Thierry Tilly, qui avait dépouillé une famille d’aristocrates après l’avoir placée sous sa dépendance, a été condamné hier à 8 ans de prison ferme.

Le 5 octobre dernier, au terme de dix jours de débats devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, le sort de Thierry Tilly, le gourou des reclus de Monflanquin, paraissait d’ores et déjà scellé. Certains familiers du palais pronostiquaient même sa condamnation à une peine de huit ans de prison ferme. Elle a finalement été prononcée hier par la juridiction que préside Marie-Élisabeth Bancal, à l’issue de son délibéré !

Sans le vote, en 2001, de la loi About-Picard, qui a introduit dans le Code pénal la notion d’abus de faiblesse à l’encontre d’une personne en état de sujétion psychologique, Thierry Tilly aurait sans doute échappé aux foudres de la justice. Pour être établi, ce délit suppose l’existence de pressions et le recours à des techniques de manipulation de nature à créer une relation de dépendance. Après avoir examiné les plaignants, le docteur Daniel Zagury, l’un des plus éminents psychiatres français, a conclu qu’ils avaient tous été victimes d’une telle emprise.

« Thierry Tilly a inspiré confiance, puis séduit ses interlocuteurs par la capacité à faire face à toutes les situations », constate le tribunal. Du redressement de l’école privée dirigée par Ghislaine de Védrines à l’orientation scolaire de son neveu en passant par le règlement de contentieux avec l’Urssaf et le fisc, le gourou avait réponse à tout. Progressivement, de la grand-mère aux petits-enfants, chacun a adhéré à un discours qui imputait les événements du quotidien à des individus susceptibles de mettre le clan en danger.

Qu’ils habitent Bordeaux ou Paris, les Védrines, subitement convaincus de la nécessité de se protéger des francs-maçons, des pédophiles ou des rose-croix, rompront avec leur environnement professionnel et affectif pour se cloîtrer dans leur château de Monflanquin, en Lot-et-Garonne, avant de rejoindre « le maître » en Angleterre. Entre-temps, ils auront été contraints à se dépouiller de la totalité de leur patrimoine au profit de Thierry Tilly et de son complice, Jacques Gonzalez, le président d’une obscure fondation humanitaire, condamné hier à quatre ans de prison ferme.

« Au cours de ces neuf années, il s’est appuyé sur la situation et l’histoire d’une famille dont il a su exploiter les failles, amplifiées par la donation-partage, la jalousie d’une fille vis-à-vis d’une belle-fille, les mésententes conjugales, les rivalités et mesquineries », relève le tribunal en soulignant l’ampleur des spoliations. Thierry Tilly et Jacques Gonzalez devront verser plus de 5 millions d’euros aux Védrines, dont 505 000 euros au titre du préjudice moral. Des sommes que ne couvrent pas les saisies des maigres actifs du tandem opérées pendant l’instruction.

Alexandre Novion, l’avocat de Thierry Tilly, n’exclut pas de faire appel de ce jugement, qui maintient son client en détention. « Il est beaucoup trop sévère et il pourrait être à l’origine d’une jurisprudence liberticide. On ne peut pas laisser les psychiatres et les psychologues s’asseoir dans les fauteuils des juges. »

Hier matin, avant de repartir entre deux policiers, Thierry Tilly, aujourd’hui âgé de 48 ans, a eu le temps d’apostropher les magistrats : « Cela ne fait que commencer. Nous mettrons en cause votre responsabilité devant la Cour européenne des droits de l’homme. » Des propos à l’emporte-pièce dans la droite ligne de ceux tenus tout au long de son procès et qui laissent toujours pendante la même question : comment la famille Védrines a-t-elle pu être le jouet d’un tel personnage ?

source :http://www.sudouest.fr/2012/11/14/le-gourou-n-a-pas-eu-le-dernier-mot-877876-7.php
SUD OUEST 14/11/2012 Par Dominique Richard