CLICANOO.COM | Publié le 29 avril 2009

{{Quitter la Réunion ou vivre caché dans l’île… Le Petit Lys d’amour n’a pas beaucoup d’alternatives dans sa cavale. Le point sur sa marge de manœuvre.}}

{{ Mettre les voiles}}

Avec deux aéroports ultra-contrôlés, c’est la voie maritime qui s’offre à Juliano Verbard comme option pour prendre le large. Les plus de 200 km de côtes réunionnaises ne peuvent être surveillés en permanence. Et pourtant, la surveillance est de mise. Les officiers de port ont été alertés dès lundi par les autorités. Ces derniers ont ensuite informé les différents acteurs maritimes. Ainsi, à Saint-Pierre, on « a notamment mis en garde les loueurs au nombre de quatre », annonce le maître de port Jean-François Potin. Il ajoute : « Les gardiens connaissent quant à eux les signalements », même si la moindre photo n’était tombée hier en milieu d’après-midi dans cette capitainerie. Au Port Est, le commandant Briche note : « Les agents maritimes, notamment ceux des navires à passagers comme le Mauritius-Trochetia, ont été prévenus ». Mais, il note : « Les contrôles ici sont déjà sérieux avec la présence des douaniers, des contrôles d’identité, l’accès au port et aux navires est bien sécurisé ». C’est davantage dans les ports de plaisance et les petits mouillages comme à Sainte-Rose, même si à l’est les conditions de mer sont plus dures, que les fugitifs pourraient prendre le large. Encore que ces jours derniers, et particulièrement lundi, des creux de neuf mètres ont été observés aux abords de l’île, ne permettant d’envisager une fuite par voie de mer. Outre la sensibilisation des gens de mer, les forces de l’ordre assurent des rondes tout autour des différents points de mouillage de l’île. Les moyens nautiques sont peu nombreux à La Réunion. Le patrouilleur Verdon de la gendarmerie maritime poursuit ses missions classiques tout en ouvrant l’œil. Mais le contrôle de chaque navire reste un vœu pieux. La houle, qui a sévi ces derniers jours et qui s’est calmée hier, ne joue en revanche plus en faveur de la nasse policière.

{{200 km jusqu’à Maurice}}

Si toutefois les fugitifs arrivaient à prendre la mer, avec une météo favorable, il leur faudrait une certaine autonomie pour franchir ne serait-ce que les 200 km entre La Réunion et Maurice. Les petites barques de pêche ou les Zodiac risquent de ne pas suffire où alors ils serviraient uniquement à rejoindre un navire plus important au large. Quelques voiliers amarrés au Port, à Saint-Gilles ou à Saint-Pierre sont aptes à réaliser cette traversée. Un hors-bord comme celui utilisé par trois fugitifs mauriciens en mai 2008 également. Il faudrait donc aux fuyards trouver le skipper avec le navire suffisant voire prendre d’assaut un bateau. Bien que le scénario semble digne d’Hollywood, la fuite en hélicoptère atteste de la détermination des fugitifs. Une fois à Maurice, deux options sont possibles. Soit, Juliano Verbard et ses acolytes se planquent, soit ils tentent de regagner une destination plus éloignée de La Réunion. Surtout pour ce dernier, il leur faudrait bénéficier d’un appui logistique sur place pour se procurer faux papiers, un nouveau bateau… Les forces de l’ordre n’écartent « aucune possibilité ».

{{La piste australienne}}

Un lien a été clairement établi entre Juliano Verbard et l’ordre de Saint-Charbel, communauté d’inspiration chrétienne apocalyptique, dont le sulfureux gourou, William Kamm alias « Little Pebble » ou « Petit caillou », a été condamné en Australie pour agressions sexuelles sur mineur. Des gendarmes ont découvert un échange épistolaire dans lequel William Kamm s’adresse à Juliano Verbard en l’appelant « son petit prophète », son « petit Abraham du Nouvel Âge » ou encore « petit soldat de l’espérance et de la vérité de la Réunion », « petit pinceau d’amour » ou « mon disciple bien-aimé ». La secte réunionnaise aurait également bénéficié d’une aide financière de leurs cousins australiens. Les enquêteurs ont également retrouvé des traces de plusieurs voyages de quelques membres du groupe de prière en Australie. Il faut dire que les points communs, toutes proportions gardées, entre les deux communautés, existent. William Kamm, alias « Little pebble », se vante, tout comme Juliano Verbard, alias Petit Lys d’amour, d’assister à des apparitions de la Vierge Marie le 13 de chaque mois (pour Verbard, c’est le 8). Comme Kamm, Verbard prédit de sombres lendemains à ceux qui ne passent pas par sa rédemption. Mais surtout, comme le « Petit caillou », le Petit Lys a été condamné dans des affaires de viol et d’agression sexuelle sur mineurs. Lors de sa dernière cavale, Juliano Verbard serait parvenu à se faire faire un faux passeport australien. Cette piste peut dons être prise très au sérieux. Reste à savoir comment gagner le pays…

{{Un séjour en métropole}}

Un autre lien a été établi entre « C ?ur douloureux et immaculé de Marie » et « Amour et Miséricorde », une secte installée dans le village de Chaussin, dans le Jura. Juliano Verbard y aurait fait un stage initiatique en 2003. Selon la Miviludes (mission interministérielle chargée de la lutte contre les sectes) qui a enquêté sur cette communauté, le mouvement serait dirigé par une « gourelle », Eliane Deschamps, une mère de cinq enfants, qui prétend « recevoir des apparitions de la Vierge tous les 15 du mois à 0h06, exactement comme le gourou réunionnais. Regroupant plusieurs dizaines d’adeptes, cette communauté a déjà fait l’objet de plaintes de proches et d’anciens adhérents en 2002 et 2003, et une instruction judiciaire avait été ouverte par le Parquet de Dijon. Il semble néanmoins peut probable que Juliano prenne le risque de gagner la métropole pour rejoindre le mouvement.

{{Caché à la Réunion}}

C’est la piste la plus probable et la plus sérieusement envisagée par les enquêteurs. Entre le 6 août 2004 et le 7 août 2007, Juliano Verbard a échappé à tous les contrôles de police et de gendarmerie au cours d’une cavale qui l’a emmené aux quatre coins de l’île. Il faut dire que le gourou n’était pas recherché aussi activement qu’aujourd’hui. Mais en avril 2007, une nouvelle affaire donne un coup d’accélérateur aux recherches. Le gourou est soupçonné d’avoir commis un viol en réunion avec son amant sur un mineur, membre de sa secte. Brigitte Lagière, la juge qui suit le dossier, demande aux gendarmes de mettre le paquet pour le retrouver. C’est alors que plusieurs planques sont découvertes. Dans des maisons, les enquêteurs découvrent des caches creusées avec tout le nécessaire pour survivre plusieurs jours. Des adeptes sont entendus et relatent avoir hébergé Verbard et l’avoir transporté dans le coffre de leur voiture. Aujourd’hui, l’évasion spectaculaire a démontré que ce réseau était toujours vivace et qu’il va profiter au gourou. Si l’enlèvement du jeune Alexandre semblait mal préparé (ndlr, le commando et l’enfant avaient été contraints de rester un jour et demi-cachés dans la forêt), il n’en est visiblement pas de même aujourd’hui. Une maison ou un appartement ont sans doute été loués dans un lieu discret en attendant que les forces de l’ordre s’épuisent. Ensuite, nul doute que l’homme le plus recherché de la Réunion tentera de fuir la Réunion

Bruno Graignic & Frédérique Seigle