Combien d’enfants le système d’éducation « échappe »-t-il ? Le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, n’en a aucune idée et entend bien le savoir. Un nouveau comité interministériel réunissant à une même table les ministères de l’Éducation, de la Justice et de la Santé et des Services sociaux (Protection de la jeunesse) aura pour mandat de trouver les enfants qui ne sont pas scolarisés par des établissements reconnus, soit parce qu’ils fréquentent des écoles sans permis, soit parce qu’ils sont scolarisés à la maison sans autorisation. « C’était une préoccupation de se demander combien d’enfants on “ échappe ”. Le ministre est préoccupé par le fait de donner accès à l’éducation à laquelle l’enfant a droit », a expliqué au Devoir Marie-Ève Bédard, directrice de cabinet de M. Bolduc.
Le comité veillera à dresser un portrait de la situation et à développer une stratégie pour agir auprès des communautés et des individus qui ne scolarisent pas leur enfant dans un cadre légal. « Une école sans permis ne devrait pas être ouverte. La problématique, c’est de les trouver », a souligné le ministre Bolduc en entrevue sur les ondes de 98,5 FM.

{{Cadre légal}}

Il n’exclut pas de modifier les lois, notamment celle sur l’instruction publique, qui ne prévoient, à l’heure actuelle, aucune pénalité ni sanction. « Dans les lois, il y a des mécanismes qui font qu’on n’est pas capable d’agir comme on voudrait, de façon raisonnable. Il y a probablement des modifications à apporter », a déclaré le ministre.
Déjà, il a présidé une première rencontre avec la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, et la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois.
Déjà, plusieurs choses peuvent être faites pour s’assurer de la fréquentation scolaire des enfants, a dit Mme Bédard. Par exemple, le ministère de l’Éducation amasse des données qui pourraient être « croisées » avec celles de la Régie de l’assurance-maladie du Québec. « Ça nous permettrait de savoir qui sont les enfants qui ne sont pas dans le système scolaire. Ça peut être des enfants dans des écoles illégales, mais ça peut aussi être des enfants des familles très hippies […] qui ne sont pas scolarisés avec l’autorisation du ministère », a ajouté Marie-Ève Bédard.

{{Des écoles récalcitrantes}}
Le ministre Bolduc veut également faire rentrer dans le rang les écoles privées qui détiennent des permis du ministère mais qui ne respectent pas en tout point la loi. Ce ne sont pas que des écoles juives, insiste-t-on.
Si l’école reçoit une subvention du ministère, celle-ci pourrait être amputée si l’école ne corrige pas ses lacunes. Si l’école n’est pas subventionnée, le permis peut être renouvelé sous condition, explique Mme Bédard. « Le ministre a une approche de collaboration avec ces établissements-là parce qu’ils donnent quand même des services aux élèves. »
Chaque année, la Commission consultative de l’enseignement privé (CCEP) a le mandat de vérifier si les écoles privées respectent la loi. Selon son plus récent rapport déposé mardi à l’Assemblée nationale, de multiples manquements à la loi sont toujours observés dans bon nombre d’écoles privées au Québec. Non-respect du programme et du temps prescrit pour l’enseignement des matières, enseignants non qualifiés, locaux non conformes… Les infractions sont nombreuses.
Elles ne sont pas les seules, mais il s’agit surtout d’écoles soutenues par des communautés religieuses (chrétiennes, juives, musulmanes). Si la CCEP ne recommande pas d’acquiescer à la demande de subvention (« agrément ») de certaines écoles, elle recommande parfois de carrément ne pas renouveler leur permis. C’est le cas, par exemple, des écoles juives Beth Jacob, Belz, Skver, Première Mesifta et du Collège rabbinique du Canada. Il est aussi recommandé de révoquer le permis d’enseignement au secondaire de l’école Yeshiva Gedola-Merkaz Hatorah de Montréal, en raison de ses nombreuses violations de la Loi sur l’enseignement privé.
La CCEP ne recommande pas non plus de reconduire le permis du collège La Cabriole, qui offre une attestation d’études collégiales pour devenir palefrenier professionnel, en raison de ses problèmes financiers. L’école primaire La Source, soutenue par l’Institut chrétien d’enseignement de l’Estrie, et l’école Le Savoir, qui relève de l’Association musulmane du Canada, ont encore trop de lacunes pour recevoir la subvention qu’elles demandent. Rappelons que la CCEP a un pouvoir consultatif et que c’est le ministère qui détient les pouvoirs de révocation de permis.

source : par Lisa-Marie Gervais
http://www.ledevoir.com/societe/education/409528/education-quebec-part-a-la-recherche-des-enfants-qu-on-echappe