Thierry Tilly, reconnu responsable de la ruine d’une famille de notables un temps surnommée «les reclus de Monflanquin», sera rejugé à partir de lundi par la cour d’appel de Bordeaux, cinq mois après sa condamnation en première instance à huit ans de prison.

Il s’agit d’une affaire rare, par son ampleur et la personnalité des victimes, d’abus de faiblesse par sujétion psychologique.

M. Tilly, après avoir fait connaissance à la fin des années 1990 des de Védrines, notables aisés, instruits et honorablement connus du Sud-Ouest, avait réussi à isoler psychologiquement de leurs proches onze personnes de la famille, issues de trois générations, à les convaincre qu’elles étaient victimes d’un complot dont lui seul pouvait les sauver, et à leur faire vendre tous leurs biens à son profit, le tout en une dizaine d’années.

A la suite de l’épisode marquant de la séquestration d’une des femmes de la famille pendant une semaine, accompagnée de violences, organisée par M. Tilly pour lui faire avouer un secret imaginaire, certaines victimes avaient alors repris contact avec la réalité. Les autres avaient été «libérées» de l’emprise quelques mois plus tard, avec l’arrestation de M. Tilly en octobre 2009.

Dans son jugement du 13 novembre, le tribunal de Bordeaux avait notamment remarqué que M. Tilly s’était appuyé sur «la situation, l’histoire et le fonctionnement» de cette famille, et avait su en «exploiter les failles (…) mésententes (…) rivalités (…) et mesquineries» par toute une série de «pressions et de techniques psychologiques».

Le jugement avait dénoncé «l’extrême gravité des faits».

Thierry Tilly sera seul à comparaître lundi, son complice présumé Jacques Gonzalez, 66 ans, s’étant désisté de son appel le 9 avril, après avoir été condamné à 4 ans de prison.

Les deux hommes avaient été aussi condamnés à indemniser les victimes de leur préjudice matériel (un peu plus de 4,6 millions d’euros au total) et de leur préjudice moral (505.000 euros).

Le parquet sera représenté en appel, comme en première instance, par Pierre Bellet, qui avait requis la peine maximum de dix ans lors du premier procès.

La durée du second devant la cour d’appel, présidée par Michel Barrailla, sera divisée par deux : une semaine au lieu de deux, offrant ainsi une moindre tribune à M. Tilly, un homme qui ne paye pas de mine, mais a fait montre devant le tribunal d’une logorrhée intarissable et d’une imagination sans limites, flirtant souvent avec le comique involontaire.

Mais dès le jugement rendu, le prévenu avait montré un tout autre visage, affirmant aux juges que l’affaire ne «faisait que commencer», laissant entendre qu’il entendait épuiser les moyens de droit.

L’avocat de M. Tilly, Alexandre Novion, souhaite lui aussi que le procès serve à «aller plus loin dans la discussion des composantes juridiques de l’abus de faiblesse par sujétion psychologique» reproché à son client.

Mais il met en doute la thèse selon laquelle «un homme seul a abusé de onze personnes pendant dix ans par les seules forces de son esprit».

Il juge pour sa part qu’il serait «épouvantable» qu’on créée un délit d’emprise mentale, en raison des abus qui pourraient en découler, selon lui.

source : Par AFP
Libération