Les récentes attaques terroristes ici et à l’étranger ont conduit des observateurs à suggérer que le processus de radicalisation est semblable aux méthodes de recrutement de sectes. Certains ont déclaré que les groupes terroristes sont des sectes. Peu importe l’étiquette rattachée à ces groupes, une similitude entre eux est remarquable, c’est la violence perpétrée par certains groupes envers les personnes et la société.

Depuis 35 ans, Info-Secte apporte une réponse aux préoccupations que suscitent des groupes qui exercent sur leurs membres un niveau de contrôle élevé, communément appelés « sectes » et à la question du phénomène des sectes en général. Info-Secte a toujours mis l’accent sur comment et pourquoi les gens adhèrent ou sont recrutés et convertis aux groupes extrêmes et marginaux, sur le fonctionnement de ces groupes, sur leur évolution au fil du temps ainsi que sur les privilèges et caractéristiques des dirigeants. Par conséquent, les dernières préoccupations mondiales sur la radicalisation, l’extrémisme et la violence sont des questions dont nous nous occupons depuis le début d’Info-Secte en 1980.

Info-Secte évite des réponses simplistes, des «oui » ou des « non » à des questions complexes telles que « Est-ce que ce groupe est une secte? » ou « Est-ce que le groupe est dangereux? » Tous les groupes étiquetés comme sectes ou groupes extrêmes ne sont pas semblables. Une façon utile de comprendre le spectre des groupes dans notre société est de les placer sur un continuum. D’un côté on place les groupes qui sont ouverts, tolérants, ont un leadership qui est non autoritaire et respectueux envers les membres et les non-membres. À l’autre extrémité, on retrouve les groupes qui sont fermés, intolérants, dans lesquels on exerce une direction autoritaire sur les choix, les décisions et les comportements des membres et dans lequel ont valorise un rejet de l’ensemble de la société. Tous les groupes se situent quelque part sur le continuum. Nous savons cependant que les groupes à niveau de contrôle élevé sont ceux au sein desquels le risque de causer des dommages à leurs membres et à la société est le plus élevé.

Ce sont précisément ces groupes qui nous préoccupent le plus, et qui nécessitent une attention particulière. En réalité, certaines personnes et certains groupes auront recours à la violence comme moyen d’atteindre des fins qu’ils croient justifiables. Le phénomène n’est pas nouveau. Prenez par exemple des groupes tels que le Symbionese Liberation Army (EU), le Baader-Meinhof Gang (Allemagne) et la Brigade Rouge (Italie). Alors que le Canada et d’autres pays se concentrent actuellement sur la radicalisation en relation avec les groupes et l’idéologie islamiques, il est clair que les adeptes d’autres idéologies extrêmes ont eu recours et auront recours à la violence. Timothy McVeigh et le bombardement d’un bâtiment fédéral américain au centre-ville d’Oklahoma City en 1995 est un exemple qui vient à l’esprit.

Dans certains groupes à contrôle élevé, les membres sont les victimes de la violence, comme en témoignent les tragédies vécues au sein du groupe de Roch «Moïse» Thériault, le Temple du Peuple de Jim Jones, l’Ordre du Temple Solaire et Porte du Paradis. Dans d’autres situations, la violence a été dirigée vers l’extérieur de la communauté. Voici deux exemples qui illustrent ce type d’actions.

· En 1984, certains membres de la commune Rajneesh ont utilisé la salmonelle dans le but d’empoisonner les habitants d’Antelope, Oregon. Des centaines de résidents ont été malades.

· En 1994, les adeptes de Shoko Ashara de la secte Aum Shinriyko ont utilisé du gaz sarin dans le métro de Tokyo, entraînant 12 décès. Des milliers de personnes affectées ont dû être traitées dans les hôpitaux.

Dans la plupart des cas, les jeunes et les jeunes adultes sont recrutés ou se joignent à des groupes à la recherche d’un sens à leur vie. Intelligents et idéalistes, beaucoup ont perdu confiance dans les structures traditionnelles de la société, et veulent contribuer à construire un monde meilleur. Il est important de comprendre que ceux qui sont plus vulnérables à l’attrait de groupes extrêmes ou marginaux vivent souvent une période de transition, ou ont besoin d’une figure d’autorité pour guider leurs faits et gestes. Se sentant seuls et à la dérive, ils peuvent également être à la recherche d’un sentiment d’appartenance. En s’associant avec un groupe, ils ont l’impression de faire partie de l’élite choisie, ils se considèrent ainsi privilégiés. Leur association avec un groupe répond ainsi à leur besoin d’être reconnus.

Le besoin de croire et d’appartenir est une motivation très puissante et rend facilement ceux qui le ressentent, vulnérable à la manipulation. La motivation peut servir de levier aux groupes qui cherchent à recruter de nouveaux adeptes.

L’expertise d’Info-Secte repose sur des connaissances et une expérience acquises sur plusieurs décennies au sujet des groupes extrémistes et à haut niveau de contrôle.

Plutôt que d’apposer des étiquettes pour classer les groupes comme des sectes ou des sectes de la mort, et leurs membres comme des fanatiques, des fous ou des dérangés, nous devons concentrer nos efforts pour comprendre pourquoi les gens rejoignent ou sont recrutés par des groupes extrémistes et comment ces groupes fonctionnent. Cette compréhension permettrait d’établir et de déployer des stratégies pour les contrer.

{{Les groupes extrémistes existent depuis des siècles et ne disparaîtront pas.}}

Trop souvent après une tragédie, un malheureux constat s’impose, elle aurait pu être évitée si l’information disponible avait été partagée par les autorités et les organismes en mesure d’agir.

Nous devons nous rappeler que la collaboration et la communication entre les agences gouvernementales sont essentielles au succès de toute intervention. Cette suggestion a été maintes fois formulée.

Les individus et les groupes appartenant à diverses cultures ont aussi un rôle déterminant à jouer dans la lutte contre l’extrémisme. Des forums consultatifs peuvent servir comme moyen efficace de partager la sagesse collective, les connaissances et déterminer des réponses responsables face au phénomène de l’extrémisme.

En travaillant ensemble, nous pouvons jouer un rôle important dans la lutte contre la radicalisation et les actes de violence extrêmes qui se répandent de plus en plus dans notre société.

http://quebec.huffingtonpost.ca/carolle-tremblay/radicalisation-djihadiste-derive-sectaire_b_6810816.html

Carolle Tremblay
Avocate chez Joli-Coeur Lacasse et présidente d’Info-Secte
Ce texte est cosigné par Carolle Tremblay et Mike Kropveld, présidente et directeur Général d’Info Secte.