La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a été saisie, depuis 2012, de plusieurs signalements de « radicalisation » religieuse. Dans le cadre du plan gouvernemental de prévention, elle est aussi totalement mobilisée sur le volet de la formation des professionnels. Le président de la Mission interministérielle, Serge Blisko, précise les liens entre ce phénomène et les dérives sectaires.

{{ ]Depuis quand le phénomène de radicalisation est une préoccupation de la Miviludes ?}}
En 2012 et 2013, nous avons été saisis de plusieurs signalements de familles au sujet de leurs enfants mineurs et jeunes majeurs de 14 à 25 ans. Des familles démunies, confrontées à la radicalisation de jeunes qui faisaient d’abord des choix vestimentaires et alimentaires, puis des choix de départ vers des pays étrangers, pas nécessairement vers des champs de bataille. Elles ne savaient plus vers quels institutions et organismes se tourner.
Les cas étaient très différents des radicalisations religieuses qui nous préoccupent actuellement avec la problématique du jihad. Les personnes en question n’avaient aucun lien avec la délinquance ou la criminalité. Il s’agissait d’une majorité de filles assez éloignées d’une culture arabo-musulmane.
Avez-vous immédiatement identifié un rapport entre cette radicalisation et des dérives sectaires ?
À cette époque, nous étions perplexes quant à un lien entre « radicalisation » et « dérive sectaire », car en général les gourous ou les prédateurs jettent rarement leur dévolu sur des mineurs. Ensuite, début 2014, Dounia Bouzar, qui a créé le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam (CPDSI) ], a eu un cri d’alarme.
Elle avait eu plusieurs centaines de signalements et reçu de nombreuses familles. Nous avons alors mieux appréhendé quantitativement et qualitativement le phénomène et avons décidé qu’il fallait se donner les moyens d’y faire face. Nous avons eu une convergence de vue avec elle.

{{Concrètement, quelles sont les caractéristiques de cette dérive sectaire ?}}
Il s’agit bien d’un embrigadement et d’une emprise mentale qui se met en place dans 99 % des cas par les réseaux sociaux. Le contact amical qui s’exerce se transforme en contrôle social. Dans les faits, on remarque une « prise à distance » de la personne. Il s’agit plutôt de jeunes – 70 % sont des filles – issus des classes moyennes. De leur part, il y a une volonté de rompre avec le milieu familial et scolaire. La fréquentation de lieux de cultes est rare.
Comment la Miviludes agit-elle face à ce phénomène ?
La Miviludes a d’abord eu un rôle de détection et de lanceur d’alerte. Ensuite, sous l’égide du Premier ministre et du ministre de l’intérieur et à la demande du Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) nous avons formé les écoutants du numéro vert national d’assistance et d’orientation, à présent très bien connu, et les agents de l’État dans les préfectures et dans les départements qui sont chargés de suivre et d’accompagner les familles.
{{
De quels moyens disposez-vous ?}}
Aujourd’hui, notre action s’inscrit dans le cadre du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) qui, comme l’a annoncé le Premier ministre, sera doté de 60 millions supplémentaires sur une période de trois ans pour agir dans le cadre de la prévention de la radicalisation. Les formations vont être démultipliées dans l’objectif de mailler le territoire.
Nous pensons que les collectivités locales et leurs services (CCAS, jeunesse etc.) sont également à même d’être présents dans l’accompagnement des familles souvent désemparées.

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