Lundi 09 Novembre 2009

FAITS DIVERS. Sa famille a été prise par Thierry Tilly. Pas lui. Il raconte

Une quinzaine de jours après l’interpellation du gourou présumé Thierry Tilly (lire notre édition d’hier), Jean Marchand est toujours sans nouvelles des huit membres de sa famille (de Védrines) dont la vie a basculé voici huit ans. Parmi eux, ses deux enfants, Guillemette, 32 ans, et François, 30 ans. Tous vivent actuellement à Oxford, où Thierry Tilly avait élu domicile dès 2000 et où la famille de Védrines a progressivement émigré à mesure qu’elle se défaisait de ses activités et de ses biens.

Au long de ces huit années de combat solitaire, Jean Marchand a eu le temps de repasser mille fois dans son esprit le scénario de l’emprise tel qu’il s’est mis à l’oeuvre autour de lui. Mais sans lui.

« Thierry Tilly est entré en contact avec mon épouse via l’école de secrétariat qu’elle dirigeait à Paris, dès 1997, raconte-t-il. Il possédait alors une entreprise de nettoyage industriel. Dès lors, il n’a plus quitté ma famille. »

{{La toile}}

À l’époque âgé d’une cinquantaine d’années, Jean Marchand, qui a fait toute sa carrière dans la presse (« La Croix », « L’Express », puis des journaux professionnels), ne mesure pas le danger. « Tilly prenait de plus en plus de place dans l’école où travaillait mon fils et où ma fille avait un bureau. En le découvrant, mes beaux-frères l’ont trouvé formidable. Personnellement, il ne m’a pas frappé par son charisme. Lors de notre première rencontre, il m’a dit être agent secret. Je me suis retenu pour ne pas en rire. Sans doute testait-il ma personnalité et ma capacité de résistance. Il me proposa un jour de rédiger un rapport pour Matra. Trois jours de travail, 30 000 euros ! Je déclinais son offre. Ce type ne m’intéressait pas. J’avais tort. Car, à l’époque, il était en train de tisser sa toile autour des miens. »

Le 1er septembre 2001, Jean Marchand accompagne sa fille jusqu’à l’autel pour son mariage avec Sébastien Driant. C’est jour de fête au château de Martel, à Monflanquin. La dernière fête. Quelques jours plus tard, suivant un mode opératoire extrêmement précis dont il retrouvera le scénario écrit au cours de ses investigations, Jean Marchand est exclu de sa famille qui se retranche dans le château. Le cauchemar commence.

{{Malade}}

« À l’automne 2001, Tilly décide de passer à l’action. De conduire les Védrines à brûler leurs vaisseaux, à se couper de tout et de tous. Ils vont vivre dans le noir, sans montre, sans date, sans repères. Dans cette entreprise, j’étais un problème pour Tilly. Il m’a donc exclu en me diabolisant aux yeux de mon épouse, de mes beaux-frères et belles-soeurs, de mes enfants. Il leur a mis en tête toutes sortes d’horreurs, dont beaucoup à caractère sexuel. Au cours de mon enquête, j’ai compris qu’il avait eu l’intelligence de ne jamais m’attaquer frontalement auprès des miens. Mais de me décrire comme un malade qu’il convenait de protéger de lui-même. »

Lorsqu’il est éjecté, Jean Marchand comprend que la séquestration ahurissante dont il a été victime, en novembre 2000, était annonciatrice de son éviction. « Durant deux jours, mes beaux-frères m’avaient bouclé dans ma chambre, appelant un psychiatre pour m’examiner. J’ai voulu alors oublier ce coup de folie. Trop vite. »

Sa fille Guillemette, tout juste mariée au moment où la famille se retranche, sera rattrapée par le gourou durant les fêtes de Noël. « Il faut que Ghislaine de Védrines ait ses deux enfants avec elle. Sinon elle va nous lâcher. L’action pour aider Guillemette a déjà commencé », écrit Tilly dans un de ses mails découverts plus tard. Lorsqu’elle arrive à Monflanquin pour la fin de l’année 2001, laissant pour quelques jours son mari – « Ce petit con immature », selon l’expression de Tilly -, Guillemette Marchand ignore sans doute qu’elle ne reviendra jamais vers son foyer…

Auteur : dominique de laage

d.delaage@sudouest.com