LE FIGARO 03/08/2010 |
Pauline Fréour
[http://www.lefigaro.fr/sante/2010/08/03/01004-20100803ARTFIG00541-quand-les-psychotherapeutes-se-prennent-la-tete.php->http://www.lefigaro.fr/sante/2010/08/03/01004-20100803ARTFIG00541-quand-les-psychotherapeutes-se-prennent-la-tete.php]
Depuis début juillet, les personnes souhaitant exercer sous le titre de psychothérapeute doivent répondre à des critères stricts. Une réglementation attendue depuis longtemps mais qui laisse une partie des professionnels indignés.
Près de 4 millions de Français suivent, ou ont suivi, une psychothérapie. Or, jusqu’au 1er juillet dernier, aucun diplôme ni expérience n’étaient exigés pour se revendiquer «psychothérapeute». Ce flou juridique laissait notamment le champ libre aux charlatans et aux sectes. Inquiets, professionnels et autorités ont lancé il y a plus de dix ans des travaux pour réglementer l’usage du titre. Après des années de négociations, on aurait pu croire le problème réglé avec la publication, le 20 mai dernier, d’un décret listant les compétences requises par les professionnels désireux de se présenter comme tel. Mais la fronde lancée depuis par une partie des professionnels concernés, insatisfaits de la nouvelle réglementation, risque de rendre la situation encore moins lisible pour le grand public.
Au cœur du problème, les nouvelles exigences de formation, qui vont contraindre certains psychothérapeutes, psychanalystes, psychologues ou médecins non-psychiatres à revenir sur les bancs de l’école s’ils souhaitent exercer en tant que psychothérapeute. Le décret d’application de la loi HPST prévoit en effet que seuls les psychiatres – des médecins spécialistes – puissent revendiquer cette appellation d’emblée, toutes les autres professions devant se soumettre dans un délai d’un an à une formation théorique complémentaire plus ou moins longue (de 100 à 400 heures), assortie d’un stage de plusieurs mois dans des établissements accrédités par les Agences régionales de santé. Une dérogation est toutefois possible pour ceux qui exercent depuis au moins cinq ans, sur décision de commissions régionales.
«On ne tient pas compte de la réalité du terrain»
En première ligne des insatisfaits, les organisations professionnelles de psychothérapeutes, qui déplorent que l’on renvoie en formation des gens ayant en moyenne «bac +7». «Les psychothérapeutes inscrits dans nos annuaires professionnels ont suivi en moyenne quatre ans d’études dédiées uniquement à la psychothérapie (dans des instituts privés NDRL). Ils sont reconnus par une commission nationale de pairs, sont suivis par d’autres professionnels plus expérimentés, et ont eux-mêmes suivi une thérapie», rappelle Serge Ginger, secrétaire général de la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P), qui représente 5.000 psychothérapeutes certifiés sur les 7.000 estimés en France.
Pour lui, la formation exigée par la loi «ne tient pas compte de la réalité du terrain». «Elle fait la part belle aux diplômes universitaires, mais ceux-ci ne permettent pas de sélectionner une personne équilibrée, alors que c’est un critère essentiel pour accéder à la formation en psychothérapie. En outre, elle se concentre trop sur le diagnostic, et pas assez sur les méthodes pour soigner. C’est comme si on accordait le permis de conduire juste après le code, sans leçons de conduite».
{{Le ministère relativise}}
Les psychologues cliniciens s’indignent pour leur part de l’obligation qui leur est faite de suivre une formation redondante avec leur master. Une intersyndicale, soulignant sa «mobilisation sans précédent», a été reçue fin juillet par le cabinet de Roselyne Bachelot. «Nos interlocuteurs se sont engagés à y chercher des solutions. Les discussion sont ouvertes», précisent les organisations dans un communiqué.
D’une façon générale, le cabinet de Roselyne Bachelot tente de minimiser la grogne. «C’est une opinion vraiment minoritaire. La formation minimale exigée par la loi a été définie en concertation avec les professionnels. Elle est consensuelle».
Les psychiatres, qui n’ont, eux, aucune obligation nouvelle, sont les seuls à juger la loi «légitime». «Un psychiatre est par essence psychothérapeute», affirme François Kammerer, vice-président du Syndicat français des psychiatres. Il juge en revanche nécessaire que les autres professionnels aient l’obligation de suivre des stages dans des établissements certifiés. «Le stage prévu n’est pas très long, la formation théorique non plus, mais ça servira au moins à acquérir une certaine culture générale commune, estime-t-il. Il ne serait pas normal que l’on puisse être psychothérapeute sans avoir vu des cas graves, des névroses, même si on n’y est pas confronté tous les jours».
En attendant, la fronde autour de ce décret risque d’avoir des effets contre-productifs pour le grand public en termes de lisibilité. La FF2P s’apprête par exemple à faire inscrire ses membres dans les pages jaunes sous une autre désignation, vraisemblablement «psypraticien certifié». PsY en mouvement, une autre organisation professionnelle de psychothérapeutes, (4.000 membres), a de son côté consulté ses troupes de manière informelle. Bilan : une majorité se dit prête à une «désobéissance civile collective» en gardant sa plaque, même si 60% comptent s’enregistrer sur les listes pour revendiquer le titre officiellement.