L’observatoire des phénomènes sectaires, coordonnateur de l’action des pouvoirs publics, quitte la tutelle de Matignon pour être rattaché à l’Intérieur.

Le 1er janvier prochain, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), née en 2002, va être transférée de Matignon au ministère de l’Intérieur, au sein du secrétariat spécialisé dans la radicalisation (CIPDR, Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation).

Deux organisations « complémentaires », assure Frédéric Rose, nouveau secrétaire général du CIPDR. « On a à apprendre de l’expertise de la Miviludes, assure-t-il. On ne va pas la dissoudre. On a plein de points communs, ses membres continueront à travailler. »
« On attend des clarifications »Mais depuis l’annonce du transfert il y a deux mois, la mission a déjà perdu « un président, un secrétaire général adjoint et du personnel administratif », explique la secrétaire générale de la Miviludes, Anne Josso. Elle attend encore des « clarifications » sur la nouvelle organisation et le devenir de ses neuf agents, véritables puits de sciences dans leur domaine (éducation, santé, finances…).

Pourtant, l’activité de cette mission est loin d’être en baisse : de 2015 à 2018, les saisines (demandes d’avis et signalements, émanant surtout de particuliers) ont augmenté de 30 %, passant de 2.160 à 2.779, selon le dernier rapport d’activité de la mission qui doit être publié dans les prochaines semaines.

En 2019, c’est elle, alertée par des proches, qui a signalé à l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) le Fonds Josefa qui pratiquait des essais cliniques clandestins. Les faits dénoncés étaient réalisés à l’abbaye Sainte-Croix, au domaine de la Cossonnière, à quelques kilomètres à l’écart du bourg de Saint-Benoît près de Poitiers (Vienne). L’expérimentation consistait à appliquer aux patients des patchs dans l’espoir de traiter plusieurs maladies neurologiques (Parkinson, Alzheimer, troubles du sommeil…).

Dans ce contexte, les atermoiements sur son avenir sont « une victoire des sectes », tranche Me Daniel Picotin, avocat bordelais spécialisé dans la lutte contre les sectes. Selon lui, « c’est l’enterrement par l’État d’une politique de lutte contre les dérives sectaires ». Au moment même où « ces mouvements sont en train de gagner du terrain », met en garde Charline Delporte, présidente du Caffes, association d’aide aux victimes.

Car la Miviludes impulse également une politique de coopération sur le terrain, organise des comités départementaux avec les préfectures, qui permettent de faire remonter les signalements. Alertée dans 80 % des cas par des particuliers, notamment via son site internet, la Mission peut en effet saisir directement les parquets sur la base de l’article 40 du Code de procédure pénale qui permet de signaler crimes ou délits au procureur.

Pour les policiers du pôle chargés d’enquêter sur les dérives sectaires, la Miviludes est « la source clef », dont les agents « signalent quasiment toutes les semaines des cas qui pourraient faire l’objet d’une judiciarisation », explique Philippe Guichard, à la tête de l’Office central pour la répression des violences aux personnes.

Les agents sont ainsi au fait de la législation, de la loi Aboud-Picard, fondement de la lutte contre les sectes devant les tribunaux, aux derniers développements légaux permettant de caractériser l’emprise et l’abus de faiblesse.

La Miviludes joue aussi un rôle de vigie face aux grandes tendances qui se dessinent au sein des dérives sectaires : des inquiétudes au sujet de l’éventuelle implantation de la Scientologie près de Paris, aux dérives actuelles des thérapies alternatives.

Selon le dernier rapport d’activité de la mission, 40 % des signalements concernent la santé, et plus de 20 % le pôle « mineurs » : écoles hors contrats, et marché du bien-être et du développement personnel des 4-15 ans. Des domaines très éloignés de ceux du CIPDR auquel doit être rattachée la Miviludes.

En savoir plus

Définitions des dérives sectaires : la déstabilisation mentale ; le caractère exorbitant des exigences financières ; la rupture avec l’environnement d’origine ; l’existence d’atteintes à l’intégrité physique ; l’embrigadement des enfants, un discours antisocial, des troubles à l’ordre public ; d’éventuels détournements des circuits économiques traditionnels ; des tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.
Autres critères d’alerte : une menace d’atteinte à l’ordre public ; des conditions de vie déstabilisantes ; des atteintes à des personnes en état de faiblesse et d’ignorance ; une sujétion mentale conduisant à des actes ou à des abstentions préjudiciables ; un refus des autres et l’isolement dans un groupe ; la violation des principes fondateurs de la République ; le non-respect des conventions internationales ratifiées par la France.

source:

https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/quel-avenir-pour-la-miviludes

le 27/12/2019

la Nouvelle République