Les écoles musulmanes sont de plus en plus nombreuses à ouvrir leurs portes dans l’Hexagone. Effectifs de classe réduits, accompagnement poussé des élèves et éveil religieux forment le socle des ces nouveaux établissements. Fait nouveau : certains d’entre eux vont plus loin en s’inspirant de la pédagogie Montessori pour offrir un enseignement alternatif favorisant l’autonomie des enfants.
Quand les écoles musulmanes s’emparent de la méthode Montessori
On dénombre 22 000 écoles Montessori dans le monde. Du nom de Maria Montessori, première femme médecin de l’Italie, cette méthode d’enseignement propose une pédagogie alternative qui considère que chaque enfant doit avancer à son rythme. Maria Montessori, qui fera ses premières recherches auprès d’enfants malades mentaux, ouvre sa première « Casa dei Bambini » (Maison des enfants) en 1907, où elle prend en charge des enfants défavorisés de Rome.
Plus d’un siècle après, sa pédagogie, qui a fait ses preuves, fait des émules. A côté des méthodes d’enseignement traditionnelles, elle apparaît comme un moyen idéal pour développer le potentiel des élèves. En France, où l’école publique est souvent critiquée – notamment pour son incapacité à faire progresser les élèves issus des classes populaires –, cette pédagogie suscite l’engouement. Mais dispensée dans des établissements (près de 80 en France) privés aux frais de scolarité parfois exorbitants, difficile pour tous d’y accéder.
Convaincues par la pédagogie Montessori, quelques écoles musulmanes ont choisi de l’utiliser tout en proposant des frais de scolarité abordables. Focus.
« Le système classique ne sort que des enfants moyens »
Lundi 1er septembre : c’est jour de rentrée pour les 75 élèves des Ateliers Montessori. Basée à La Chapelle-Saint-Mesmin, près d’Orléans, cette école musulmane entame sa première année scolaire. Comme son nom l’indique, l’enseignement repose sur la méthode établie par Maria Montessori, il y a plus de 100 ans. Avec une telle pédagogie, « l’enfant est acteur de son apprentissage », met en avant Shourane Mejjoui, le directeur de l’école.
L’homme qui, avec son épouse, a offert à ses enfants une pédagogie Montessori dans le cadre d’une instruction à domicile estime qu’une telle méthode permet aux élèves les plus doués d’atteindre l’excellence alors que le « système classique ne sort que des enfants moyens ». Après avoir dispensé des cours « en périscolaire », les responsables de cette structure ont décidé d’ouvrir une école à référence musulmane et de se positionner ainsi comme « la première du genre en région Centre ».
Afin d’équiper le bâtiment scolaire pris en location, l’équipe a lancé deux campagnes de dons participatives sur des plateformes de crowdfunding musulman ; l’une sur Easi Up et la seconde sur Aoon. Au total, 18 000 € étaient recherchés. Si la campagne menée sur Easi Up a permis de dépasser l’objectif (plus de 11 000 € sur 10 000), celle mise en ligne sur Aoon et qui sera clôturée le 15 septembre n’a pas encore atteint son objectif (1 000 € sur les 6 000 réclamés).
Mais grâce aux prêts de « commerçants de la Chapelle », l’école qui occupe 555 m² sur 1 500 m² de terrain a pu être aménagée. La direction de l’école fait toutefois toujours appel aux dons pour rembourser ces prêts et assurer son fonctionnement. Elle a lancé en ce sens une campagne de parrainage. Elle souhaite que 300 personnes versent 10 € par mois. Pour l’heure, 100 personnes s’y sont engagées.
Grâce à ce mode de financement, les parents d’élèves payent autour de 200 € par mois. Une somme raisonnable, bien loin des 600 € – et bien plus – mensuels pour une scolarité dans une école Montessori en Île-de-France.
Un système sans notations
Outre le recours à un mode d’enseignement alternatif, un éveil spirituel facultatif est proposé aux élèves, qui ont également la chance d’être mis face à de l’expérimentation, notamment avec des ateliers de botanique et d’être initiés aux langues (anglais et arabe) dès le plus jeune âge.
« Le côté sensoriel et pratique », « chose très importante », prend également une grande place dans la pédagogie Montessori, salue M. Mejjoui. La manipulation de matériel,notamment en mathématique, laisse la place au « concret avant l’abstrait », explique Alice Sertain, directrice de l’école de l’Arc-en-Ciel, à Roubaix (Nord). L’établissement musulman a ouvert ses portes en 2012, après avoir proposé des ateliers de pédagogie Montessori dès 2009. Les enfants ont « la liberté de pouvoir avancer à leur rythme », évoque également Mme Sertain, elle-même formée à cette pédagogie. Les élèves vont « par eux-mêmes » faire des recherches, assure-t-elle.
Pour la rentrée 2014, le mardi 2 septembre, 38 élèves sont attendus. La moitié sera répartie dans la classe des 3-6 ans et l’autre moitié dans celle des 6-9 ans. Par cette organisation, l’établissement suit l’une des règles de la pédagogie Montessori, qui a pour particularité de mélanger différents niveaux.
L’autre grande règle de cette méthode est également appliquée, à savoir la non-notation des élèves. Fini les A, B, C ou les notes sur 20 ou sur 10. « Des rapports aux parents » sur les « acquis » de leurs enfants sont établis à la place.
Des financements fragiles
Aux Ateliers Montessori, Shourane Mejjoui fait savoir que les élèves de maternelle sont mélangés mais pas ceux de primaire. L’école compte ainsi des classes du CP au CM1. « On garde le système classique », dit le directeur, qui explique y aller « par étape » pour ne pas trop chambouler les parents d’élèves habitués à l’enseignement classique.
La méthode Montessori, par la liberté qu’elle donne, peut en dérouter certains. C’est une « méthode particulière », fait remarquer Mme Sertain, indiquant qu’il est arrivé que « des parents ne restent pas ». Si son école met en avant sa pédagogie, beaucoup viennent en priorité pour sa dimension islamique, constate-t-elle.
Avant tout, les parents doivent donc adhérer à une pédagogie qui gagne à être plus connue au sein de la communauté musulmane, car elle offre la possibilité aux enfants de progresser par la voie de l’autonomie. Il y a une « liberté d’action dans un cadre très défini », rassure la directrice de l’école de l’Arc-en-Ciel.
Avec des frais de scolarité, là aussi fixés à 200 € par mois, l’offre pédagogique se veut abordable. Pour faire face au doublement de ses effectifs d’élèves, l’école, qui ne salariait jusqu’à présent qu’une éducatrice Montessori, a décidé d’embaucher deux nouveaux salariés pour cette rentrée 2014, indique Mme Sertain. Elle-même demeure bénévole dans cette structure.
« Nous sommes en survie », commente-t-elle. Comme les établissements musulmans classiques, le financement reste une difficulté majeure pour ces écoles privées qui doivent, en plus, faire face au coût des équipements matériels spécifiques nécessaires dans l’apprentissage Montessori.
Si cette pédagogie reste limitée dans le monde éducatif musulman, des projets valorisant la méthode Montessori sont en cours ailleurs en France, constatons-nous. A ce jour, une poignée d’écoles musulmanes existe en France contre près de 9 000 établissements catholiques et 300 établissements juifs.
source ! Saphir.news
Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Lundi 1 Septembre 2014