-Maritime). Mardi 27 août 2019, ses militants étaient devant le centre hospitalier du Rouvray, dans l’agglomération de Rouen. Mais derrière cette « association de lutte contre les violences en psychiatrie », se cache l’église de scientologie condamnée plusieurs fois pour escroquerie.

Manque de transparence des hôpitaux

Cette association qui prétend « lutter contre les violences en psychiatrie », reste constante dans ces dénonciations : le manque de transparence des établissements de santé quant aux mesures d’isolement et de contention prises à l’encontre des malades. À chaque fois, la CCDH demande le registre relatif à ces pratiques. Face au refus de certains établissements, la présidente de l’association Mylène Escudier les soupçonne de « cacher des choses ». Cette dernière a d’ailleurs saisi le tribunal administratif de Rouen le 7 août, afin d’obliger le centre du Rouvray à lui communiquer ce registre.

« La Haute autorité de santé est très stricte sur la durée d’isolement et de contention. On est très attachés à ce que la loi soit effective. Ce registre permet d’exercer un contrôle », précise Mylène Escudier.

Mais en réalité, pour ces militants, il ne s’agit que d’une première étape. « Pourvoir dénoncer ces abus auprès de la justice, c’est le début de la preuve de la maltraitance », concède la présidente. Car pour eux, c’est l’ensemble de la psychiatrie qui est à mettre au pilori.

« Ils nous présentent comme des bourreaux »

« Ils nous présentent comme des bourreaux, dénonce Jean-Yves Herment, syndicaliste CFDT de l’hôpital du Rouvray. Ce qui est malheureux, c’est qu’ils surfent sur la misère des gens. »

« On pourrait croire qu’on a les mêmes combats, car nous aussi, nous luttons contre les abus. Oui, de temps en temps, il peut y avoir de la maltraitance, comme aux Urgences ou dans les maisons de retraite. Pour nous, c’est le manque de structures et de personnels qui conduisent à ces abus », appuie Jean-Yves Herment.

« Quand on est trois soignants pour 30 malades, la prises en charge est plus difficile », insiste son camarade Sergei Houis. Mais ici, comme ailleurs, les privations de liberté ne se font pas à la légère, souligne Manos Kappatos du syndicat Sud :

Tous les patients hospitalisés sous contrainte passent devant un juge des libertés, assistés d’un avocat. Nous avons au Rouvray un mini-tribunal pour cela.

Et pour ces professionnels, il serait faux de croire que la psychiatrie ne s’exerce que sous la contrainte. « Près de 80 % de nos patients viennent d’eux-mêmes se faire soigner et repartent d’eux-mêmes. Ils viennent des hôpitaux de jour ou des centres médico-psychologiques et sont insérés dans la société », insiste Jean-Yves Herment.

À Évreux (Eure), au Nouvel hôpital de Navarre, le taux d’hospitalisations psychiatriques en soins libres grimpe à 95,3 %.

« Les troubles psychiatriques ne sont pas de véritables maladies »

Sur le site internet de cette association, il est indiqué que « les troubles psychiatriques ne sont pas de véritables maladies. […] Cela ne veut pas dire que des gens ne font pas de dépression ou de malaise émotionnel ou mental, mais la psychiatrie catalogue ses émotions et comportements comme des « troubles » dans le simple but de vendre des drogues ».

Même si Mylène Escudier sait très bien que « ce n’est pas en quelques minutes de manifestation qu’on va refaire la psychiatrie », c’est pour elle et ses acolytes, un début. L’origine de cette aversion envers la psychiatrie est à trouver dans les liens de cette association avec l’église de scientologie.

Lafayette Ron Hubbard le fondateur de cette église, « avait été témoin d’abus psychiatrique, dans les années 1970, lorsqu’un projet de loi américain voulait créer un centre en Alaska, qui aurait permis d’interner ceux qui dérangeaient », indique Mylène Escudier. Cette dernière s’est expliquée devant une commission du Sénat, en février 2013, sur les liens de son association avec la scientologie :

La CCDH a été créée par l’église de scientologie et le docteur Thomas Szasz, en 1969 aux États-Unis et en 1974 en France, dans le but de faire respecter les droits de l’homme en psychiatrie et dénoncer leurs violations.

D’ailleurs sur son site internet, l’église de scientologie dit explicitement soutenir cette obscure commission des citoyens.

Un mouvement surveillé de près

Contactée, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) indique que cette organisation « fait l’objet d’une vigilance constante de la part » de ses services. Selon elle, il s’agit d’une « organisation composite » avec de « nombreuses entités » constituant la « Church of scientology-international ». 

L’un des usages de ce mouvement étant de convertir autrui à l’occasion d’un test de personnalité gratuit, de la diffusion de tracts ou de brochures, de conférences « d’introduction » gratuites, d’invitation aux offices du dimanche matin ou de toutes autres manifestations « culturelles » ou à visée humanitaire, constate la Miviludes.

Mais pour l’organisme de lutte contre les dérives sectaires, « ce prosélytisme très actif est parfois pernicieux dans la mesure où les liens avec l’église de scientologie n’apparaissent pas toujours ». Le nom même d’association jette le trouble. Son acronyme lui « permet d’introduire une confusion auprès de certains de ses interlocuteurs qui peuvent la confondre avec des organismes comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), ou la Ligue des droits de l’homme (LDDH), avec lesquels elle n’a bien entendu aucun lien », pointe la Miviludes.

« En France, les procédures judiciaires concernant l’église de scientologie ou de certains de ses dirigeants sont nombreuses depuis la condamnation, en 1978, en son absence, de son fondateur Lafayette Ron Hubbard, à quatre ans de prison pour escroquerie », rappelle la mission intergouvernementale.

source :

Actu.fr

le 30 Août 19

https://actu.fr/normandie/saint-etienne-du-rouvray_76575/quand-leglise-scientologie-denonce-traitements-inhumains-subis-psychiatrie_26795363.html