Mardi, à Strasbourg, sept personnes ont été interpellées. Elles font partie, selon des sources concordantes, d’un groupe d’une dizaine de personnes du quartier de la Meinau parties en Syrie en décembre.

A la suite du coup de filet anti-djihadistes de mardi matin à Strasbourg, sept individus ont été placés en garde à vue. Les suspects, âgés de 23 à 25 ans se seraient rendus en Syrie, prétextant “des vacances”, mi-décembre 2013. Ils sont “susceptibles d’avoir rejoint un camp d’entraînement”. Ils se sont “beaucoup manifestés” sur Internet via des réseaux sociaux où ils auraient pris attache avec une filière d’embrigadement, selon une source proche du dossier.

L’enquête devra “éclaircir tous ces points”, a ajouté cette même source auprès de l’AFP, incitant à la prudence. Et “déterminer leur parcours, notamment s’ils ont, ou non, combattu dans les rangs djihadistes”. Lors des perquisitions menées à leurs domiciles mardi, aucune arme n’a été découverte.

“On me demande souvent ce qu’il advient”, au retour, de ces jeunes partis en Syrie pour y mener le djihad, a déclaré le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve mardi matin lors d’un court point presse. La réponse est claire: “Ils sont en lien avec une entreprise terroriste, ils sont arrêtés et remis à la justice”, a-t-il résumé.

“Dérogation au droit commun”
Les sept gardés à vue devraient selon toute vraisemblance être mis en examen pour “association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste en vue”. Une infraction punie de dix ans de prison et de 225 000 euros d’amende (art. 421-5 du code pénal). La loi de décembre 2012, post-affaire Merah, permet en effet de poursuivre les Français partant s’entraîner dans un camp, de peur qu’ils ne commettent des attaques en France.

Joint par L’Express, Me Jean-Yves Liénard, défenseur d’apprentis djihadistes dans d’autres dossiers, dénonce une “dérogation au droit commun”: “On les arrête pour une infraction à commettre!” Sans compter que celle-ci est commise à l’étranger. “Si un jeune veut partir faire le djihad, cela ne nous regarde pas, à moins de nous considérer comme les gendarmes du monde”, plaidait le conseil en septembre 2013 devant la XVIe chambre du tribunal correctionnel de Paris. “Ces individus ne troublent en rien l’ordre public” sur le sol français, tonne-t-il encore ce mardi.

{{Des “victimes” de dérives sectaires?}}
Les services de renseignement voient ces retours d’un autre oeil et craignent que certains apprentis djihadistes ne commettent des actes terroristes en France. Des retours que Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, qualifiait début janvier de “plus grand danger” auquel serait confrontée la France dans les années à venir.

Peu de risque, rétorque Me Liénard, selon qui ces hommes souhaitent avant tout “faire la guerre sainte au près de leurs frères”. “Ils peuvent trouver dans la religion un point fédérateur, voire un certain ‘romantisme’ dans le port de l’uniforme”, poursuit-il.

Pour Mathieu Guidère, professeur d’islamologie à l’université de Toulouse, cité par Direct Matin, si ces individus reviennent, c’est souvent parce qu’ils ont échoué dans leur projet ou n’ont pas été acceptés sur place. Pour ne pas en faire des terroristes, “mieux vaut [donc] les considérer comme des victimes de dérives sectaires”, prône le spécialiste.

“Mourad le Français” en ligne de mire
Ces jeunes sont-ils les proies d’un rabatteur? Selon les premiers éléments de l’enquête strasbourgeoise, l’information judiciaire en cours vise notamment un certain Mourad Fares, 29 ans, originaire de Haute-Savoie.

Il est considéré par les services français comme un important “facilitateur”, qui recrute des Français via les réseaux sociaux. L’homme , qui se trouve toujours en Syrie, est apparu dans plusieurs autres dossiers, outre celui du groupe strasbourgeois, comme celui des deux mineurs toulousains rentrés après un court périple dans la zone frontalière syro-turque.

Considéré comme un propagandiste et un spécialiste de la logistique et du recrutement, il gèrerait aussi le “transit” des djihadistes français d’un côté à l’autre de la frontière. Egalement connu comme “Mourad al-Faransi” (Mourad le Français), il aurait été repéré sur la scène syrienne en juillet. Neuf mois avant le plan anti-filières djihadistes dévoilé courant avril par Bernard Cazeneuve.

source : L’EXPRESS Par Julie Saulnier
REUTERS par Vincent Kessler