Elles lisent les lignes de la main, purifient à l’aide de cristaux, prient des divinités passées, les sorcières modernes comptent de plus en plus d’adeptes. Les valeurs prônées – particulièrement actuelles – expliquent en partie le succès de la sorcellerie mais cette mouvance n’est pas sans dérives.

Un rituel ©Unsplash
Un rituel ©Unsplash

Sur Tiktok, les hashtags #witch, #wicca, #witchtok cumulent chacun quelques milliards de vues. La sorcellerie moderne tire ses racines de la religion Wicca, un néo-paganisme, créé aux États-Unis dans les années 1950 par Gérald Gardner. Ces dernières années, cette mouvance semble cumuler les nouveaux adeptes, et charmer tout particulièrement les jeunes femmes. Sauge, cristaux et bougies se mettent aux services d’un ésotérisme moderne. Esthétisme léché aux airs d’antan, les sorcières modernes créent de larges communautés en quête de sens en parallèle d’un marketing qui n’a pas tardé à se saisir du marché florissant

Esotérisme aux allures de développement personnel

De l’amateure à ses heures perdues à celle qui prend part activement à la Wicca, les origines de la sorcellerie moderne ont en commun un mix de nombreuses mouvances religieuses et spirituelles passées : “Chamanisme, druidisme et mythologie gréco-romaine, celtique et nordique” qui s’allient pour nourrir un culte de la féminité, des éléments, de la Nature, rapporte Le Parisien.

Certaines avancent des dons de médiumnité, s’appliquent aux lectures de tarot, quand d’autres purifient leurs chambres à l’aide de plantes et de rituels. Bonne fortune, retour de l’ex tant aimé, les promesses sont nombreuses et alléchantes. Dans un contexte de réchauffement climatique et quand de nombreux jeunes souffrent de problèmes de santé mental, le succès exponentiel d’un culte qui puise ses charmes dans l’amour de la Nature, et dans une quête de sens est peu surprenant. Au delà des procédés parfois insolites adoptés, ces rituels sont en général une occasion de valoriser l’intériorité et la décroissance.

Et de féminisme…

Le slogan féministe ” Nous sommes les filles des sorcières que vous n’avez pas pu brûler ” rappelle la symbolique prégnante des sorcières dans les mouvements de libération féminine. Celles qu’on brulait sur des bûchers pour un pacte avec le Diable sont considérées aujourd’hui comme des martyres de la cause des femmes. Le regain d’intérêt pour la sorcellerie ne peut donc pas être séparé de ce symbole.

Clara Lemonnier, anthropologue, a écrit Le Grand Livre des guérisseuses, elle explique au journal français Le Républicain, distinguer trois sortes de sorcières modernes  : ” la très politisée qui se situe dans la mouvance historique. Elle milite collectivement pour des causes, la plupart du temps, féministes et écologistes, anticapitalistes également. » Il y a ensuite la guérisseuse, « une thérapeute avec des pratiques sorcellaires, qui a conscience des problèmes sociaux et écologiques, mais qui fait sa part, individuellement, à son échelle… La figure du colibri en somme ». Le troisième type, c’est la sorcière « tendance » ou « sorcière Instagram ». « Elle a une vision beaucoup plus individualiste, son but c’est le développement personnel. Elle est capable d’acheter sa sauge sur Amazon… C’est un peu un objet de consommation, une sorcière à conscientiser ».

Une nouvelle mode, pas sans dérives

Comme l’explique l’anthropologue, ce regain d’intérêt pour le culte sorcier n’est pas passé inaperçu chez les marchands en tout genre. Les boutiques ésotériques se multiplient et sur Internet tout se vend et s’achète pour compléter sa panoplie de sorcière. Une démarche qui peut parfois s’avérer couteuse. Les symboles de la mouvance Wicca se retrouvent sur des objets en tout genre, phases de lune, cartes de tarots s’impriment sur les vêtements. Cristaux, bougies deviennent des indispensables, et bien sûr ouvrages pour affiner ses connaissances. Le Parisien révèle “que de 2,1 millions d’exemplaires en 2010, les ventes de livres ésotériques ont atteint 3,7 millions l’an dernier.”

Par ailleurs, chez nos voisins frontaliers, on observe désormais une certaine vigilance face à une potentielle dérive sectaire. Le  dernier rapport de 2021 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, s’inquiète notamment du développement du “Féminin sacré” et des stages proposés à des prix exorbitants : “Il est souvent « enseigné » lors de stages à destination des femmes durant lesquels une grande place est accordée au rituel et à l’ésotérisme. Par exemple, les femmes sont incitées « à faire appel au karma et autre énergie quantique ». Des figures mystiques sont également utilisées comme celle de la sorcière. La MIVILUDES recommande une vigilance particulière à l’égard de ce type de mouvement qui essentialise les femmes en les réduisant à des organes génitaux ou des facultés reproductives, alors même qu’il est présenté comme un mouvement féministe destiné à leur épanouissement et incitant à davantage de liberté.”

source : Qui sont ces sorcières modernes qui investissent les réseaux sociaux ? (lalibre.be)

Par  Mardi 31 octobre 2023 15:31